par Artan Pernaska
Article publié le 10/01/2008 Dernière mise à jour le 10/01/2008 à 21:18 TU
En Colombie, la revue La Semana a publié en couverture une photo récente des yeux d’Emmanuel, le fils de Clara Rojas et d’un guerillero des FARC.
(Photo : Notimex)
L’histoire d’Emmanuel, petit enfant de la jungle colombienne, fils d’un père guérillero et d’une mère otage a tout d’un roman.
La libération de Clara Rojas ainsi que la confirmation, mercredi, par le laboratoire espagnol de Saint-Jacques-de-Compostelle des résultats des tests ADN effectués en Colombie portent de nouveau l’attention sur cette histoire si singulière.
La mère
Clara Rojas, chef de campagne d’Ingrid Betancourt, a été enlevée par les FARC le 23 février 2002. Rapidement, la guérilla lui propose de la laisser partir, mais fidèle à Ingrid, Clara refuse et décide de partager la détention de son amie. C’est le début d’un calvaire qui va durer près de six ans. En 2006, un journaliste colombien révèle l’existence de l’enfant. Mais la famille de Clara refuse d’y croire.
Le 28 avril 2007, John Frank Pinchao, l’ex-policier colombien retenu avec Ingrid Betancourt et Clara Rojas, s’évade. Il raconte la naissance de l’enfant, livre son prénom, Emmanuel, et explique que Clara est séparée de son bébé, qu’elle souffre. Cette fois, la famille de Clara se dit convaincue de l’existence de l’enfant. Emmanuel est présumé né en 2004 d’une liaison entre Clara Rojas et un guérillero des FARC.
Le père
Les informations parvenues sur le père sont très rares et non vérifiées. Le guérillero était connu par les autres combattants sous le pseudonyme de « Rigo » et il était dit du « front 54 ». Il n’est pas improbable, comme le disent certains, que son vrai nom soit Juan David, le nom qui fut donné à l’enfant par son dépositaire à l’hôpital de San José.
La suite du sort de « Rigo » est trop incertaine. Il semble qu’il ne vivait plus à proximité de Clara Rojas et de l’enfant suite à une « mutation », mais de nombreuses opinions élèvent la possibilité d’une liquidation pour cause d’infraction à la discipline militaire des FARC, qui interdit tout rapprochement entre guérilleros et otages.
L’enfant
Clara Rojas accouche dans la forêt amazonienne de Colombie, en plein bombardement, le 20 juin 2004. L’accouchement est difficile : on pratique une césarienne. A sa venue au monde, l’enfant se fracture le bras gauche.
Les guérilleros décident de l’enlever de la garde de sa mère et de le remettre entre les mains d’une famille paysanne. Cette décision ne se motive pas uniquement par l’état de santé du gamin.
Les femmes-soldates des FARC sont souvent dans l’obligation d’abandonner leurs enfants à des civils. Il en fut de même pour l’enfant de l’otage Rojas.
Guillermo, se présentant comme infirmier, et un autre guérillero déposent l’enfant chez José Crisanto Gomez , dont le beau-père est réputé pour ses dons de guérisseur. Mais l’enfant présente d’autres symptômes de souffrance et les soins de ce beau-père ne sont pas très efficaces.
« La blancheur des traits contrastait avec les cinq enfants métis de la famille José Crisanto », se souviennent aujourd’hui les voisins.
Emmanuel, souffrant de diarrhées et de forte fièvre est amené en ville par José Crisanto. Il est hospitalisé le 16 juin 2005 sous le nom de Juan David Gomez. José Crisanto Gomez le présente comme son neveu et souhaite le récupérer mais, inquiets de son état et de ses multiples souffrances, les médecins décident de le garder, puis de le transférer à l’Institut colombien du Bien-être familial à Bogota. José Crisanto tente de le récupérer, mais en vain.
La bataille médiatique
Le 18 décembre, les FARC offrent de libérer trois otages, dont Clara Rojas et son fils Emmanuel, qu’ils croient toujours chez José Crisanto. La guérilla ignore qu’Emmanuel est désormais le petit Juan David Gomez Tapiero, qui vit à Bogota.
Dans l’incapacité de retrouver l’enfant, les FARC annoncent le 31 décembre l’arrêt de l’opération de libération des trois otages. Le même jour, le président de la Colombie, Alvaro Uribe déclare que l’enfant n’est pas sous le contrôle des FARC et qu’il vit à Bogota.
Les FARC accusent le gouvernement de « séquestrer » l’enfant. A trois ans et demi, Emmanuel est déjà au centre d’une bataille politique et médiatique.