Article publié le 17/03/2008 Dernière mise à jour le 18/03/2008 à 06:58 TU
Les soldats des Nations unies ont été pris pour cible par les manifestants à Mitrovica.
(Photo : Reuters)
De violentes émeutes ont éclaté lundi matin à Mitrovica, la ville divisée du nord du Kosovo, après une opération de la police des Nations unies pour déloger des Serbes qui occupaient depuis vendredi deux tribunaux de l'ONU à Mitrovica, réclamant d'être placés sous l'autorité de l'Etat serbe. Plus de 160 personnes ont été blessées dans les affrontements, parmi lesquelles 20 soldats français. Des coups de feu ont été tirés contre les policiers de la MINUK, la mission des Nations unies et contre les soldats de la KFOR, la force de l'Otan.
Par notre correspondant dans la région, Jean-Arnault Dérens
Lundi vers 5H30, plusieurs centaines de soldats de la KFOR et de policiers des Nations unies ont investi le tribunal de Mitrovica, arrêtant 53 manifestants serbes qui y campaient depuis vendredi. Immédiatement, des émeutes ont éclaté dans toute la ville. Les véhicules transportant les prisonniers ont été renversés et une vingtaine de Serbes immédiatement libérés.
Porte-parole de la KFOR
« Des coups de feu on été tirés à l'arme automatique auxquels la KFOR a riposté avec des tirs de semonce. Il y a plusieurs dizaines de blessés, huit du côté de la KFOR. La situation demeure tendue autour des tribunaux. Une étape a été franchie aujourd'hui en terme de violence. »
Quelques heures plus tard, un premier bilan faisait état d’une centaine de blessés, dont une trentaine de soldats et de policiers. Alors que le dirigeant du Conseil national serbe, Milan Ivanovic, parle d’une « provocation », le porte-parole de la mission des Nations unies au Kosovo (MINUK) a annoncé que la police internationale se retirait de la partie serbe de la ville, laissée au seul contrôle des soldats de la KFOR.
Depuis la proclamation d’indépendance du Kosovo, le 17 février, considérée comme « illégale » par les Serbes, des manifestants se rassemblaient tous les jours devant le tribunal de Mitrovica. Les anciens employés de cette juridiction, chassés en 1999, lors de l’instauration du protectorat international, voulaient retrouver leurs emplois. Ils ont pénétré vendredi dans le bâtiment, amenant le drapeau des Nations unies et hissant celui de la Serbie.
La confusion la plus totale règne toujours
Le Premier ministre du Kosovo, Hashim Thaçi, avait exigé des autorités internationales une réaction forte mais, en réalité, la confusion la plus totale règne toujours. Les Serbes refusent le déploiement de la nouvelle mission européenne EULEX, dont le déploiement paraît exclu dans les zones serbes. Dans le même temps, la MINUK demeure toujours en fonction, puisque son mandat est déterminé par la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies qui, sur le plan du droit, est toujours en vigueur.
Les scénarios prévus pour la transition entre les deux missions internationales semblent être en train d’échouer, en raison de la résistance opposée par les Serbes. Comme le confient certains diplomates occidentaux, personne ne peut prédire la suite des événements.
Le risque d'un nouveau cycle de violences
Le nouvel accès de tension à Mitrovica, le plus violent depuis la destruction des frontières entre le Kosovo et la Serbie, dans les jours qui ont immédiatement suivi la proclamation d’indépendance, risque-t-il d’engager un nouveau cycle de violences ? Le fait est que la date de ce nouvel épisode est hautement symbolique : il y a quatre ans, le 17 mars 2004, éclatait des violences et des pogroms anti-serbes.
Cependant, les autorités albanaises du Kosovo tout comme les dirigeants de Belgrade, adoptent un profil relativement discret, le gouvernement serbe se contentant de réclamer la libération immédiate des employés serbes du tribunal de Mitrovica. D’ailleurs, un porte-parole de la police des Nations unies, Georgy Kakuk, a déclaré que ces derniers devraient comparaître en justice selon une procédure accélérée et être remis en liberté dans la journée, car « ils n’ont commis qu’une petite infraction ».
Cette dernière déclaration représente incontestablement un geste visant à calmer le jeu, mais amène à s’interroger sur la cohérence de la politique des institutions internationales au Kosovo : si l’occupation du tribunal n’était qu’une « petite infraction », fallait-il vraiment mobiliser plusieurs bataillons pour prendre d’assaut le bâtiment, en plongeant la ville de Mitrovica dans de très violences émeutes ?
Porte-parole de la Commission européenne
« La Commission européenne est très préoccupée par la tension au nord de Mitrovica. Le recours à la violence est inacceptable. Nous tenons compte des divergences d'opinion au sein de l'Union européenne au sujet l'indépendance du Kosovo. Les Européens en discutent, prennent des décisions.»
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Politologue, chercheur associé à l'IRIS
L'Union européenne s'est montrée relativement imprudente. (...) Prendre comme ça les revendications albanophones au pied de la lettre et avaliser l'indépendance du Kosovo, (...) c'est tout à fait imprudent quand on connait l'extrême fragilité de la stabilité de cette sous-région.
17/03/2008 par Patrick Adam