Article publié le 27/01/2008 Dernière mise à jour le 27/01/2008 à 09:55 TU
De notre envoyée spéciale en Caroline du Sud, Anne Toulouse
L’avance de Barack Obama est si grande, que sa victoire a été annoncée par les médias dès la fermeture des bureaux de vote, à 19 heures, heure locale. La foule des supporters rassemblés au Palais des Congrès de Columbia, la capitale de l’Etat, a accueilli la nouvelle avec une clameur immense. Pendant les deux heures qui ont précédé l’apparition du candidat pour son discours de victoire, cette foule a chanté, tapé sur des tambours et scandé les slogans de la campagne : « We want change », nous voulons que cela change, ou « Yes we can ! », oui, nous pouvons le faire !
Barack Obama a, lui, modifié son discours de campagne habituel, pour souligner que sa victoire était celle de toutes les couches de la société : « Ce n’est pas la victoire des jeunes contre les vieux, a-t-il dit, des riches contre les pauvres, des blancs contre les noirs, c’est la victoire du futur sur le passé. »
Sous l’impulsion des organisateurs de la campagne, la foule a scandé : « La race n’a pas d’importance », mais chez les très nombreux noirs qui étaient dans la salle, l’intensité du moment était palpable. « C’est la première fois que je vote, et c’est pour un afro-américain, je suis heureux, je jubile », disait un étudiant de Benedict College, une université historique de la communauté noire américaine à Columbia. Une autre étudiante se réjouissait que les noirs de Caroline du Sud, qui généralement ne votent pas beaucoup, se soient mobilisés cette fois-ci.
L’arithmétique d’une élection
Si l’on regarde l’arithmétique de cette élection, Barack Obama doit incontestablement l’ampleur de son succès au vote de la communauté noire. Elle représente environ la moitié de l’électorat de l’Etat, et s’est mobilisée de façon exemplaire. Contrairement à ce qui avait été dit, elle n’a pas été déchirée entre Hillary Clinton et Barack Obama, elle a voté massivement pour ce dernier: 4 noirs sur 5 ont donné leur voix à Barack Obama. En revanche, le pourcentage est presque inverse pour le reste de la population : sur 10 électeurs non noirs, 4 ont voté pour Hillary Clinton, 4 pour John Edwards et 2 pour Barack Obama.
Cela veut dire que ce succès sera difficile à transposer sur le plan national, où Hillary Clinton conserve encore l’avantage dans les sondages. La communauté noire représente un peu plus de 12% de la population totale des Etats-Unis et même si elle vote massivement pour le parti démocrate, elle ne peut constituer qu’une force d’appoint. Barack Obama devra donc habilement naviguer entre le symbole qu’il représente pour la communauté noire et la nécessité de ne pas laisser ce symbole reléguer le contenu de sa candidature au second plan.
Il a eu un avant goût de ces difficultés pendant la semaine qui a précédé l’élection et qui a été l’exemple de la façon dont une campagne peut dégénérer en bagarre mesquines entre deux candidats ; on pourrait dire trois en l’occurrence, puisque face à Barack Obama se trouvait le couple Clinton, dont les attaques ont été parfaitement coordonnées. Barack Obama a suivi le mouvement avec entrain. Il s’est laissé pousser dans la posture d’un candidat lié à une communauté et s’est laissé aller à une humeur vindicative, qui tranchait avec sa réputation d’affabilité.
Sa campagne a craint un instant que cette nouvelle image nuise à ses résultats en Caroline du Sud. Cela n’a pas été le cas, mais il va devoir trouver un nouvel équilibre et un autre ton pour affronter les semaines à venir.
Une nouvelle phase… pas forcément décisive !
La campagne entre en effet dans une nouvelle phase. Le 5 février, baptisé Super Tuesday, plus de 20 Etats voteront en même temps pour élire 1 700 des 4 049 délégués qui désigneront le candidat démocrate à la convention de Denver. Cet énorme scrutin couvre à la fois un immense territoire géographique, de la Californie à l’Etat de New York, et une énorme diversité d’électeurs.
Du côté démocrate, il s’annonce comme un duel, car après être arrivé troisième en Caroline du Sud qui est son Etat natal, John Edwards doit abandonner tout espoir de décrocher l’investiture. Il lui reste maintenant à faire un choix difficile : soit il s’efface pour ne pas compliquer le processus de nomination de son parti, soit il reste pour jouer les arbitres grâce aux délégués qu’il aura recueillis en chemin.
Avec ou sans lui, il n’est pas sûr que le scrutin du 5 février tranche la situation. Il ne s’agit plus maintenant de gagner des Etats, pour la gloire du candidat, mais de gagner des délégués. Les candidats vont donc aborder cette phase de la compétition une calculette à la main. Le premier qui aura atteint le nombre magique de 2 025 délégués sera le candidat du parti démocrate.