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Europe spatiale

Voyage extraordinaire autour du monde

par Frédéric Farine

Article publié le 09/03/2008 Dernière mise à jour le 09/03/2008 à 06:27 TU

C'est un géant que l'Europe spatiale a fait décoller de Kourou à bord d'Ariane 5, dimanche à 1h03 en Guyane (4h03 TU et 5h03 à Paris). Sorte de bus impérial anglais de deux étages et de près de 20 tonnes, l'ATV baptisé « Jules Verne » est le vaisseau européen qui doit ravitailler l'ISS, la station spatiale internationale. Il doit y amener du carburant, près d'une demi-tonne de vivres, du matériel scientifique mais aussi un lecteur MP3 avec de la musique, du courrier timbré et un exemplaire rare d'un ouvrage de Jules Verne : De la Terre à la Lune.
C'est la première fois que le centre spatial de Kourou, en Guyane, dessert la station spatiale internationale. L'ATV de 20 tonnes est le plus gros véhicule jamais lancé par une fusée Ariane 5. ( Photo : Jody Amiet)

C'est la première fois que le centre spatial de Kourou, en Guyane, dessert la station spatiale internationale. L'ATV de 20 tonnes est le plus gros véhicule jamais lancé par une fusée Ariane 5.
( Photo : Jody Amiet)

Emportant l'ATV (Automated transfer vehicule), un cylindre de 10 mètres de haut et de près de 20 tonnes, cargaison comprise, la fusée s'est arrachée du sol guyanais comme prévu à 1h03 à Kourou (5h03 à Paris), mais a très vite disparu des regards, cachée par un ciel trop nuageux. Cette mission particulière n'avait pas de fenêtre de tir et se devait donc de décoller parfaitement à l'heure, à la seconde près. Et pour cause : la mission doit conduire l'ATV à la station spatiale tout en tenant compte de l'emploi du temps de la navette américaine, dont un tir est prévu lundi, mais aussi de l'exigence de surveillance des Russes, le vaisseau européen devant s'arrimer le 3 avril au module russe Zvezda de l'ISS, après quelques essais d'approche.

Pour mettre sur de bons rails l'ATV, « le véhicule spatial le plus complexe jamais mis en oeuvre par l'Europe » selon l'ESA, l'agence spatiale européenne, il a donc fallu innover. Neuf minutes et huit secondes après la mise à feu d'Ariane 5 ES, une version spécialement conçue pour l'événement, le moteur Aestus de l'étage supérieur cryotechnique a été allumé pendant huit minutes afin de placer l'étage et sa cargaison sur une orbite elliptique. L'ATV a pu ensuite profiter de l'inertie de l'étage supérieur d'Ariane pour effectuer un demi-tour de la terre. 1h02 après le décollage, à 260 km d'altitude au dessus de l'Australie, le moteur Aestus a de nouveau été allumé, cette fois pendant 30 secondes, afin de mettre l'ATV sur une orbite circulaire.

Une heure et 6 minutes après son départ de Kourou, mission accomplie pour Ariane, l'ATV était placé sur la bonne trajectoire pour rejoindre la station spatiale. Un peu moins de 2h30 après le décollage, le moteur Aestus devait, lui, être allumé une troisième et dernière fois afin de faire retomber l'étage supérieur de la fusée dans l'Océan Pacifique. « C'était une mission très difficile que l'Europe attendait depuis plus de 10 ans. L'avoir réussie de façon aussi magistrale montre comme nous maîtrisons des problèmes complexes. Ariane devient un élément très important de desserte de la station spatiale, et le centre spatial guyanais entre dans le cercle très fermé des cosmodromes qui la desservent » a déclaré Jean-Yves Le Gall, le PDG d'Arianespace.

Rendez-vous le 3 avril, à 28 000 km/h

« La mission d'Arianespace est réussie. Je me sens plus léger » a, pour sa part, déclaré Jean-Jacques Dordain, directeur général de l'ESA. « Avec ce lancement de l'ATV, on entame un voyage extraordinaire et ce n'est plus Jules Verne qui en écrit le scénario. Mais il reste encore quelques étapes difficiles à franchir avant d'accoster à la station spatiale » a-t-il ajouté. Désormais, rendez-vous est pris entre deux objets qui se déplacent à environ 28 000 km/h : d'un côté, le vaisseau ravitailleur Jules Verne, et de l'autre, la station spatiale. L'ATV doit s'approcher, puis s'arrimer à l'ISS par pilotage automatique, grâce à un mode de guidage laser, mais « en cas de souci, des opérations au sol permettent d'activer certaines parties des séquences depuis le site du Centre national d'études spaciales à Toulouse » nous a confié un cadre de l'agence.

L'ATV apporte pour la station spatiale une cargaison de 8,3 tonnes dont du carburant, 440 kg de vivres, 270 litres d'eau, 80 kilos de vêtements, 20 kg d'oxygène, de la musique et des courriers pour l'équipage sur lesquels on a collé des timbres. L'ATV restera plusieurs mois arrimé à la station spatiale avant de se transformer en camion-poubelle de l'ISS, censé se désintégrer au-dessus du Pacifique. C'est un petit regret, selon certains spécialistes : l'Europe n'a pas encore été suffisament audacieuse sur le plan financier pour construire un vaisseau réutilisable.  « A partir du moment où les choses se passent bien, c'est autant d'arguments pour aller encore plus loin » a répondu Jean-Yves Le Gall, interrogé sur cette question. « La mise en orbite de l'ATV a été réussie, voyons son accrochage à la station spatiale. Ensuite, je suis persuadé que ceci ouvrira la porte à de nouvelles décisions » a-t-il ajouté. Le deuxième tir de l'ATV est prévu « fin 2009, début 2010 » a encore indiqué le PDG d'Arianespace.