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Malaisie

Un bol d'air dans la campagne malaisienne

Article publié le 06/03/2008 Dernière mise à jour le 06/03/2008 à 15:51 TU

Les Malaisiens peuvent désormais s'informer plus librement sur internet.(Photo: Solenn Honorine)

Les Malaisiens peuvent désormais s'informer plus librement sur internet.
(Photo: Solenn Honorine)

Internet joue un rôle de plus en plus important dans la vie publique malaisienne, d'autant plus en cette période électorale, alors que le pays est invité aux urnes samedi. Car si le gouvernement contrôle très étroitement tous les médias du pays il laisse la liberté d'expression sur internet par intérêt économique.

Par notre envoyée spéciale à Kuala Lumpur, Solenn Honorine

Ouvrez un journal, regardez la télé, écoutez la radio : en cette période électorale, vous aurez bien du mal à croire que la Malaisie est une démocratie. Car ici, tous les organes d'information sont entre les mains de proches du régime et toute cette machine est mise à disposition des candidats du Barisan National, la coalition qui gouverne le pays sans discontinuer depuis son indépendance, il y a cinquante ans.

Un facteur commence cependant à modifier les règles du jeu : l'explosion d'internet. 200 000 personnes lisent régulièrement Malaysiakini, un journal payant en ligne à la ligne éditoriale indépendante. L'Initiative de candidature des femmes, une ONG, a créé un petit personnage virtuel, Mak Bedah, qui initie les électeurs aux subtilités du vote.

Affiche de campagne de Jeff Ooi, l'un des bloggeurs les plus populaires de Malaisie.
Affiche de campagne de Jeff Ooi, l'un des bloggeurs les plus populaires de Malaisie.

Une armée de bloggeurs fait entendre sa voix, avec un impact indéniable : l'un des plus connus, Jeff Ooi, se présente à Penang sous les couleurs de l'opposition. Et le gouvernement a été forcé, il y a quelques mois, de reconnaître l'explosion d'un scandale de corruption au sein du système judiciaire : un avocat notoirement véreux avait été filmé en train de promettre une promotion à un juge en échange de faveurs grâce à ses hautes relations politiques. « En temps normal, ce genre d'affaire aurait pu être ignorée. Mais la vidéo a tellement circulé sur internet que c'était impossible au gouvernement de la passer sous silence », se félicite Malik Imtiaz Sawar, un avocat qui anime un blog sociopolitique sur son pays. Depuis l'explosion du scandale, le gouvernement a mis en place une commission d'enquête. « On ne s'attend pas à un miracle, mais c'est un premier pas que la société civile attendait depuis longtemps », ajoute-t-il.

Une liberté paradoxale

En Malaisie, qui a connu une croissance économique remarquable, le réseau internet se développe rapidement.(Photo: Solenn Honorine)

En Malaisie, qui a connu une croissance économique remarquable, le réseau internet se développe rapidement.
(Photo: Solenn Honorine)

Cette liberté sur la Toile apparaît comme un paradoxe : comment un pays aussi soucieux de contrôler l'information peut-il lâcher les rênes sur internet ? Il s'agit en fait d'une erreur de jugement de la part du Docteur Mahathir, l'ancien homme fort du pays. En 1998, en plein boom des nouvelles technologies, il ambitionne de transformer son pays en aimant pour les investisseurs de ce secteur. Mais pour les attirer, il doit remplir une exigence sine qua non : l'information sur internet doit rester totalement libre. Aujourd'hui donc, le web n'est pas officiellement considéré comme faisant partie des médias et échappe à la juridiction du puissant ministère de l'Information. « Avant, nos dirigeants avaient le monopole de la vérité ! Il ont du mal à s'habituer à cette nouvelle situation et vous pouvez voir qu'ils essaient de réprimer internet. Mais à chaque fois, nous on répond en criant à la censure et cela les fait reculer parce qu'ils ont besoin de rassurer les investisseurs sur le fait qu'ils ne vont pas revenir sur leur promesse », se félicite Steven Gan, le rédacteur en chef et créateur de Malaysiakini.

Petite persécution

Mais internet reste tout de même sujet à des pressions. « En Malaisie, il y a 35 lois qui restreignent, directement ou non, la liberté de la presse. On est loin d'être à l'abri de toutes les attaques du gouvernement », reconnaît Steven Gan. Il reste ici toute une batterie de lois héritées de périodes d'instabilité politique qui n'ont jamais été abolies malgré plusieurs décennies de stabilité. Par exemple, lorsqu'il y a deux ans, le gouvernement a lancé un raid dans les locaux du site et saisi 19 ordinateurs, il agissait sous les termes de la loi de Sédition. « Mais tout cela, ce n'est que de la petite persécution », ajoute Steven. « Je reste optimiste ! C'est vrai qu'il y a des problèmes en Malaisie, mais on n'est quand même pas au même niveau que Singapour, et internet va jouer un rôle de plus en plus grand dans le futur ». « J'aime à croire qu'on est au début d'une révolution tranquille », s'enthousiasme le bloggeur Malik Imtiaz Sawar.

Si la Malaisie n'a pas encore atteint le niveau d'infrastructures de pays comme le Japon ou la Corée du Sud, le nombre d'internautes augmente rapidement, ce qui renforce l'espoir des bloggeurs... et la nervosité des autorités. Mais le pays reste encore très largement rural ; le phénomène des blogs, lui, est majoritairement urbain. Pas suffisant pour modifier en profondeur l'attitude des électeurs.

De nombreux cafés proposent des connections gratuites.(Photo: Solenn Honorine)

De nombreux cafés proposent des connections gratuites.
(Photo: Solenn Honorine)

Liens utiles :
malaysiakini.com
http://malikimtiaz.blogspot.com/
http://www.jeffooi.com/