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Balkans

Serbie : bataille perdue pour le Kosovo ?

Article publié le 21/02/2008 Dernière mise à jour le 22/02/2008 à 04:34 TU

L'ambassade des Etats-Unis incendiée par les émeutiers, le 21 février 2008, à Belgrade.(Photo : Reuters)

L'ambassade des Etats-Unis incendiée par les émeutiers, le 21 février 2008, à Belgrade.
(Photo : Reuters)

L’onde de choc de l’indépendance du Kosovo s’étend à toute la région. Des manifestations serbes ont été organisées ces derniers jours au Monténégro et en Bosnie. L’immense manifestation nationale convoquée jeudi à Belgrade a dégénéré : la capitale a été ravagée par des actes de vandalisme. L’ambassade américaine a été attaquée et partiellement incendiée. Il y aurait un mort. Dans le même temps, Belgrade continue à envoyer ses ministres au Kosovo.

De notre correspondant dans les Balkans, Jean-Arnault Dérens

Tout avait été prévu pour que la démonstration de force soit réussie. Des centaines de bus ont amené les manifestants de tout le pays, notamment des régions serbes du Nord du Kosovo. Des trains gratuits étaient également prévus. Au bout du compte, quelque 200 000 personnes se sont retrouvées à Belgrade pour scander que « le Kosovo est le cœur de la Serbie ».

Le rassemblement avait été convoqué par les trois principaux partis politiques de Serbie : le Parti démocratique (DS) du président Boris Tadic, le Parti démocratique de Serbie (DSS) du Premier ministre Vojislav Kostunica, et le Parti radical serbe (SRS, extrême droite nationaliste). La cause nationale du Kosovo justifiait une telle unanimité, encore inédite. L’Eglise orthodoxe serbe était également de la partie : la manifestation s’est dirigée vers la basilique de Saint-Sava, devant laquelle des prières pour le Kosovo étaient menées en plein air. Les dernières gloires nationales serbes, comme le cinéaste Emir Kusturica et le tennisman Novak Djokovic avaient également été mobilisés.

Le Premier ministre de Republika Srpska, l’entité serbe de Bosnie-Herzégovine, Milorad Dodik, s’est également adressé à la foule.

C’est à la fin du rassemblement que des incidents ont éclaté : les ambassades d’Allemagne, d’Albanie et de Croatie ont été attaquées, mais les incidents les plus graves se sont produits devant l’ambassade des Etats-Unis, qui a été partiellement investie et incendiée par les émeutiers. Durant toute la soirée, des scènes de violence et de guérilla urbaine se sont généralisées dans tout le centre de Belgrade. De nombreux véhicules ont été incendiés, plusieurs journalistes molestés.

Le président Boris Tadic – qui se trouvait en visite officielle en Roumanie, et n’a donc pas participé au rassemblement – a sévèrement condamné les violences, soulignant qu’elles nuisait au combat que la Serbie entend mener de manière politique et diplomatique.

Continuer d'administrer le territoire

En-dehors de la bataille diplomatique, Belgrade continue d’envoyer de nombreux ministres au Kosovo. Mercredi, le ministre de l’Economie Mladjan Dinkic, celui du Travail, Rasim Ljajic, celui de Dragan Djilas (sans portefeuille), et celui de l’Agriculture, Slobodan Milosavljevic, ont visité les enclaves serbes, signant divers projets d’investissements ou d’infrastructure.

De la sorte, le gouvernement serbe entend démontrer qu’il continue d’administrer le territoire, dont la proclamation d’indépendance serait donc nulle et non avenue. Cette stratégie suscite l’irritation du Premier ministre du Kosovo Hashim Thaçi. Pour l’instant, le contrôle des douanes et des frontières du Kosovo reste du ressort de la police des Nations unies et de la KFOR, qui assure des escortes aux ministres serbes en déplacement.

Si les forces internationales décidaient d’interdire l’entrée du Kosovo aux ministres serbes, Belgrade ne manquerait pas de saisir le Conseil de Sécurité, car il s’agirait d’une violation flagrante de la Résolution 1244, qui reste toujours théoriquement en vigueur, et qui détermine la présence des troupes de la KFOR au Kosovo. Bref, la situation pourrait vite devenir ubuesque, et un incident ne serait peut-être pas pour déplaire à Belgrade.

Sur le terrain, alors qu’un calme précaire régnait à Mitrovica, dont beaucoup d’habitants s’étaient rendus au rassemblement de Belgrade, quelques centaines d’anciens réservistes serbes ont attaqué jeudi en milieu de journée le poste frontière de Merdare, entre la Serbie et le Kosovo. Ils ont pénétré au Kosovo avant d’être bloqués par les troupes de la KFOR.

La stratégie de la tension que joue Belgrade pourra-t-elle durer longtemps ? Elle pourrait vite remettre en cause les stratégies internationales au Kosovo, et notamment le déploiement de la future mission européenne EULEX. Quant aux violents incidents qui se sont produits à Belgrade, mais aussi à Banja Luka en Bosnie-Herzégovine, ne sont-ils que le baroud d’honneur d’éléments radicaux et marginaux ou annoncent-ils un cycle de violence, qui pourrait mettre sérieusement les dirigeants serbes dans l’embarras ?

Audio

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