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Justice internationale

Fin de procès pour l’ancien Premier ministre du Kosovo, Ramush Haradinaj

par Stéphanie Maupas

Article publié le 23/01/2008 Dernière mise à jour le 23/01/2008 à 17:31 TU

Le procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a requis vingt-cinq ans d’emprisonnement contre trois anciens responsables de l’Armée de libération du Kosovo (UCK), dont l’ancien Premier ministre Ramush Haradinaj, poursuivis pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Le jugement est attendu dans les prochaines semaines.

Ramush Haradinaj, ancien Premier ministre du Kosovo et  leader de l'Armée de libération du Kosovo (UCK).(Photo : AFP)

Ramush Haradinaj, ancien Premier ministre du Kosovo et leader de l'Armée de libération du Kosovo (UCK).
(Photo : AFP)

« Un édifice laborieusement construit », qui repose « sur du sable ». Ben Emmerson, l’avocat britannique de l’ancien Premier ministre du Kosovo, Ramush Haradinaj, décrit en ces termes le procès intenté par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) contre trois anciens responsables de l’Armée de libération du Kosovo.

Accusés de crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis en 1998 au Kosovo, les trois hommes postés dans le box, Ramush Haradinaj, Lahi Brahimaj, l’ancien gardien de prison et Idriz Balaj, chef de la milice des Aigles noirs, seraient, selon le procureur qui requiert vingt-cinq ans d’emprisonnement contre chacun d’entre eux, les auteurs d’une campagne de terreur orchestrée par l’Armée de libération du Kosovo (UCK).

Pour le parquet, les trois hommes ont conduit une campagne d’épuration ethnique contre les Serbes de la province du Kosovo, mais aussi contre des Albanais et des Roms, soupçonnés de collaboration avec Belgrade ou simplement trop frileux dans leur soutien à l’armée séparatiste.

Une affaire soumise aux pressions

David Re, le substitut du procureur requiert sans passion et dans la dernière ligne droite, mélange les cartes et les noms. « En fait, aucun substitut ne voulait conduire cette affaire », affirme un membre du parquet. Plusieurs substituts britanniques avaient tenté de dissuader Carla del Ponte de se lancer dans cette bataille. Car à l’exception de Belgrade, aucun Etat n’acceptait de coopérer dans l’enquête. « Même les Russes n’ont pas levé le petit doigt » se plaint un conseiller du parquet. Quelques mois avant la mise en accusation des trois hommes, l’ambassadeur américain pour les crimes de guerre, Pierre-Richard Prosper, assurait ne pas s’opposer à une mise en accusation « si le procureur dispose de preuves ». Elles ne viendront pas de Washington.

L’ancien commandant de l’UCK, fraîchement désigné Premier ministre, est alors, en décembre 2005, promis à un bel avenir politique dans cette province de Serbie administrée par l’ONU depuis juin 1999. « Les pressions n’ont jamais été aussi fortes » dit-on au parquet. Dès l’ouverture du procès, une campagne de soutien au prisonnier était orchestrée à Pristina. Sur place, la Mission des Nations unies au Kosovo (Minuk), pariait aussi sur le jeune leader de 39 ans. Steven Shook, le numéro deux de la Minuk, quittait en décembre la mission suite à une enquête ouverte contre lui par l’organisme de contrôle interne des Nations unies (OIOS). On lui reproche notamment ses soutiens affichés au chef séparatiste.

Acquittement ?

Tout au long du procès, la procureure Carla del Ponte - dont le mandat a pris fin le 31 décembre 2007 - avait dénoncé les pressions exercées sur les témoins. Quant ils ne montraient pas d’un mot ou d’une salutation leur soutien aux accusés, plusieurs témoins refusaient de se présenter devant le tribunal. Les juges avaient émis trois actes d’accusation pour « outrage à la Cour » à l’encontre des récalcitrants. « Dans cette affaire, trois témoins ont été assassinés », affirme une source au parquet, mais le procureur n’a présenté aucune pièce pour le démontrer. Le procureur n’a donc pu, loin s’en faut, présenter toutes ses preuves au procès. En face, la défense décidait, fin novembre, de n’appeler aucun témoin pour contrer les accusations : une première.

Les avocats parient sur l’acquittement. Le jugement contre les trois hommes est attendu dans les prochaines semaines. Le procureur a déjà essuyé un cuisant revers avec l’acquittement de deux des trois accusés d’un précédent procès intenté contre des anciens membres de l’UCK. Fraîchement désigné, le nouveau procureur Serge Brammertz, pourrait en faire les frais. Dans une récente déclaration, le magistrat belge dit vouloir donner la priorité aux procès en cours. Selon les limites imposées par les Nations unies, le tribunal devrait clore ses portes fin 2010. Or le procès le plus important engagé par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, celui de Jovica Stanisic, l’ancien chef des renseignements de Slobodan Milosevic, n’est toujours pas inscrit au rôle du tribunal.