par Abdoolah Earally
Article publié le 12/03/2008 Dernière mise à jour le 12/03/2008 à 18:14 TU
La presse mauricienne rappelle à tout bout de champ depuis une semaine ce que deux hommes, qui allaient devenir lauréats du prix Nobel, avaient dit dans les années 60 et 70 sur le sort de Maurice. Le Pr James Edward Meade ne prévoyait aucun avenir économique pour Maurice. L’écrivain V.S. Naipaul n’était pas non plus convaincu quand il écrivait The Overcrowded Baracoon. En 1968, les experts étrangers n’entretenaient pas beaucoup d’espoir pour l’avenir de ce bout de terre, considéré comme surpeuplé, sans ressources et isolé.
A l’occasion du 40e anniversaire de l’indépendance de Maurice, des intellectuels mauriciens se font un plaisir de rappeler que ces nobélisés avaient tort. Pour le Pr. Vinesh Hookoomsing, « en moins d’une génération, l’île Maurice s’est métamorphosée en modèle de réussite dans le domaine de l’éducation, du développement économique et social ».
Ramgoolam, de père en fils
Le Premier ministre Navin Ramgoolam: «L’éducation est cruciale tant pour la réussite économique que pour la création d’une société équitable».
(Source : http://www.gov.mu/portal/site/pmsite)
C’est néanmoins dans un climat d’incertitude que Maurice accédait à son indépendance le 12 mars 1968. Six semaines avant la passation des pouvoirs, des affrontements interethniques avaient fait 25 morts et de nombreux blessés dans la capitale, Port-Louis.
En même temps, la population était divisée sur la question de l’indépendance, 44% avaient voté contre.
Une coalition menée par Sir Seewoosagur Ramgoolam, fils d’immigrant indien, remportait de justesse l’adhésion populaire. C’est ce médecin qui sera élu et réélu Premier ministre jusqu’en 1982. Les Mauriciens l’appellent affectueusement « Chacha » (oncle en hindi) et Père de la Nation.
Quarante ans plus tard, coïncidence de l’Histoire, c’est son fils Navin Ramgoolam, qui est à la tête du gouvernement. Médecin également et diplômé en droit, Navin Ramgoolam est revenu au pouvoir, il y a trois ans, à la tête d’une coalition menée par Parti travailliste, dont il est le leader.
La tradition démocratique est scrupuleusement respectée et depuis l’indépendance, les élections législatives ont lieu quasiment tous les cinq ans.
Miracle économique
En 1968, la population, alors 755 000 âmes, dépendait alors essentiellement des revenus d’exportation de l’industrie de la canne à sucre. Les différents gouvernements se sont employés à diversifier l’économie. « Nous avons réussi notre indépendance. Si nous y sommes parvenus, en rehaussant le niveau de vie de la population, cela s’explique en grande partie par deux grandes poussées économiques que je qualifierai de miracle », analyse l’économiste George Chung Tick Kan.
Ce premier « miracle » fut le boom sucrier dans les années 70. Le second est intervenu au début des années 80 grâce au textile, qui avait généré 100 000 postes. Maurice se trouvait dans une situation de plein emploi.
Ces deux piliers ont subi une importante contraction depuis. Aujourd’hui, c’est le tourisme qui a la cote. Les autorités visent 1 million de touristes cette année, alors que l’île compte 1,2 millions d’habitants sur ses 1 800 kilomètres carrés.
La cybercité : une vitrine des TIC
Depuis quatre décennies, Maurice n’a pas cessé de chercher d’autres pôles de croissance. A Ebène, une cybercité a poussé au milieu des champs de canne pour démontrer le positionnement du pays dans le domaine des TIC, les technologies de l’information et de la communication.
Le secteur n’a pas cependant apporté les résultats espérés. Il emploi environ 7 000 personnes, essentiellement dans les centres d’appel et les centres d’externalisation.
Bien que le chômage avoisine un taux de 10%, le pays compte 35 000 travailleurs étrangers, principalement employés dans la zone franche et le bâtiment.
« Le problème, c’est l’absence d’ouvriers qualifiés et de cadres. Cette inadéquation est due à notre système éducatif mauricien qui n’a pas évolué avec son temps », regrette Vishal Ragoobur, économiste à la Mauritius Employers Federation.
L’éducation mauricienne, gratuite depuis 1976, fait l’objet de débats en ce moment encore. Dans un message transmis à toutes les écoles, le Premier ministre a fait part de ses nouvelles ambitions : doubler le nombre d’étudiants dans le cycle tertiaire d’ici dix ans. « L’éducation est cruciale tant pour la réussite économique que pour la création d’une société équitable », soutient Navin Ramgoolam.
Si le climat social est stable et la pluralité respectée, en revanche la pauvreté gagne du terrain. Les Mauriciens subissent de plein fouet l’érosion du pouvoir d’achat. L’on estime à 100 000 le nombre de pauvres dans l’île.