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Colombie/Venezuela

Otages : Bogota et Caracas continuent de s'opposer

Article publié le 29/02/2008 Dernière mise à jour le 29/02/2008 à 16:45 TU

Alvaro Uribe, le président colombien (g), et Hugo Chavez le président vénézuélien(Photo : AFP)

Alvaro Uribe, le président colombien (g), et Hugo Chavez le président vénézuélien
(Photo : AFP)

Une pression régionale élargie à la France. C'est la dernière proposition du président vénézuélien, pour tenter de faire libérer les otages de Colombie. Hugo Chavez envisage des négociations conduites conjointement avec le Brésil, l'Equateur et l'Argentine. Le problème, c'est que « tout le monde est d'accord sauf Uribe », regrette le président du Venezuela, qui reste aujourd'hui le seul interlocuteur des FARC, après les quatre récentes libérations et les nouvelles très préoccupantes d'Ingrid Betancourt. Dans un entretien avec RFI, son ancien compagnon de détention, Luis Eladio Perez,  a rapporté la teneur de la dernière conversation qu'il avait eue avec la franco-colombienne. C'était le 4 février. 

Avec notre correspondante à Caracas, Angèle Savino

Hugo Chavez a ratifié sa proposition d'une négociation collective pour réaliser l'échange humanitaire. Le mandataire vénézuélien a affirmé qu'il avait le soutien du Brésil, de l'Equateur, de l'Argentine, de la Suisse, de la France, et de l'organisation des Etats américains. «Ils sont tous d'accord, sauf Alvaro Uribe», a critiqué Hugo Chavez.

Le mandataire vénézuélien s'est dit d'ailleurs très déçu des positions inamovibles de son homologue qui a de nouveau refusé de démilitariser une zone de 800 km², ce que demandent les FARC pour réaliser l'échange humanitaire.

Hugo Chavez, qui a déjà été remercié par de nombreux pays pour sa médiation humanitaire, est persuadé que son homologue finira par accepter sa proposition d'action multilatérale. « Nous allons arriver à le faire changer d'avis, et ce n'est pas une dispute personnelle. Il ne s'agit pas de Chavez », a-t-il ironisé.

Le président vénézuélien, dont la médiation a été suspendue le 21 novembre dernier, continue de jouer un rôle central dans les négociations car il est le seul interlocuteur des FARC. Mais désormais, Hugo Chavez a tout intérêt à convaincre la guérilla qu'une action collective pourrait leur offrir la tribune politique dont ils ont besoin pour rendre les armes et lâcher tous leurs otages.


Avec notre correspondante à Bogota, Marie-Eve Detoeuf

 

La France est indignée, le gouvernement colombien, lui, garde le silence. Le président Uribe n'a pas réagi à la proposition de Nicolas Sarkozy qui est prêt à venir chercher Ingrid Betancourt dans la jungle.

 

A Bogota, le seul qui s'est exprimé, c'est le ministre des Relations extérieures, Fernando Araujo, un ex-otage des FARC. Il a rappelé que c'était l'armée qui l'avait libéré après six ans de captivité, une façon de faire savoir que l'intransigeance du gouvernement se justifie.

 

Le président Uribe est disposé à négocier la libération des otages, mais il ne veut pas céder sur la démilitarisation de deux municipalités comme l'exige la guérilla. A en croire les sondages, la majorité des Colombiens continue d'appuyer cette ligne dure.

 

La situation dramatique d'Ingrid Betancourt, les pressions du gouvernement français et celles du gouvernement vénézuélien, vont-elles suffire à faire changer d'avis Alvaro Uribe ? Ce n'est pas sûr. La pression de ses électeurs, et peut-être celle de Washington, seraient probablement plus efficaces.


Luis Eladio Perez, otage libéré par les Farc le 27 février 2008.
Interview de Luis Eladio Perez (otage des FARC libéré ce mercredi) réalisée par Andreina Flores, correspondante de RFI à Caracas.

  

RFI : Que pouvez-vous nous dire sur Ingrid Betancourt. Comment va-t-elle ?

 

Je vis avec une tristesse immense. J'ai ce souvenir que je n'ai pas réussi à effacer et ça va être très difficile à oublier, parce que j'ai un sentiment contradictoire du fait qu'elle est restée là-bas dans ces conditions si difficiles : elle est malade, physiquement à bout, et surtout, moralement affaiblie.

 

Elle a conscience que la situation n'est pas facile, elle sait qu'elle pourrait être la dernière à retrouver la liberté et naturellement cela la préoccupe. Mais d'une certaine manière, elle était très heureuse parce qu'à travers Radio France Internationale elle peut entendre les messages de Lorenzo et Mélanie, de sa famille, cela lui redonnait beaucoup de force. Elle est très reconnaissante à RFI, entre autres parce que cela lui permet d'avoir une distraction intellectuelle quotidienne.

 

Elle a fait d'énormes efforts, avec beaucoup de difficultés, avec des postes de radios de fortunes, des antennes primitives pour réussir à capter RFI, et cela lui faisait du bien de pouvoir écouter et elle vivait à l'affût de tout ce qui se passait. Mais on va la sortir de là. Ingrid est très forte, elle fournit un immense effort, nous allons la faire sortir.

 

L'aide de la France est décisive, comme celle de l'Union européenne et du président Chavez, qui est fortement engagé. Il demande à Marulanda de changer les conditions de détention d'Ingrid. C'est une demande que nous lui faisons formellement pour qu'au moins, les jours qu'il lui reste à passer en détention soient plus agréables pour elle, plus humains. Elle est forte. Ingrid est très forte. Elle est en train de faire un immense effort.

 

Nous sommes en train d'essayer de lui faire parvenir des messages, ce que nous pouvons peut-être faire à travers RFI, une fois que nous aurons un diagnostique médical, pour ses problèmes de foie, pour voir si l'on peut proposer un traitement qui permettrait d'atténuer d'une façon ou d'une autre ces problèmes qui sont devenus de plus en plus récurrents ces derniers temps. Mais nous allons la sortir le plus vite possible de là.

 

RFI : Si vous vouliez lui envoyer un message dans la jungle colombienne, que lui diriez-vous ?

 

Vous savez quoi ? Je dois ma vie à Ingrid. Quand j'ai fait des comas diabétiques, quand j'ai fait un infarctus, Ingrid s'est dévouée corps et âme pour m'aider, en me tirant toujours vers l'avant. Elle me lavait mes vêtements, elle s'occupait de moi quant je ne pouvais pas faire un pas.

 

Imaginez donc ce que je ressens et quel peut être mon engagement envers elle. La seule chose que je demande au Dieu des Colombiens, c'est qu'il me permette de passer mes derniers jours avec la chaleur, la compréhension et la tendresse de ma famille, et de pouvoir rendre à Ingrid tout ce qu'elle m'a apportée. Elle m'a permis de revivre. Voici mon message pour elle.

 

RFI : Que disent les guérilleros de sa libération? Ils voient qu'elle est en mauvaise santé. Mais sont-ils disposés à la libérer ?

 

Ils ont une responsabilité immense. Je crois qu'ils le savent et ils sont conscients de la situation d'Ingrid. Ils connaissent la valeur d'Ingrid. Ils savent que si quelque chose lui arrivait, ce serait le début de la fin pour les FARC. Ils ont cette immense responsabilité.

 

Je pense que peut-être le secrétariat (direction des FARC) n'est pas au courant de ce qui est en train de se passer dans ces campements. C'est pourquoi je veux profiter de la présence de ces micros pour envoyer un message au secrétariat des FARC : Changez Ingrid Betancourt de place. Donnez-lui des conditions de vie plus humaines pour qu'elle puisse supporter la difficile situation qu'elle est en train de traverser. C'est un appel du fond du cœur que j'envoie au secrétariat des FARC.

Dossier spécial

Ingrid Betancourt, otage des FARC depuis six ans.(Photo : DR)