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UE/Union pour la Méditerranée

L’Union pour la Méditerranée, la fausse bonne idée ?

par Marina Mielczarek

Article publié le 12/03/2008 Dernière mise à jour le 13/03/2008 à 10:28 TU

Lancé en 1995, le Processus de Barcelone ou Euromed, a pris un nouveau nom, l’Union pour la Méditerranée. Ce projet est discuté ce jeudi par les Etats membres à l’occasion du dîner après l’ouverture du Conseil européen, à Bruxelles. Née de semaines de dissensions entre le président français, peu favorable au projet Euromed qu’il jugeait insuffisant, et la chancelière allemande, l’Union pour la Méditerranée risque bien d’être plus compliquée que prévu à mettre en œuvre. L’Union pour la Méditerranée est née, vive la Méditerranée mais au fait…une Union pour quoi faire ?
Le port italien de Messine. L'Union méditerranéenne devrait notamment favoriser le commerce entre les pays riverains de « la grande Bleue ».(Photo : Wikimedia)

Le port italien de Messine. L'Union méditerranéenne devrait notamment favoriser le commerce entre les pays riverains de « la grande Bleue ».
(Photo : Wikimedia)


Et si l’Union pour la Méditerranée avait les yeux plus gros que le ventre ?

La question est posée par bon nombre d’économistes. Le maître-mot de l’Union pour la Méditerranée est de rapprocher les deux rives en développant une zone de libre-échange comme il en existe dans d’autres grands pôles géostratégiques sur la planète. En Amérique latine avec le Mercosur ou en Asie avec l’ASEAN.

Seulement voilà, le modèle n’est pas forcément transposable à une région où sévit le conflit proche-oriental, où s’aggrave la crise libanaise et où la menace nucléaire de l’Iran fait maintenant partie du proche voisinage.  

Ambitieux : 40 millions d’emplois d’ici 2010 

L’Union pour la Méditerranée telle qu’elle sera présentée aux 27 durant le dîner du Conseil européen ce jeudi s’étendra jusqu’en 2010 autour de projets très concrets. Priorité donnée au domaine environnemental et scientifique : lutte contre les aléas climatiques, dépollution de la mer Méditerranée, agroalimentaire, énergie solaire. L’autre grand volet sera consacré à l’éducation et aux échanges culturels.  

39 pays sont impliqués. Les 27 Etats membres de l’UE et 12 Etats du sud et de l’est de la méditerranée. Les deux derniers à avoir adhéré à cette organisation sont la Mauritanie et l’Albanie. Y figurent aussi le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, l’Egypte, la Jordanie, Israël, l’Autorité palestinienne. Le manque de représentants des pays arabes serait l’une des raisons de l’échec de l’ancien projet Euromed lancé en 1995.

La Turquie elle, n’a pas donné son feu vert immédiatement. Ankara attendait d’avoir l’assurance que l’Union pour la Méditerranée ne remplacerait pas ni ne freinerait ses espoirs d’intégrer un jour l’Union européenne.

Interrogé cette semaine par RFI lors d’un débat, à Paris, avec certains pays du Sud, Alain Le Roy, chef de la mission Union pour la Méditerranée auprès du président Sarkozy, spécifiait toutefois que le Liban et la Syrie, inscrits sur la liste, n’avaient pas encore donné leur réponse. Les critiques de diplomates proches du dossier n’ont pas tardé à fuser : l’erreur de l’Union pour la Méditerranée c’est de ne pas s’imposer de limites. Une faute originelle qui risque d’être fatale.

Concurrencer l’Amérique et les nouvelles puissances émergentes ?

« L’Union pour la Méditerranée repose sur un principe : combler le fossé entre un Nord plutôt riche et un bassin méditerranéen beaucoup plus pauvre. Le but ?  Rétablir l’équilibre en assurant  un espace de paix et de sécurité. Bref, nous cherchons à  améliorer le dialogue entre les deux rives», explique Alain Le Roy. Car autant le dire tout de suite, les deux parties devront s’impliquer d’égal à égal.

Loin d’être une mainmise sur le bassin méditerranéen, l’Union pour la Méditerranée se veut une forme de partenariat renforcé. Le cercle se doit d’être vertueux, le processus agira dans les deux sens. Pas question de donner la becquée en envoyant de grosses enveloppes remplies de l’argent de Bruxelles.

Le message sous-jacent n’est pas difficile à décrypter, l’Europe cherche à enrayer l’immigration clandestine en développant la prospérité à la source.

Les 27 en tireront l’immense bénéfice de dynamiser une Europe vieillissante et en manque de main d’œuvre.

Les pays du Sud sont des pays jeunes (à fort taux de populations en dessous de 35 ans) aujourd’hui encore en pleine expansion démographique. A lui seul, le Maghreb compte déjà 85 millions d’habitants. Elargi à la totalité des pays du projet d’Union pour la méditerranée, la manne passe à 140 millions. De l’avis d’experts, ce peut être soit une chance en créant un vrai réservoir de co-prospérité soit un véritable frein régional.

Il suffit de constater les chiffres existants. Les Etats-Unis consacrent actuellement 20% de leurs investissements directs dans leur « Sud », l’Union Européenne seulement 2%.

Pour sa part, le professeur Bertrand Hervieu, secrétaire général du Centre international d’études agronomiques, basé à Paris, estime que « Au lieu de réduire le déficit entre pays du Sud,  l’ancien Processus de Barcelone a eu des effets catastrophiques. L’Europe espérait que l’émergence de classes moyennes allait enrichir et favoriser le développement de l’économie locale. C’est en fait l’importation de produits manufacturés venant du Nord qui a primé. Du coup, les supermarchés ont fleuri dans les plus grandes villes du Maghreb, détruisant les investissements à long terme de type céréaliers au profit de minuscules entreprises de fruits et d’agrumes peu profitables car facilement délocalisables !».

Mais selon cet expert, il n’est pas trop tard pour rééquilibrer les choses et faire fructifier le bassin méditerranéen. Mais il faut faire vite, il y a urgence. L’économie globalisée confronte Bruxelles à l’offensive des nouveaux mastodontes, la Chine et l’Inde en priorité. L’ampleur des investissements chinois rien qu’en Afrique du Sud,  peut déjà nous indiquer d’éventuels scénarios !

L’Union pour la Méditerranée, une utopie ?    

S’il est vrai que « Sans utopie, la CECA, la Communauté du charbon et de l’acier, l’ancêtre de l’Union européenne, n’aurait jamais existé tellement les divergences diplomatiques étaient importantes », juge Hassan Abouyoub chargé de projet au Maroc, il ne faut pas que l’Union pour la Méditerranée soit  une belle idée sur le papier mais irréalisable sur le terrain. « A nous, pays musulmans,  de multiplier les idées pour que le citoyen marocain, tunisien, etc… puisse s’impliquer dans les programmes et  s’approprier davantage l’idée d’une Union pour la Méditerranée. Ce sera la meilleure façon de lutter contre les incompréhensions notamment dues à la différence de religion ».

Autre facteur de trouble et non moins essentiel, le budget. La gêne constatée des diplomates français quand il s’agit de parler de gros sous est sans doute la preuve la plus édifiante de l’immatérialité du projet. Approximations, incohérences, tout reste à faire pour mettre en route cette Union pour la Méditerranée. Pour le moment, tout reste flou, on sait seulement que chaque programme scientifique ou culturel aura son budget indépendant.

On parle de restructurer les mécanismes de l’ancien Processus de Barcelone (plus de dix milliards d’euros), on parle aussi de nombreux fonds privés dont la liste n’est pas encore consultable, on parle enfin et de façon beaucoup plus sûre de l’intervention de la Banque européenne de développement, de la Banque mondiale, et même de la Ligue des pays arabes.

A écouter

L'Union pour la Méditerranée

«C'est dans l'intérêt de tous, des pays européens et du sud de la Méditerranée, de se rapprocher !»

13/03/2008 par Marina Mielczarek