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France

L'hormone de croissance en procès

par  RFI

Article publié le 06/02/2008 Dernière mise à jour le 06/02/2008 à 11:14 TU

Ils s'appelaient David, Nicolas, Isabelle, Youssef, Farid ou Nassima. Tous sont aujourd'hui décédés. Le point commun entre ces victimes : elles ont toutes reçu, entre 1983 et 1985, des injections d'hormone de croissance de la marque « France Hypophyse ». Le procès fleuve du scandale de l'hormone de croissance s’est ouvert ce mercredi à Paris. Pendant quatre mois, sept médecins, qui se disent innocent, vont devoir s'expliquer sur les fautes graves d'imprudence et de négligence que la justice leur reproche dans la collecte, le conditionnement et la distribution de cette hormone fabriquée à partir de l'hypophyse, une glande crânienne, prélevée sur les cadavres.

Jeanne Goerrian, troisième en partant de la gauche, présidente de l'AVHC, l'Association des victimes de l'hormone de croissance, en compagnie de membres de l'association et de leurs avocats, le 6 février 2008. (Photo : AFP)

Jeanne Goerrian, troisième en partant de la gauche, présidente de l'AVHC, l'Association des victimes de l'hormone de croissance, en compagnie de membres de l'association et de leurs avocats, le 6 février 2008.
(Photo : AFP)

Outre les 111 décès déjà reconnus, l'hormone de croissance contaminée fait planer un doute sur la santé de 700 anciens patients. Les familles des victimes, parties civiles au procès, veulent que justice soit faite.

Jeanne Goerrian

Présidente de l'AVHC (Association des victimes de l'hormone de croissance)

« Enfin nous aurons en face de nous les responsables de la mort de nos enfants »

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06/02/2008 par Franck Alexandre

L'instruction a mis en évidence, que « France Hypophyse », l'organisme chargé d'organiser la collecte de l'hormone, a multiplié les imprudences : les prélèvements ont été fait sur des cadavres de cancéreux, des primes en argent liquide étaient versées aux garçons de laboratoire, incitant ainsi aux prélèvements sauvages. Ces fautes ont entrainé la contamination des victimes par la maladie de Creutzfeldt-Jakob (voir encadré).

En 1984, la communauté scientifique internationale avait pourtant lancé une alerte et une dizaine de pays, dont les Etats-Unis, avaient alors interdit cette technique, passant à l'hormone de synthèse qui venait d'être mise au point. Ce n'est qu'en 1988 que les autorités médicales françaises appliqueront ce principe de précaution...

Au cours de ce procès, sept médecins, tous hauts responsables, vont devoir s'expliquer sur cette surprenante exception française aux conséquences dramatiques. La France compte, à elle seule, plus de la moitié des cas de maladie de Creutzfeldt-Jakob, déclenchés par un traitement à l'hormone de croissance.

Nous sommes aux Etats-Unis, à la fin des années 50. Un médecin démontre qu’en injectant de l’hormone de croissance d’origine humaine à un enfant de petite taille, on parvient à le faire grandir. L’hormone provient de cadavres; elle est précisément extraite de l’hypophyse, une glande située à la base du cerveau.

Le procédé est importé en France. Cela tient un peu du remède miracle et l’espoir est immense. Une association, « France Hypophyse », est chargée de la collecte des hypophyses, et un laboratoire de l’Institut Pasteur fabrique l’hormone. A partir de 1974, des centaines d’enfants atteints de problèmes de croissance reçoivent régulièrement des injections.

La demande augmente, et d’après l’instruction, des hypophyses vont être prélevées dans des conditions douteuses, sur des personnes décédées dans des services de neurologie et de psychiatrie. Certaines vont même être prélevées sur des cadavres à l’étranger, notamment en Bulgarie.

Le Professeur Luc Montagnier est le premier à s’inquiéter, en 1980. Une autre alerte vient des Etats-Unis, 4 ans plus tard : un patient traité à l’hormone de croissance meurt de la maladie de Creutzfeldt-Jacob. Et on démontre alors que des hypophyses contaminées peuvent transmettre cette maladie très grave du cerveau. Aux Etats-Unis, comme dans d’autres pays, on cesse d’utiliser ces hormones naturelles, et l’on se tourne vers l’hormone synthétique, qui vient d’être mise au point. Pas en France, où l’on continue d’utiliser l’hormone habituelle jusqu’en 1988, mais en ajoutant tout de même un procédé de purification à partir de 1985.

On considère aujourd’hui qu’environ un millier d’enfants auraient reçu des injections provenant de lots suspects au milieu des années 80. Plus de cent sont morts à ce jour, et ce n’est peut-être pas fini : la maladie de Creutzfeldt-Jacob peut se révéler 30 ans voire 40 ans après la contamination.

Valérie Cohen