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Campagne présidentielle américaine

Le «momentum»

Article publié le 23/02/2008 Dernière mise à jour le 23/02/2008 à 14:23 TU

Barak Obama( Photo : Reuters )

Barak Obama
( Photo : Reuters )

Momentum est un mot latin qui veut dire le mouvement, il est généralement employé en physique. Dans le domaine de la politique, le momentum est l’élan qui pousse un candidat vers la victoire, parfois il se brise, parfois il est irrésistible. En tout cas, actuellement du côté démocrate c’est Barack Obama qui en bénéficie.

De notre correspondante à Atlanta, Anne Toulouse

Un succès qui fait boule de neige

Au lendemain du Super Tuesday, un commentateur a écrit dans le New York Times : « Nous voici entrés dans la période du momentum ». Cela veut dire que les chances de chaque candidat ne vont plus se calculer en probabilités mathématiques, mais à travers la dynamique de sa campagne.

C’est en cela que la stratégie de Barack Obama a réussi. En accumulant les victoires, même dans des Etats qui n’apportaient pas un nombre de délégués significatif, il s’est placé au premier plan de l’actualité, avec une image de vainqueur.

L’une des lois de la politique est que les électeurs aiment ceux qui gagnent. C’est particulièrement vrai pendant les primaires, où le choix du candidat est en grande partie déterminé par sa capacité à remporter l’élection générale. A partir du moment où Barack Obama est apparu mieux placé dans les sondages qu’Hillary Clinton face à un candidat républicain, les électeurs se sont ralliés à lui.

Les démocrates américains semblent de plus en plus convaincus par Barack Obama comme cette petite fille de l'Etat de Virginie.(Photo : Reuters)

Les démocrates américains semblent de plus en plus convaincus par Barack Obama comme cette petite fille de l'Etat de Virginie.
(Photo : Reuters)

Mais l’envolée de Barack Obama va au-delà du calcul du vote utile. Il y a en ce moment aux Etats-Unis un phénomène inédit en politique que l’on appelle « l’Obamania ». Le candidat suscite une ferveur que l’on voit rarement en politique. Des spectateurs s’évanouissent pendant ses discours, la foule crie : I love you, « je t’aime ! » et il répond : I love you back !, « Je vous aime aussi ! ».

Les medias appellent cela une love fest, une sorte de festival amoureux. Cet attachement affectif fait la force du momentum de Barack Obama, car cela donne peu de prise aux arguments de ses adversaires. Comment contredire un candidat qui parle d’espoir ? Qui est contre l’espoir ?  Leur ligne d’attaque principale est que son discours est porté par ce que John McCain appelle : « un appel au changement éloquent, mais vide de substance ». 

De son coté, Hillary Clinton évoque « la rhétorique fleurie » de son adversaire et rappelle : « les actes parlent davantage que les paroles ». Ce à quoi Barack Obama répond : « Cela implique donc que tous les gens qui me suivent sont victimes d’une illusion ? ».

Un phénomène volatile

Si les spécialistes de la politique ont du mal à définir la nature même du momentum, ils ont encore plus de mal à prévoir sa durée. Le momentum a tendance à se nourrir de lui-même, plus un candidat a du succès, plus il est dopé par ce succès. Plus la presse parle de lui et plus elle en parle favorablement.

Par exemple en 2004, le momentum est allé pendant plusieurs mois du côté du candidat démocrate Howard Dean. Il drainait des foules jeunes et enthousiastes, et il était considéré comme un phénomène électoral, mais sa candidature s’est effondrée brutalement au lendemain des caucus de l’Iowa. La presse, qui l’avait encensé, n’a pas eu de mots assez durs pour parler de sa chute, alors que dans le même temps, les commentaires se retournaient en faveur de John Kerry, brocardé quelques semaines plus tôt, alors qu’il hypothéquait sa maison pour financer une campagne sur le flanc.

La situation de Barack Obama n’est pas comparable, car contrairement à Howard Dean, son momentum est sorti d’une confrontation réelle avec l’électorat, et il s’est confirmé de scrutin en scrutin. Il repose en ce moment sur des fondements solides. A chaque élection il élargi un peu plus sa base au détriment de celle d’Hillary Clinton.

En revanche la dynamique des primaires ne se traduit pas forcément dans une élection générale où les enjeux et le corps électoral sont différents. Les primaires démocrates donnent une plus grande importance au momentum que les primaires républicaines.

John McCain.(Photo : Reuters)

John McCain.
(Photo : Reuters)

Les primaires républicaines ne dispersent pas les délégués, dans de nombreux Etats le vainqueur emporte toute la mise. Le favori se détache donc rapidement, comme on le voit actuellement : bien que Mike Huckabee accumule les scores honorables il a 2/3 de délégués de moins que John McCain. On ne peut pas dire que John McCain ait vraiment bénéficié d’un momentum, il s’est simplement trouvé dans une position arithmétiquement imprenable.

En revanche, malgré tous les Etats qu’il a remportés, souvent avec des marges considérables, et malgré l’adulation dont il est l’objet, il est probable que Barack Obama n’atteindra pas la majorité absolue des délégués élus. Et cela pour deux raisons : d’une part, jusqu'à présent, Hillary Clinton a gagné dans les grands Etats et d’autre part, le système d’attribution des délégués démocrates, selon des règles proportionnelles compliquées empêche un candidat de se détacher vraiment.

C’est donc, vraisemblablement la force du momentum qui, si la situation ne se retourne pas lors des primaires du 4 mars, pourrait inciter Hillary Clinton à conclure que la course est finie pour elle.