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Campagne présidentielle américaine

Un étrange animal politique : le «super délégué»

Article publié le 20/02/2008 Dernière mise à jour le 20/02/2008 à 01:43 TU

Les démocrates, Barack Obama (G) et  Hillary Clinton tous  les deux en campagne pour l'élection présidentielle américaine. (Photo : Reuters)

Les démocrates, Barack Obama (G) et Hillary Clinton tous les deux en campagne pour l'élection présidentielle américaine.
(Photo : Reuters)

Les deux candidats à l'investiture démocrate, Barack Obama et Hillary Clinton, s'affrontent sur la façon dont le parti doit désigner son candidat et notamment le rôle des « super délégués ». Participants honoraires à la convention démocrate chargée en août de choisir le candidat du parti, ils représentent environ 20% des voix nécessaires pour obtenir l'investiture.

De notre correspondante à Atlanta, Anne Toulouse

Ils sont 796, élus démocrates, anciens présidents, membres de l’appareil du parti, ou personnalités choisies pour leurs services exceptionnels. On les appelle les « super délégués », terme légèrement impropre car ils ont une voix, comme tous les autres, à la convention. Mais leur privilège est qu’ils sont totalement libres d’en user à leur guise. Les « super délégués »  peuvent se rallier à n’importe quel candidat du parti, annoncer ou non leur vote à l’avance et en changer, quand cela leur convient. Ils peuvent détenir la clé d’une investiture, car ils disposent d’environ 20% des votes à la convention. Cela pourrait être le cas cette année, si Hillary Clinton ou Barack Obama n’arrivent pas à obtenir 2 025 délégués élus, lors de la dizaine de compétions qui vont se dérouler jusqu’au 8 juin.

Le parti démocrate voulait préserver son unité !

Les « super délégués » sont spécifiques au parti démocrate, et c’est une invention récente. L’idée a commencé à flotter après la convention de Chicago, en 1968, qui s’est déroulée dans le chaos. Elle s’est concrétisée en 1982, lorsque le parti a décide de s’assurer un droit de regard sur le processus de nomination en introduisant des délégués non élus, avec un poids numérique suffisant pour faire régner une certaine orthodoxie. Le but initial était de barrer la route à des candidats qui ne représentent pas le courant dominant du parti démocrate.

Cette clause s’est avérée utile dès l’élection suivante. Walter Mondale s’est assuré l’investiture démocrate, sans avoir une majorité absolue de délégués élus, en ralliant à sa cause les « super délégués », contre l’autre prétendant Gary Hart. Il a d’ailleurs perdu l’élection générale, au bénéfice de Ronald Reagan. Apres cela on n’a plus entendu parler des « super délégués » pendant plus de 20 ans, tout simplement parce que leurs voix, n’étaient qu’un appoint sans conséquence.

Un choix embarrassant

Beaucoup de « super délégués » sont d’ailleurs aujourd’hui très ennuyés de se trouver dans la situation de faire ou défaire une candidature. Ceux qui n’ont pas encore annoncé leur choix sont harcelés par les candidats, les autres sont pris pour cibles par des organisations qui les accusent de vouloir voler aux électeurs le droit de choisir leur candidat.

L’organisation « Move on », un mouvement très actif, qui se situe à la gauche du Parti démocrate et qui soutient Barack Obama, a entrepris une campagne de presse pour sommer les « super délégués » de voter en fonction du vote populaire dans leur état d’origine. Dans la situation actuelle, une telle démarche favoriserait Barack Obama, qui a remporté un plus grand nombre d’états qu’Hillary Clinton. Or pour l’instant, Hillary Clinton a, selon le décompte de l’agence Associated Press, reçu le soutien de 242 « super délégués » contre 160 à Barack Obama. Cette supériorité numérique s’explique par le fait que les Clinton sont davantage liés à l’appareil du parti. D’autre part, plus un ralliement se fait tôt plus il a de la valeur. Ceux qui font ce calcul veulent être du côté du vainqueur, les probabilités pointaient du côté d’Hillary il y a quelques mois.

Mais les « super délégués » ont le droit de reconsidérer leur position et certains l’envisagent fortement. C’est le cas de John Lewis, représentant de la Géorgie et membre éminent du caucus noir à la chambre des représentants. Il a été l’un des soutiens actifs d’Hillary Clinton, mais laisse entendre qu’il ne peut se mettre en travers de la route du premier candidat afro-américain ayant des chances réelles d’être élu président.

La situation est particulièrement embarrassante pour les démocrates membres du congrès qui devront pour la plupart, eux aussi, se faire élire au mois de novembre. Pour cette raison il leur est difficile d’aller a l’encontre du vote populaire, mais tout aussi difficile de revenir sur leur parole, c’est d’ailleurs pourquoi prudemment la plupart d’entre eux ne l’ont pas donnée !

D’un autre coté, si les « super délégués » ne font que se conformer au vote populaire, ils peuvent tout aussi bien ne pas exister. Les nombreux critiques, qui considèrent le système comme anti-démocratique, ne verraient d’ailleurs aucun inconvénient à ce qu’ils disparaissent purement et simplement.

Il se pourrait qu’au bout du compte une mesure adoptée il y a un quart de siècle pour préserver l’unité du Parti démocrate, aboutisse à lui faire subir de graves divisions.