Article publié le 14/03/2008 Dernière mise à jour le 14/03/2008 à 21:30 TU
Un activiste tibétain brûle un drapeau chinois, lors d'une manifestation pour l'indépendance du Tibet, à Lhassa.
(Photo : Reuters)
Ce sont des sources hospitalières à Lhassa qui l'ont confirmé : les affrontements ont fait de « nombreux blessés » mais aussi des morts ce vendredi, les premiers signalés depuis le début de la semaine. Au moins deux tués, selon Radio Free Asia, qui depuis Washington, cite des témoins.
On ignore toutefois si ces victimes sont des Tibétains, ou des résidents de la communauté han, principale ethnie chinoise. Vécus comme des colonisateurs par la population tibétaine, certains d'entre eux, commerçants en particulier, ont en effet été attaqués dans la journée, plusieurs magasins du centre-ville ont été incendiés. C'est la d'ailleurs la seule information relayée dans la journée par une partie de la presse officielle. Et en l'occurrence, l'agence Chine nouvelle, Xinhua, qui n'a diffusé cette information qu'en anglais et donc à destination exclusive des médias étrangers.
Le black out est en effet total à Pékin sur ces événements, évoqués surtout par des étrangers résidents ou touristes présents à Lhassa. Les rares Tibétains joints surtout par des proches, parlent de tensions extrêmes, d'écoles fermées et de consignes de couvre-feu imposées sous la menace aux habitants par les forces de sécurité, soldats et policiers déployés en très grand nombre dans la ville.
Depuis quelques jours, des moines bouddhistes manifestent au Tibet et dans la région avoisinante. Selon des témoins et des organisations de défense des droits de l’homme, les forces de sécurité ont ouvert le feu à Lhassa. Ce qui inquiète évidemment au plus haut point la communauté internationale.
Trois jours après avoir retiré la Chine de la liste américaine des pires violateurs des droits de l’homme, la condamnation la plus forte est venue de Washington. L’ambassadeur américain à Pékin, puis le porte-parole de la Maison Blanche, « exhortent » les autorités chinoises « à ne pas recourir à la force » face aux manifestants.
Il faut « absolument éviter tout recours à la violence », insiste de son côté Berlin, en rappelant que la liberté de manifester pacifiquement est « légitime. » Plusieurs pays ont d’ailleurs tour à tour fait part de cette même inquiétude, ce qui devrait d’ailleurs donner lieu, lundi, à une déclaration commune du Conseil européen qui, pour l’instant, invite à son tour la Chine à « faire preuve de retenue ».
Mais c’est évidemment depuis Dharamsala, dans le nord de l’Inde, que la voix la plus inquiète s’est fait entendre. Le Dalaï Lama demande à Pékin « de renoncer à l’usage de la force ». Le chef spirituel des bouddhistes tibétains en exil se déclare « profondément préoccupé par la situation au Tibet ».
Tout comme le Foreign Office, à Londres, qui a exigé vendredi une « clarification » de la situation. Les troubles à « Lhassa ont été orchestrés par la clique du Dalaï Lama », a répondu l’agence d’Etat Chine Nouvelle. Et pour le reste, silence radio. Officiellement, pour les médias chinois, rien ne s’est passé à Lhassa.
Avec notre correspondante à Washington, Donaig Le Du
L’ambassadeur des Etats-Unis en Chine a saisi l’occasion d’une rencontre avec des responsables chinois pour demander à Pékin de renoncer à employer la force au Tibet, a indiqué un porte parole du département d’Etat, ici, à Washington. Il faut que les Chinois fassent preuve de retenue, et qu’ils respectent le caractère multiethnique de la société, explique l’administration américaine, qui milite en faveur du dialogue entre le gouvernement chinois et le Dalaï Lama, le leader tibétain en exil.
La question tibétaine est, depuis des années, un point de désaccord majeur entre Pékin et Washington. Même si les Américains reconnaissent le Tibet comme faisant partie de la Chine, ils n’ont de cesse de critiquer la persécution et les atteintes à la liberté religieuse au Tibet.
Les désaccords se sont d’ailleurs exprimés au grand jour au mois d’octobre dernier lorsque le Dalaï Lama a reçu, à Washington, la médaille d’Or du Congrès. C’était la première fois qu’un président américain apparaissait en public aux côtés du leader tibétain, et George Bush a eu beau expliquer qu’il recevait un leader spirituel et non pas un chef d’Etat en exil, les Chinois n’ont pas du tout apprécié.
Les Etats-Unis, qui tentent donc un subtil numéro d’équilibristes dans leurs relations avec la Chine. Ils viennent de retirer le pays de la liste des pires prédateurs des droits de l’homme, et le président américain a promis de se rendre à Pékin pour les Jeux olympiques.
A écouter
Un Français ayant participé à la marche des Tibétains à Dahramsala.
«La centaine de Tibetains marcheurs a été condamné à 14 jours de prison !»
14/03/2008 par Cécile Cailliez