par Sophie Malibeaux
Article publié le 30/01/2008 Dernière mise à jour le 30/01/2008 à 19:03 TU
La dirigeante de l’opposition a été autorisée ce mercredi 30 janvier à rencontrer les cadres de son parti la Ligue nationale pour la démocratie. A la suite de ce rendez-vous d’une heure et demie, dans des locaux mis à sa disposition par la junte, la dissidente a ensuite été amenée à rencontrer le ministre Aung Kyi, désigné par les généraux pour renouer les fils du dialogue entre le gouvernement et l’opposition. Cette série d’entretiens a été initiée après la répression sanglante des manifestations d’août-septembre derniers, alors que la communauté internationale redoublait d’effort pour favoriser la réconciliation nationale en Birmanie.

A l'accueil du bureau de la Ligue Nationale pour la démocratie en Birmanie. Le bureau de Rangoon est le seul autorisé par la junte. Au mur, le portrait de Aung Sang, père de Aung San Suu Kyi et père de l'indépendance, également des photos de Aung San Suu Kyi et des membres du Comité éxécutif de la LND en 1990 ( l'année où le parti a remporté les élections).
(Juliette Robert)
Aung San Suu Kyi autorisée à sortir de sa résidence surveillée pour rencontrer des membres de son parti ! La première fois que cela s’est produit, le neuf novembre dernier, un vent d’espoir soufflait parmi les militants de base de la LND. La dissidente venait de passer plusieurs années dans l’isolement le plus total, depuis l’arrestation de mai 2003, lorsque son convoi était tombé dans une embuscade tendue par une milice au service de la junte.
Pour que les autorités acceptent d’autoriser les retrouvailles entre « la dame » et ses plus fervents défenseurs, il avait fallu deux mois de manifestations et les pressions de la communauté internationale après la répression sanglante de la junte contre les moines et les civiles mobilisés en août et septembre 2007 contre la vie chère.
La réconciliation nationale dans l’impasse
Mais depuis ces événements, la junte n’a cessé de souffler le chaud et le froid sur le processus de réconciliation nationale. Ce mercredi, Aung San Suu Kyi a également été reçue –pour la cinquième fois en quatre mois- par le ministre Aung Kyi, désigné en octobre par le numéro un de la junte pour renouer le dialogue avec l’opposante. Mais ces entretiens ne semblent pas avoir délivré jusque-là le moindre résultat.
Pour la première fois, madame Suu Kyi a même admis que ces entretiens n’étaient pas satisfaisants et qu’il n’y avait aucun signe de progrès concernant le processus de réconciliation. Cela pour plusieurs raisons : d’une part, le manque de calendrier, d’autre part, l’absence de représentation des groupes ethniques. C’est ce que l’opposante a déploré dans le message qu’elle a transmis aux cadres de son parti à destination des militants de la LND. « La feuille de route en sept étapes mise en œuvre par le gouvernement devrait être moins discriminatoire et inclure toutes les parties », affirme-t-elle.
Aung San Suu Kyi tente une nouvelle approche
Ce message est une occasion rare de s’exprimer publiquement pour Aung San Suu Kyi. Il montre sa détermination à jouer un rôle politique de premier plan, ce que le général Than Shwe a pourtant exclu. Comme le porte-parole de la LND, Aung Win l’a expliqué à RFI, face à l’impasse dans laquelle se trouvent les relations entre l’opposition birmane et le gouvernement, madame Suu Kyi a décidé de tenter une « autre voie ».
La LND considérait jusque-là qu’aucune « négociation » en tant que telle ne pouvait avoir lieu tant que sa principale responsable restait en résidence surveillée. Les mots employés par madame Suu Kyi ce mercredi – faisant explicitement référence pour la première fois à la « feuille de route » des autorités – montrent que l’opposition se place désormais dans une posture de négociateur, en dépit des restrictions imposées par la junte.
L’opposition muselée
Le message d’Aung San Suu Kyi est également un appel à la « patience » et à l’unité du parti. Il intervient dans un contexte difficile pour l’opposition, alors que certains activistes prônent des actions plus radicales que celles autorisées par la hiérarchie du parti. Sans oublier que depuis 2003, toutes les sections locales de la LND ont été fermées, à l’exception du siège du parti situé au cœur de Rangoon, l’ancienne capitale, ce qui rend difficile toute mobilisation nationale du principal parti d’opposition.
Par ailleurs, la junte ne cesse de démontrer sa volonté d’étouffer toute contestation dans l’œuf. Ce mardi, alors que les Occidentaux, Américains et Européens venaient de renouveler leurs appels au dialogue et à la clémence, on apprenait l’arrestation de l’écrivain Nay Phone Latt, organisateur d’un groupe de bloggers, véritable bouffée d’oxygène pour les internautes birmans privés d’accès aux médias indépendants. Non seulement les arrestations se poursuivent, mais les autorités ne semblent pas prêtes de relâcher les meneurs des dernières manifestations. Dix d’entre eux viennent d’être inculpés. Leurs procès devraient avoir lieu prochainement à huit-clos à Insein, la prison de Rangoon, célèbre pour les centaines d’opposants politiques qu’elle renferme.
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