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Liban

Attentats, vie chère et vide politique

par Farida Ayari

Article publié le 25/01/2008 Dernière mise à jour le 28/01/2008 à 11:38 TU

Le Liban, qui entre dans son troisième mois de vacance présidentielle, est de nouveau frappé par un attentat tandis que la grogne monte contre la vie chère. Une rue très fréquentée du quartier résidentiel chrétien de Hazmyieh a été le théâtre de l'explosion. Une charge d’au moins 50 kilos d’explosifs a visé le convoi de sécurité du capitaine Wissam Eid, membre des services de renseignement au sein des Forces de Sécurité Intérieure (FSI). Wissam Eid enquêtait sur plusieurs attentats survenus ces dernières années au Liban. Il avait notamment collaboré avec la commission d’enquête internationale sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafik Hariri en 2005.

 

L'attentat a eu lieu sur la route très fréquentée du quartier résidentiel et commercial d'Hazmieh, à l'est de Beyrouth, le 25 janvier 2008.(Photo : Reuters)

L'attentat a eu lieu sur la route très fréquentée du quartier résidentiel et commercial d'Hazmieh, à l'est de Beyrouth, le 25 janvier 2008.
(Photo : Reuters)

Ce nouvel attentat survient à deux jours d’une réunion ministérielle, dimanche, de la Ligue arabe au Caire où le secrétaire général, Amr Moussa, rendra compte de sa récente médiation. Début janvier, la Ligue arabe adoptait un plan pour sortir le Liban de la crise. Il prévoyait l’élection « immédiate » du chef de l’armée, le général Michel Sleimane, à la présidence de la République puis la formation d’un gouvernement d’union nationale et l’adoption par le parlement d’une nouvelle loi électorale pour les élections législatives de l’année prochaine.

Ce plan, accepté par tous les pays membres de la Ligue, y compris la Syrie, a également reçu le soutien de la communauté internationale et en particulier de la France. Lors de sa récente tournée dans le Golfe (13-15 janvier), le président Sarkozy a réitéré ce soutien, affirmant que le plan de la Ligue « rejoint en tous points les propositions françaises ». Agacé par les reports successifs de l’élection présidentielle -cette fois au 11 février- Nicolas Sarkozy s’est indigné : « Est-ce qu’on a jamais vu dans l’histoire d’un pays un parlement dont le président s’en va avec la clé et qui n’a même pas le droit de se réunir ? ».

Si Amr Moussa a réussi, le 17 janvier, à rassembler autour d’une même table Michel Aoun, chef du Courant Patriotique Libre (CPL) mandaté par l’opposition pour mener les négociations avec la majorité, Saad Hariri (Courant du Futur) et Amine Gemayel ( président du parti Kataëbs), pour discuter du plan arabe, au moment de quitter Beyrouth, le 20 janvier, le secrétaire général de la Ligue arabe reconnaissait que « les difficultés résident dans chaque coin et dans chaque détail du dossier libanais » et soulignait que l’initiative arabe « n’était pas dans une impasse, mais devant une porte close qu’on peut toujours ouvrir ».

Tiers de blocage

Opposition et majorité sont d’accord sur la personne du général Michel Sleimane pour la magistrature suprême. En revanche, l’opposition se cabre sur la question du tiers de blocage au sein du futur gouvernement. Ainsi, si le gouvernement compte 30 portefeuilles, l’opposition en revendique 11.

Une revendication réitérée par Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah lors de sa première sortie publique en plus d’un an, le 19 janvier, pour la fête de l’Achoura. A cette occasion, Hassan Nasrallah a critiqué les pays arabes : « Je suis surpris d’entendre les leaders arabes parler de majorité et de minorité et de démocratie au Liban, alors que leurs régimes ne connaissent ni majorité, ni minorité, ni démocratie ! »

La Ligue arabe est, pour l’instant, muette sur la répartition des portefeuilles. Mais le président du Parlement et chef du parti d’opposition Amal, Nabih Berri, estime que le plan arabe prévoit 10 portefeuilles à chaque camp et autant aux fidèles du futur président de la République dans un gouvernement de 30 ministres. Pour lui « la solution est entre les mains de la Syrie et de l’Arabie Saoudite, sans elles il n’y a pas de solution ».

Damas et Ryad

Or, depuis l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafik Hariri, Damas et Ryad sont en froid. C’est probablement pour tenter de réconcilier ces deux acteurs fondamentaux de la crise libanaise que certains dirigeants arabes plaident pour un sommet extraordinaire de la Ligue, début février, au Caire. Pour sa part, la France a suspendu ses contacts diplomatiques avec la Syrie mais n’a pas renoncé à convaincre Damas de revenir à de meilleurs sentiments en ce qui concerne le Liban. Paris a décidé d’utiliser les bons offices du Qatar dont l’émir, Cheikh Hamad Ben Khalifa Al Thani, entretient d’excellences relations avec le président syrien Bachar Al Assad. Quelques jours après la visite d’Etat de Nicolas Sarkozy dans l’Emirat, le premier ministre et ministre des Affaires étrangères qatari était à Paris pour des entretiens sur la crise libanaise et probablement pour faire passer des messages à Damas.

Tensions sociales

Face aux querelles byzantines des politiciens et aux médiations stériles, le peuple libanais commence à s’impatienter. L’agitation sociale s’est emparée de la rue. Lundi 21 janvier, des dizaines de manifestants ont tenté de bloquer les routes de Beyrouth avec des pneus enflammés pour protester contre les coupures d’électricité, nécessitant l’intervention de l’armée pour rétablir le calme. Ces mouvements, souvent violents, se sont récemment multipliés dans les régions où les partis d’opposition, Hezbollah et Amal, sont bien implantés.

Plusieurs syndicats ont appelé à la grève, jeudi 24 janvier, pour protester contre la cherté de la vie. Si le mouvement a été peu suivi dans la capitale, une fois de plus, c’est dans les quartiers et les régions où l’opposition est bien implantée que le mécontentement s’est manifesté. A Beyrouth, des dizaines de chauffeurs des transports en commun ont interdit aux taxis d’accéder à l’aéroport qui se trouve à proximité des quartiers tenus par le Hezbollah. Dans la vallée de la Bekaa, autre place forte du Hezbollah, des manifestants ont bloqué les routes principales avec des pneus enflammés. Même scénario à Saïda, chef-lieu du Liban sud.

Pour contrer la poussée inflationniste, la Confédération générale des travailleurs du Liban (CGTL) réclame la réévaluation à 600 dollars du salaire minimum mensuel contre 200 dollars actuellement. Les prix à la consommation ont augmenté de 3,7 % de janvier à octobre 2007, poussés notamment par la hausse des prix des denrées alimentaires (8 %) et des prix des carburants.

Les difficultés de la vie quotidienne et l’insécurité entretenue par les attentats et les flambées de violence renforcent le malaise d’une société exaspérée de voir s’éterniser la crise politique.