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Royaume-Uni

Londres relance l’énergie atomique

par Heike Schmidt

Article publié le 10/01/2008 Dernière mise à jour le 11/01/2008 à 15:41 TU

John Hutton, secrétaire d'Etat britannique aux Entreprises s'adresse aux membres de la Chambre des Communes, au palais de Westminster, à Londres le 10 janvier.(Photo : Reuters)

John Hutton, secrétaire d'Etat britannique aux Entreprises s'adresse aux membres de la Chambre des Communes, au palais de Westminster, à Londres le 10 janvier.
(Photo : Reuters)

Ses centrales nucléaires vieillissantes poussent la Grande-Bretagne à lancer la construction de nouveaux réacteurs. Suite à une vaste consultation publique, le gouvernement de Gordon Brown a donné son feu vert ce jeudi. Mais le Premier ministre marche sur des œufs : les écologistes jugent l’énergie atomique coûteuse et dangereuse.

« Le gouvernement estime qu'il est dans l'intérêt général que de nouvelles centrales nucléaires jouent un rôle dans l'offre énergétique future du pays, aux côtés d'autres énergies à faibles émissions de CO2 », a déclaré le secrétaire d’Etat aux entreprises, John Hutton, devant le Parlement.

Cette décision n’a pas été une surprise. Ces derniers mois, le Premier ministre Gordon Brown avait pris soin de préparer le terrain. A maintes reprises, il a déclaré que de « nouvelles centrales nucléaires ont un rôle potentiel à jouer pour combattre le changement climatique et améliorer la sécurité de l’approvisionnement en énergie ». Face au déclin des réserves de pétrole et de gaz de la mer du Nord, le temps presse aux yeux du gouvernement britannique. Aujourd’hui, la Grande-Bretagne compte 19 réacteurs nucléaires qui produisent 20% de son électricité (contre 78% en France). Mais la plupart de ces réacteurs sont en fin de vie. La centrale la plus récente, Sizewell B, date des années 1980 et fermera en 2035. Dix autres sont censées être démantelées bien avant cette date, parmi lesquelles deux déjà cette année.

Carte de l'Europe nucléaireLatifa Mouaoued/RFI

Carte de l'Europe nucléaire
Latifa Mouaoued/RFI

L’année dernière, Tony Blair, le prédécesseur de Gordon Brown, avait déjà tracé la route pour la relance du programme atomique. En mai 2007, il déclarait dans le quotidien Times : « La Grande-Bretagne passe d’une situation où elle est à 80 % autosuffisante à celle où elle devra, d’ici à 2020, importer la totalité de son gaz et plus de la moitié de son pétrole. Et si cela ne suffisait pas en soi, nous sommes en plus confrontés à des pays, comme la Russie, qui sont prêts à utiliser leurs ressources énergétiques comme un instrument politique. » A l’époque, la justice avait invalidé la procédure de débat public, obligeant le gouvernement à rouvrir la consultation.

Le nucléaire : presque un Britannique sur deux s’y oppose

L’utilisation de l’énergie atomique demeure un sujet polémique en Grande-Bretagne. Selon des sondages publiés en 2007, presque un Britannique sur deux s’y oppose. Le mouvement écologiste Greenpeace envisage d'ores et déjà d’aller devant les tribunaux afin de faire annuler la nouvelle consultation, en estimant qu’elle n’est qu’une mascarade. Greenpeace estime de toute façon que dix nouveaux réacteurs ne réduiront les émissions de gaz carbonique que de 4%, et cela au plus tôt en 2025. Les Verts britanniques sont sur la même longueur d’onde. La députée du Parti des verts, Caroline Lucas, parle pour sa part d’une « love affair », une liaison amoureuse avec le nucléaire qui, selon elle, est une « distraction dangereuse, irresponsable et coûteuse qui détourne les regards du vrai défi du changement climatique ».

Les écologistes craignent que les investissements dans le nucléaire - estimés officieusement à 16 milliards d’euros pour six centrales - se fassent au détriment des énergies renouvelables. C’est une pierre dans le jardin du gouvernement, qui se veut à la pointe dans la lutte contre le réchauffement climatique. Londres s’est engagé à promouvoir des énergies propres comme l’éolien, le soleil ou encore le vent, mais considère que ces énergies sont encore trop coûteuses et techniquement pas assez avancées pour se reposer uniquement sur elles. Pour combler le vide, le Royaume-Uni veut donc miser sur l’énergie nucléaire qui fait, elle aussi, partie des énergies à faibles émissions de CO2.

Areva en attente de contrats juteux

Tandis que les écologistes font des pieds et des mains pour empêcher les projets atomiques du gouvernement, les fabricants de réacteurs comme le groupe public français Areva s’en réjouissent. Tout de suite après l’annonce du gouvernement britannique, le président de la division réacteur du groupe Areva NP, Luc Orsel, a affirmé que son ambition était de construire au moins quatre, et probablement six réacteurs au Royaume-Uni. Pour cette candidature, Areva s’est associée avec l’électricien français EDF.   

L’engouement pour l’atome

Le réchauffement climatique, les objectifs de réduction des gaz à effet de serre et la flambée du prix de pétrole ont relancé le débat sur le nucléaire en Europe et partout dans le monde.

• 16% de l’électricité mondiale et 34% de l’électricité dans l’Union européenne viennent du nucléaire.

• 15 des 27 membres de l’Union européenne ont des centrales nucléaires. La France tire près de 80% de son électricité de l’atome, l’Allemagne 31%, l’Espagne 23% et les Pays-Bas seulement 4%.

• L’attitude envers l’énergie nucléaire varie d’un pays de l’UE à l’autre. La France a opté pour le renouvellement de ses centrales, la Finlande construit un cinquième réacteur, un sixième est en discussion. En Allemagne, la sortie du nucléaire décidée par la coalition gauche-droite prévue pour 2020 est remise en question : le ministre de l’Economie, Michael Glos, profite de la flambée du prix de pétrole pour relancer l’énergie nucléaire. L’Italie, qui a fermé ses centrales en 1987, un an après l’accident de Tchernobyl, n’exclut plus de rouvrir le dossier de l’atome.

• En revanche, en Espagne, le chef du gouvernement socialiste a annoncé son intention de réduire la part du nucléaire dans son pays s’il était réélu le 9 mars prochain.

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