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Israël

Rapport Winograd : quelles conséquences ?

par Nicolas Falez

Article publié le 29/01/2008 Dernière mise à jour le 29/01/2008 à 17:53 TU

Un employé de la défense civile libanaise court se mettre à l'abri durant un raid israélien sur la ville de Tyr, le 13 août 2006.(Photo: AFP)

Un employé de la défense civile libanaise court se mettre à l'abri durant un raid israélien sur la ville de Tyr, le 13 août 2006.
(Photo: AFP)

La deuxième guerre du Liban a duré 33 jours, du 12 juillet au 14 août 2006. Déclenchée après une attaque du Hezbollah à la frontière nord d’Israël, elle a coûté la vie à 1 200 Libanais et à 160 Israéliens. Dès la fin du conflit, l’opinion israélienne a pressé les dirigeants et l’armée de répondre de leurs décisions pendant la guerre. Une commission gouvernementale, créée en septembre 2006 et dirigée par le juge à la retraite Eliahou Winograd rend ce mercredi 30 janvier la version définitive de son rapport d’enquête. Ses conclusions pourraient avoir de lourdes conséquences pour le Premier ministre Ehud Olmert (dirigeant du parti centriste Kadima), le ministre de la Défense Ehud Barak (N°1 du Parti travailliste) et pour leurs formations politiques respectives, piliers de la coalition au pouvoir.

En cette fin janvier, Israël attend deux tempêtes. Une tempête de neige que les météorologues annoncent pour ce milieu de semaine et une autre – politique celle-là – dont personne ne peut à coup sûr prévoir les conséquences. Elle commencera à souffler immédiatement après la divulgation de la version définitive du rapport Winograd, ce mercredi 30 janvier en fin d’après-midi. Pour l’anecdote, la municipalité de Jérusalem s’est déjà assurée que les intempéries ne retarderaient pas la publication des conclusions de l’enquête : des engins chasse-neige ont pour mission de garantir la circulation des routes menant au Centre de Conférence où les membres de la commission Winograd se réuniront pour livrer le fruit de leur travail…

Offensive de dernière minute

La commission Winograd a déjà rendu un rapport intermédiaire, en avril 2007. Le document employait alors des mots très durs pour critiquer le processus d’entrée en guerre d’Israël contre le Hezbollah, dans les heures qui ont suivi une attaque meurtrière menée par la milice chiite à la frontière israélo-libanaise (huit soldats tués et deux enlevés, toujours présumés vivants). Ce mercredi, le juge Winograd et les membres de sa commission rendront leurs conclusions portant sur la dernière bataille de ce conflit. Avec une question lancinante : pourquoi le gouvernement d’Ehud Olmert a-t-il décidé de lancer une offensive terrestre 60 heures seulement avant l’entrée en vigueur d’un accord de trêve conclu sous l’égide de l’ONU ?

Cette offensive de dernière minute n’a pas donné de résultats militaires probants contre le Hezbollah. En revanche, elle coûta la vie à 33 soldats de l’Etat hébreu. Un épisode troublant qu’illustra de façon dramatique le destin de la famille Grossman. L’écrivain David Grossman, figure de la gauche intellectuelle et pacifiste de son pays avait soutenu, en juillet, l’entrée en guerre de son pays, pour répondre à l’attaque du Hezbollah. En août, le bilan s’alourdissant, il lançait avec deux autres écrivains (Amos Oz et A.B. Yehoshua) un appel à la suspension des hostilités. Quelques heures plus tard, le fils de David Grossman, Uri, 20 ans, était tué dans son char au Sud-Liban.

La guerre de 2006 a donc laissé de profondes cicatrices dans la société israélienne. Dans les semaines qui suivirent la fin du conflit, des centaines de militaires-réservistes de toutes tendances politiques confondues se mobilisèrent pour demander des comptes à leurs dirigeants et à la hiérarchie militaire. Quelques mois plus tard, cette vague de fond entraîna deux démissions très commentées : celle d’Amir Peretz, ministre de la Défense au moment du conflit et celle de Dan Halutz, chef d’état-major de l’armée israélienne.

Le Premier ministre Ehud Olmert, lui, est toujours en place, remarquable exemple de longévité politique si l’on considère la faiblesse de sa cote de popularité dans la période qui suivit le conflit. Ehud Olmert dispose il est vrai d’une solide coalition, composée de 67 députés (le parti centriste Kadima, le Parti travailliste, les ultra-orthodoxes sépharades du Shass et le Parti des retraités) sur les 120 du Parlement (Knesset).

Barak en embuscade

Le rapport Winograd peut-il faire chuter ou éclater l’actuelle coalition au pouvoir en Israël ?

Pour cela, il faudrait que l’un des partis qui la compose choisisse de rejoindre l’opposition. Ce scénario du sabordage est peu probable en apparence à moins qu’Ehud Barak, le ministre de la Défense travailliste, ne décide de jeter l’éponge et d’entraîner son parti avec lui dans un pari risqué : provoquer des élections anticipées, dont rien ne dit que l’issue serait favorable aux sortants. D’autant que le Likoud (droite nationaliste) et son chef Benjamin Netanyahou engrangent aujourd’hui des sondages encourageants.

Ehud Barak joue une partie serrée : ancien Premier ministre (jusqu’en 2001), il a connu une traversée du désert avant de revenir au gouvernement, au poste sensible de la Défense. Après les ratés de la guerre de 2006 et la démission d’Amir Peretz l’année suivante, Barak a bâti son retour en politique sur son image de militaire chevronné (il est le militaire le plus décoré de l’histoire d’Israël) faisant passer les questions sécuritaires avant toute autre considération. Ehud Barak devra donc faire le choix de rester ou de démissionner, en fonction du contenu du rapport Winograd et des réactions que le texte suscitera dans l’opinion. Le ministre de la Défense a d’ores et déjà annoncé qu’il ne réagirait pas à chaud mais qu’il livrerait sa décision la semaine prochaine. En attendant, son parti est divisé sur la question, entre les partisans de la démission et ceux du maintien de Barak. 

Denis Charbit

Politologue israélien

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écouter 3 min 42 sec

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Dans son rapport final, la commission Winograd ne devrait pas prononcer de recommandations personnelles. Cela suffira-t-il au Premier ministre Ehud Olmert pour se maintenir en place jusqu’à l’expiration de son mandat en novembre 2010 ? Ce mardi matin, Eytan Cabel, secrétaire-général du Parti travailliste a appelé à sa démission. C’est également ce que demandent une cinquantaine de commandants de l’armée israélienne qui ont signé une pétition, rendue publique la semaine dernière. Ces derniers jours, les proches d’Ehud Olmert ont rétorqué qu’un tel geste serait malvenu, au regard des défis que doit affronter l’Etat hébreu (fragile reprise du processus de paix avec les Palestiniens, menace iranienne…).

Si la pression politique et médiatique devient insupportable, le départ d’Ehud Olmert n’est pas complètement exclu. Il pourrait démissionner et être remplacé par une autre figure du parti Kadima. Dans ce cas, le nom le plus fréquemment avancé est celui de l’actuelle ministre des Affaires étrangères, Tzipi Livni. 

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