par Patrick Adam
Article publié le 11/02/2008 Dernière mise à jour le 11/02/2008 à 18:42 TU
Lundi 11 février 2008. Des Albanais du Kosovo passent devant un gigantesque drapeau où il est inscrit : « Heureuse indépendance »
(Photo : Reuters)
Rien encore d’officiel mais de très fortes présomptions. Au point qu’il faudrait être sourd pour ne pas entendre la rumeur publique enfler de Pristina à Belgrade en passant par Bruxelles. Si les officiels kosovars cultivent une relative discrétion, dans la capitale serbe le ministre chargé du Kosovo, Slobodan Samardzic, affirmait la semaine dernière recevoir « de plus en plus d’informations significatives qu’Hashim Thaçi proclamera illégalement l’indépendance unilatérale du Kosovo le 17 février ».
Tout pourrait en effet se jouer au cours du week-end. Il est prévu que le Parlement kosovar se réunisse pendant ces deux jours, une déclaration d’indépendance intervenant le dimanche. Certains pays européens pourraient immédiatement réagir, mais c’est à l’occasion d’une réunion des ministres des Affaires étrangères le lundi à Bruxelles que les Vingt-sept donneraient leur feu vert politique à l’envoi sur place d’une mission civile chargée d’accompagner l’indépendance. Concernant en revanche la reconnaissance de ce nouvel Etat, l’Union n’a pas compétence en la matière et chaque Etat membre devra se déterminer. Six pays (Espagne, Roumanie, Slovaquie, Bulgarie, Grèce et Chypre) sur les Vingt-sept ne cachent pas leur désaccord avec la politique de l’Union sur le Kosovo et annoncent qu’ils n’entérineront pas cette modification unilatérale des frontières de la Serbie, au moins dans un premier temps. Mais le chef du gouvernement kosovar assure qu’une centaine de pays reconnaîtront l’indépendance de la province.
D’ici là, le Premier ministre Hashim Thaçi multiplie les propos apaisants à l’intention de la minorité serbe. Parce qu’à l’occasion d’une première visite dans le petit village de Rubovc une famille serbe à qui il rendait visite lui faisait remarquer qu’il était plus jeune que leur tracteur, il y est revenu cinq jours plus tard leur faire don d’un nouvel engin flambant neuf. Hashim Thaçi répète que « le Kosovo sera un endroit offrant des possibilités égales pour tous, des jours d’espoir…et non des jours de panique et de peur », il n’empêche, sur le terrain, une certaine inquiétude est palpable, notamment à Kosovska Mitrovica. Cette ville du Nord, divisée entre communautés, a toujours cristallisé les tensions ethniques. Milan Ivanovic, y est l’un des leaders serbes les plus influents. Il affirme que les Albanais « proclameront peut-être leur indépendance » mais que « pour nous ce sera nul et non avenu, nous continuerons à vivre en Serbie avec nos propres institutions ». Enfin si personne n’affirme le souhaiter, beaucoup craignent des tensions, voire des violences. Chacune des communautés soupçonne l’autre de projeter des provocations.
La Serbie en crise
Principalement des jeunes, ils étaient plusieurs milliers à manifester lundi dans les rues de Belgrade. Ils réclament la poursuite du processus de rapprochement entre leur pays et l’Union européenne. Avec pour mot d’ordre « l’Europe n’a pas d’alternative », ils contestent le blocage des institutions depuis que le Premier ministre Vojislav Kostunica est en guerre ouverte avec le président Boris Tadic. Le chef de l’Etat souhaite signer au plus vite l’accord politique avec l’Union européenne alors que le chef de gouvernement s’y oppose, estimant que cela reviendrait à cautionner l’indépendance du Kosovo dans la mesure où les Vingt-sept prévoient d’y envoyer leur mission civile. Le président Tadic appelle à une réunion du gouvernement pour faire avancer le dossier, alors que le Premier ministre Kostunica souhaite une réunion du Parlement pour décider de la conduite à tenir dès la proclamation d’indépendance. Ce qui les sépare c’est donc l’avenir européen de la Serbie, en revanche, sur la question du Kosovo les propos se ressemblent. Une nouvelle fois vendredi, le président Tadic a lancé un appel à des négociations sur le statut futur de la province, et met en garde toutes les parties concernées contre le « prix très lourd à payer ».