Article publié le 13/03/2008 Dernière mise à jour le 14/03/2008 à 02:31 TU
Ancien Palais royal du Portugal reconverti en Palais impérial du Brésil.
(Photo : Annie Gasnier / RFI)
« Vive le roi », criaient les « sujets » en bermuda et maillots de bains, qui se pressaient un dimanche sur le passage du cortège royal, le long de la plage de Copacabana. Juché sur un char de carnaval, où trônaient des chevaux en carton et paillettes, Joao VI du Portugal suait à grosses gouttes sous sa perruque et ses habits de velours... mais il s´amusait bien !
Les Brésiliens ne sont pas très friands d´histoire, même de la leur, qui se résume pourtant à 500 ans depuis le débarquement du navigateur Pedro Cabral. Mais en ce mois de mars, ils fêtent avec intérêt le Bicentenario de l´arrivée de la Cour portugaise. Au matin du 8 mars 1808, le prince régent, Joao d´Orléans et Bragance, avait débarqué avec sa famille et 15 000 courtisans, dans le port d´une petite ville provinciale, peuplée avant tout d´esclaves.
Dom Joao y resterait treize ans, et fait historique inédit, il reçut en 1818 sa couronne de roi du Portugal, du Brésil et d´Algarve dans la chapelle royale de Rio de Janeiro, lointaine capitale de sa plus riche colonie.
Pour célébrer le bicentenaire, les lieux qui ont vu ce sacre, et celui des deux empereurs du Brésil, l´ancienne cathédrale devenue « simple » église Nossa Senhora du Carmo, ont été rénovés. Pour admirer à l´intérieur, les dorures du style baroque rococo, un spectacle son et lumière accueille les visiteurs.
Ancienne cathédrale de la capitale du Brésil devenue aujourd´hui église Nossa Senhora do Carmo.
(Photo : Annie Gasnier / RFI)
Récemment, autour du maire de Rio et du président Cavaco Silva du Portugal, des Orléans et Bragance descendants de Joao VI, branches portugaise et brésilienne, s´étaient réunis dans la nef étincelante.
« Je trouve cela très important, non seulement comme descendant mais avant tout comme Brésilien, que le pays redécouvre cette partie de son identité », se félicitait le prince Joaozinho, un quinquagénaire connu pour sa carrière de photographe. « C´est un hommage tardif au seul roi d´Europe à s´être déplacé dans une colonie... certes forcé, mais qui a immédiatement saisi le potentiel d´une nation qu´il a organisée. »
Le prince régent avait fui sous la menace des troupes de Napoléon, qui parcouraient la péninsule hispanique. Un fait « rappelé » chaque année, avec irrévérence et humour, au carnaval des écoles de samba de Rio.
L´occupation du Portugal dura peu de temps, mais Dom Joao prit son temps pour modeler le Brésil. Il ouvrit les ports au commerce, créa des institutions qui ont survécu, comme le Sénat, la Maison de la monnaie, la Banque du Brésil, le Jardin botanique, introduit la presse et, avec la Mission artistique française envoyée par Louis XVIII en 1816, la peinture, la sculpture, l´architecture, et la langue française. Jean-Baptiste Debret fût « le peintre photographe » de cette période royale.
« Paradoxalement, Dom Joao était entouré de bonapartistes, dont Louis XVIII s´était débarrassé, s´amuse l´agent culturel de Rio, Romaric Sulger Buel. La France symbolisait alors le modernisme, et le Brésil s´est organisé sur le modèle postrévolutionnaire. »
« L´Indépendance ou la mort »
Pour les besoins de l´unité d´une République naissante, Dom Joao et sa femme espagnole, Carlota Joaquina de Bourbon, ont été caricaturés et moqués. Sans que les Brésiliens, hors du cercle intellectuel et universitaire, n´analysent l´influence de leur long séjour sous les tropiques. Une « revisitation » popularisée ces jours-ci, par de nombreux spectacles, débats, reportages, livres, expositions...
Le Brésil doit sûrement ses dimensions continentales, héritées de la découverte portugaise, aux institutions politique, économique et sociale, de Dom Joao, qui n´ont pas subi, à l´indépendance, l´émiettement des vice-royautés d´Espagne voisines. « Il y a eu une grande stabilité, estime le prince Joaozinho, souvent plus forte durant les 67 ans d´empire que sous la République. »
La transition se fit sans une larme ni une goutte de sang : le fils de Joao VI déclara « l´Indépendance ou la mort » en 1822, soit un an après le retour de la Cour vers la mère patrie. Il devenait l´empereur Pierre Ier, et son fils Pierre II, un grand humaniste, fût renversé, en 1889, par une bourgeoisie rancunière. Elle ne pardonnait pas aux Orléans et Bragance d´avoir aboli l´esclavage, par la loi signée en 1888 par la princesse Isabel. Le Brésil fût le dernier pays à profiter de cette main d´œuvre arrachée à l´Afrique.