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Zimbabwe

Une fin de campagne bien calme

Article publié le 26/03/2008 Dernière mise à jour le 27/03/2008 à 07:55 TU

Près de 6 millions de Zimbabwéens sont conviés samedi à des élections générales, présidentielles, législatives et municipales. Agé de 84 ans, le président Robert Mugabe, au pouvoir depuis vingt-huit ans, brigue un sixième mandat. Il doit affronter deux candidats de taille : le leader de l’opposition Morgan Tsvangirai et un dissident de son propre parti, Simba Makoni. Reportage dans la deuxième ville du pays.

Affiches électorales de Robert Mugabe (g), le président sortant et de Morgan Tsvangirai (d), leader de l'opposition.(Photo : Marina Burgeon/RFI)

Affiches électorales de Robert Mugabe (g), le président sortant et de Morgan Tsvangirai (d), leader de l'opposition.
(Photo : Marina Burgeon/RFI)

A Bulawayo, Marina Burgeon

A quelques jours du scrutin, Bulawayo continue à mener sa vie calme de deuxième ville du Zimbabwe, au sud du pays. Pas de violence comme lors des scrutins précédents, aucune tension… Rien n’indique que le pays se prépare à peut-être vivre une élection historique, même si elle ne sera pas libre : les candidats n’ont pas pu vérifier les listes électorales, leur accès aux médias est limité (il n’y a plus de quotidien indépendant) et les circonscriptions ont été redécoupées en faveur du régime en place.

La candidature de l’ex-ministre des Finances Simba Makoni a toutefois relancé l’espoir des Zimbabwéens, qui ne croyaient plus au changement : malgré son soutien populaire, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC) de Morgan Tsvangirai n’a pas réussi, en huit ans, à obtenir un changement de régime. Mais cette fois, la partie sera plus difficile pour le président Mugabe. 

« Makoni ne nous fait pas peur ! », lance Temba Ncube, le président des vétérans de guerre de Bulawayo. Cet homme déjà âgé, qui a combattu pendant la guerre d’indépendance contre le régime raciste de Ian Smith, est un fervent partisan de Mugabe. Son modeste bureau est encombré d’affiches électorales où on voit un Mugabe, casquette sur la tête, en train d’haranguer la foule en dressant le poing  : « Le poing de l’émancipation », affirme le slogan.

Après la saisie des fermes des Blancs en 2000, le chef de l’Etat promet «l’indigénisation» des entreprises privées (obligation de céder 51 % du capital à des Zimbabwéens noirs). « Dans les arènes internationales, Mugabe est le seul à défendre les intérêts du peuple ! », affirme Ncube. Si le Zimbabwe s’enfonce depuis huit ans dans une crise économique catastrophique (le taux d’inflation dépasse désormais 100 000 %, un record mondial), c’est la faute « aux capitaines d’industrie. Mais nous avons aussi demandé au chef de l’Etat de faire le ménage autour de lui. Trop de ministres se sont enrichis grâce au marché noir et ils ont reçu plusieurs fermes (ndlr – les fermes des Blancs, expulsés depuis 2000), dont ils ne font rien ! ».

Ncube est convaincu que Mugabe sera réélu, même si une partie de ses troupes a rallié Makoni, tout comme l’ex-ministre de l’Intérieur Dumiso Dabengwa : c’était l’un des commandants de la Zipra, le mouvement de lutte anticolonialiste formé par les Ndebele, la deuxième ethnie du Zimbabwe (majoritaire à Bulawayo et dans le sud du pays). « Makoni cherche à exploiter les désordres du passé », déplore Ncube.

Les Ndebele ont depuis longtemps un compte à régler avec Mugabe, qui appartient à l’ethnie majoritaire des Shona : ils lui reprochent d’avoir marginalisé leur région et ils ne lui ont jamais pardonné d’avoir réprimé en 1983, de manière sanglante (entre 8 000 et 30 000 morts, dont de nombreux civils), un mouvement de guérilla formé par d’anciens combattants de la Zipra près de Bulawayo. « Mugabe a une place à part dans l'Histoire de notre pays, mais il doit aussi répondre de beaucoup de choses », a averti Makoni, dans une interview au Financial Times. Si le chef de l’Etat s’accroche au pouvoir, c’est notamment parce qu’il aurait peur d’être jugé…

Les chances de Makoni sont toutefois difficiles à évaluer. Même si cet ancien homme d’affaires et diplomate (il a été secrétaire général de la Sadec, l’organisation régionale de l’Afrique australe) a la réputation d’un homme intègre (il a démissionné en 2003 de son poste de ministre, suite à un désaccord avec Mugabe), il est loin de jouir de la popularité de Tsvangirai.

De jeunes militants de Simba Makon avec des tracts et des T-shirts à l'éffigie du candidat.(Photo : Marina Burgeon/RFI)

De jeunes militants de Simba Makon avec des tracts et des T-shirts à l'éffigie du candidat.
(Photo : Marina Burgeon/RFI)

« Le grand avantage de Makoni est qu’il peut conquérir une partie du vote rural. Tsvangirai n’y est jamais parvenu », avance David Coltart. Cet avocat et député de Bulawayo fait partie de l’aile minoritaire dissidente du MDC d’Arthur Mutambara (surtout implantée dans le sud du pays), qui soutient Makoni. « Pendant deux décennies, Makoni a essayé de réformer la Zanu-PF de l’intérieur et c’est un vrai démocrate, croit Coltart. Il bénéficie de nombreux soutiens au sein du parti, qui mènent secrètement campagne pour lui ».

Alors que les villes sont acquises à l’opposition, le vote rural, qui représente 60 % de la population, jouera un rôle décisif le 29 mars. Jusqu’à présent, le parti au pouvoir a toujours réussi, en s’appuyant sur les chefs locaux, en utilisant la violence et divers moyens de pression, y compris les distributions de maïs importé (depuis que les fermes des Blancs ont été saisies en 2000, le Zimbabwe ne parvient plus à se nourrir) à contraindre les paysans à voter pour le « père de la nation ».

Pour Gorden Moyo, directeur de l’ONG « Bulawayo agenda », les chances de Makoni de l’emporter sont toutefois très faibles. « Il a surtout fait campagne dans les villes et le sud du pays, qui sont les bastions du MDC. Il va affaiblir l’opposition ! »

Tabitha Khumalo, porte-parole adjointe MDC de Tsvangirai et candidate au Parlement, n’a aucun doute : « La candidature de Makoni est un stratagème pour diviser l’opposition », affirme cette syndicaliste féministe, devenue célèbre pour avoir lancé, en 2006, une campagne internationale de collecte de tampons hygiéniques, devenus introuvables ou trop coûteux dans son pays.

La division de l’opposition pourrait, en effet, jouer en faveur du chef de l’Etat. Mais un second tour n’est pas exclu, si aucun candidat n’obtient 51 % des voix. Mugabe pourrait alors se retrouver en mauvaise posture, si ses opposants s’unissent derrière un seul nom. Mais le chef de l’Etat a plus d’un tour dans son sac : dans le passé, il n’a pas hésité à manipuler le résultat du vote et à déclencher des violences pour rester au pouvoir. A Bulawayo, derrière le calme apparent, tout le monde retient son souffle.

A écouter

Très peu de médias étrangers autorisés à couvrir les élections

« A part l'Agence France Presse, aucun média français n'a été accrédité pour ces élections. La peine pour les journalistes fraudeurs est de 2 ans de prison ».

27/03/2008 par Nicolas Champeaux

La stratégie de Simba Makoni

« Simba Makoni soutiendra Morgan Tsvangirai s'il accède au second tour. Il ne faut pas se tromper d'adversaire. »

26/03/2008 par Nicolas Champeaux

Le président zimbabwéen Robert Mugabe, 84 ans, se présente aux élections générales du 29 mars prochain. (Photo : Reuters)

Décryptage

Zimbabwe : cauchemar terrien

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26/03/2008

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