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France/Syrie

Nicolas Sarkozy referme la parenthèse du dialogue avec Damas

par Nicolas Falez

Article publié le 31/12/2007 Dernière mise à jour le 01/01/2008 à 11:13 TU

Le président français hausse le ton à l’égard de la Syrie : les contacts avec ce pays ne reprendront que si Damas favorise l’élection d’un «président de consensus» au Liban.

Le président syrien, Bachar el-Assad, et son homologue français, Nicolas Sarkozy.(Photo : Reuters)

Le président syrien, Bachar el-Assad, et son homologue français, Nicolas Sarkozy.
(Photo : Reuters)

« Nous attendons maintenant des actes de la part des Syriens et non pas des discours », a déclaré Nicolas Sarkozy dimanche 30 décembre 2007 au Caire, lors d’une conférence de presse avec son homologue égyptien Hosni Moubarak. « Il y a un seul acte qui m’intéresse, l’élection d’un président au Liban », a ajouté le chef d’Etat français, annonçant qu’il n’y aurait plus de contact avec Damas jusqu’à l’élection d’un « président libanais de large consensus ». En prononçant ce discours très ferme, Nicolas Sarkozy renoue avec la politique d’isolement de la Syrie qui avait dominé les dernières années de la présidence de Jacques Chirac.

La visite officielle de Nicolas Sarkozy en Egypte était en soi une étape importante. D’abord parce qu’il s’agissait de la première visite du président français au Proche-Orient depuis son élection en mai dernier. Ensuite, parce que c’est au Caire, en 1996, que son prédécesseur Jacques Chirac avait prononcé le discours fondateur de la politique qu’il entendait conduire dans cette région du monde. « La politique arabe de la France doit être une dimension essentielle de sa politique étrangère. Je souhaite lui donner un élan nouveau, dans la fidélité des orientations voulues par son initiateur, le général de Gaulle », avait alors déclaré l’ancien chef d’Etat français.

La suite fait désormais partie de l’histoire : lors de ses douze années passées au pouvoir, Jacques Chirac a, certes, affiché son amitié avec le monde arabe mais il s’est aussi profondément brouillé avec la Syrie au lendemain de l’assassinat de Rafic Hariri en février 2005 : l’ancien Premier ministre libanais était un ami proche du président français et très vite, Damas a été soupçonné d’avoir voulu la mort du dirigeant politique libanais… Conséquence : un silence glacial a régné entre la France et la Syrie pendant les deux dernières années de pouvoir de Jacques Chirac.

Crise libanaise

Un silence rompu ces derniers mois par le nouveau chef de l’Etat français et son ministre des Affaires étrangères. Nicolas Sarkozy et Bernard Kouchner ont fait du Liban un dossier emblématique de la diplomatie française, persuadés que Paris pouvait et devait faire entendre sa voix dans la périlleuse crise libanaise.

Le Liban n’a plus de président depuis le 23 novembre dernier, date de la fin du mandat d’Emile Lahoud. La majorité parlementaire anti-syrienne et l’opposition pro-syrienne sont tombées d’accord sur le nom du nouveau chef de l’Etat (le chef de l’armée libanaise, le général Michel Suleiman)  mais la question du partage du pouvoir après son élection reste conflictuelle.

Partant du principe que la Syrie et ses alliés au Liban sont incontournables, la France a multiplié depuis l’automne les gestes de rapprochement avec Damas : après un premier rendez-vous annulé en septembre à New York (une personnalité anti-syrienne venait d’être assassinée à Beyrouth), Bernard Kouchner a rencontré son homologue syrien Walid Mouallem début novembre à Istanbul, en marge d’une conférence internationale sur l’Irak. Puis Nicolas Sarkozy a décroché son téléphone et s’est entretenu avec son homologue syrien lui demandant de ne pas intervenir négativement dans l’élection libanaise. De leur côté, Claude Guéant et Jean-David Levitte, proches conseillers du président français, ont fait le voyage de Damas pour tenter d’obtenir le soutien de la Syrie au processus politique en cours au Liban.

Rupture

Fin décembre, changement de méthode et changement de ton. Il faut dire que l’élection présidentielle libanaise est reportée pour la onzième fois. Le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner dresse un sombre constat : « De report en report (…) nous avons reculé plus qu’avancé », et d’ajouter ces mots qui semblent admettre l’échec : « La France a fait ce qu’elle a pu ». 

Dimanche dernier, au sortir de ses vacances égyptiennes, Nicolas Sarkozy enchaîne avec une visite officielle. Et au cours d’une conférence de presse, il annonce donc la fin du chapitre « dialogue avec la Syrie ». « Nous attendons maintenant des actes de la part des Syriens et non pas des discours », lance le chef d’Etat français, qui précise : « Il y a un seul acte qui m’intéresse, l’élection d’un président au Liban ».

Exaspération

Dans son agacement, Nicolas Sarkozy rejoint les propos tenus par le président américain George Bush, le 20 décembre dernier. Interrogé, justement, sur les récents échanges téléphoniques entre le chef d’Etat français et son homologue syrien, George Bush avait déclaré : « Le président Assad a épuisé ma patience (…) parce qu’il héberge le Hamas, parce qu’il soutient le Hezbollah, parce que des kamikazes passent de son pays en Irak et parce qu’il déstabilise le Liban. Alors s’il écoute, il n’a pas besoin d’un coup de fil. Il connaît exactement ma position ».

Pourquoi et comment la Syrie parvint-elle à exaspérer autant les présidents français et américain ? « La Syrie est sur une position assez rémunératrice en termes de gains politiques », explique le chercheur français Frédéric Charillon, « elle est l’un des derniers pays à faire de la résistance au processus politique proposé par les pays occidentaux. En étant méchant, on peut dire que c’est la politique du pire, en étant un peu plus gentil on peut dire que c’est lucide. Mais il y a une logique  dans cette posture syrienne ».  

Frédéric Charillon

Chercheur en sciences politiques et spécialiste de la diplomatie française au Proche-Orient

« Nicolas Sarkozy a voulu renouer les contacts avec la Syrie mais cela n'a pas porté ses fruits. L'interlocuteur syrien ne change pas d'attitude. »

 

Réaction syrienne

Face à ce changement de cap de la diplomatie française, la Syrie minimise les déclarations de Nicolas Sarkozy. Les relations entre les deux pays ne sont pas interrompues « jusqu’à présent », estime ainsi le ministre syrien de l’Information. Mohsen Bilal, renvoie Paris à ses accusations d’ingérence : « Nous n’allons pas au Liban comme le font Kouchner et d’autres. Ce sont eux qui y vont et nous les aidons ».