Article publié le 22/02/2008 Dernière mise à jour le 23/02/2008 à 21:11 TU
« Logiquement, c'est un membre du Parti du peuple pakistanais, la formation politique arrivée en tête du scrutin, qui devrait être nommé comme chef du gouvernement. »
De notre correspondante à Islamabad, Nadia Blétry
Les deux anciennes formations de l’opposition, le Parti du peuple pakistanais (PPP) et la Ligue musulmane du Pakistan (Nawaz) (PML-N) arrivées en tête du scrutin législatif, sont tombées d’accord jeudi sur un agenda commun, à savoir la restauration des institutions. Mais au-delà de l’accord de principe, la mise en œuvre de leur politique commune reste à déterminer. Car beaucoup de points n’ont pas été tranchés. Au premier rang desquels le sort du président Musharraf.
Du côté de la PML-N, le verdict est sans appel, le président pakistanais doit démissionner. Au siège du parti, Malik Suja Awan, membre du comité central de la PML-N, ne mâche pas ses mots : « Pervez Musharraf doit partir, c’est un dictateur qui a mis à mal le pays. Les élections législatives ont été un véritable référendum contre lui. Il n’a pas joué son rôle, même d’un point de vue économique. Il suffit de regarder tous les récents problèmes de farine, de gaz, d’électricité. Il est temps de mettre un terme définitif à cette dictature et de réhabiliter les juges qu’il a limogés, de restaurer la justice ».
De son côté Nawaz Sharif annonçait jeudi, au sortir de son entretien avec Asif Ali Zardari : « Pervez Musharraf a été confronté au verdict de la rue. Plus vite il en tiendra compte, mieux ce sera ». La virulence de Nawaz Sharif à l’égard du président actuel tient aussi à l’histoire des deux hommes. C’est par le coup d’Etat de Pervez Musharraf que le dirigeant de la PML-N a été écarté du pouvoir en 1999, puis condamné à l’exil en Arabie Saoudite.
Du côté du Parti du peuple pakistanais, la critique est plus discrète. Asif Ali Zardari a bien précisé qu’il ne souhaitait pas unir ses forces avec des partis pro-Musharraf mais n’a pas, comme son nouvel allié, exigé publiquement le départ du chef de l’Etat. Autre point à déterminer pour les deux grands partis : la date de la constitution du nouveau gouvernement et le nom du futur Premier ministre. Makhdoom Amin Fahim, le vice-président du Parti du peuple pakistanais, serait pressenti pour ce poste. Mais le nom du nouveau chef de gouvernement ne sera rendu public que dans les jours à venir.
La justice attend sa réhabiliation
Dernier point à éclaircir, la question de la restauration de la justice, qui a été admise par principe, mais dont la mise en œuvre n’a pas été discutée en détails. Le sort du juge Chaudhry, le président de la Cour suprême, limogé par le président pakistanais alors qu’il s’apprêtait à rendre son verdict sur la légitimité ou non de l’élection de Pervez Musharraf à la tête de l’Etat, n’a pas encore été évoqué publiquement par la nouvelle alliance. Mais dans le milieu de la justice, l’annonce de ce consensus national est très bien accueillie. « C’est la meilleure chose qui pouvait arriver au Pakistan. Pour la démocratie et la stabilité de ce pays. Mais c’est aussi le meilleur moyen de défendre la souveraineté de la Constitution », explique Athar Minallah, l’une des grandes figures du barreau à Islamabad.
« L’association du barreau de la Cour suprême a donné au nouveau gouvernement jusqu’au 7 mars pour remettre en place les magistrats. Sinon, nous lancerons une grande marche à travers tout le pays, pour venir manifester devant le Parlement. Mais je suis très confiant sur la décision que vont prendre le PPP et la PML-N, je ne doute pas que les juges limogés soient réhabilités dans leurs fonctions », précise encore l’avocat avec un sourire radieux. L’alliance des deux plus grands partis politiques du pays est donc officialisée et c’est la mise en œuvre de leur politique commune qui dira si leurs anciennes rivalités ont été définitivement enterrées.