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Europe-Méditerranée

André Azoulay, président de la Fondation Anna Lindh

Article publié le 29/03/2008 Dernière mise à jour le 30/03/2008 à 21:45 TU

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André Azoulay participe au Forum de Paris des 28, 29 et 30 mars. Conseiller du roi du Maroc, Mohamed VI, après avoir été celui de Hassan II, André Azoulay a été nommé président de la Fondation euro-méditerranéenne Anna Lindh, début mars. Initiateur de la Fondation des Trois cultures, institution créée en 1998 par le gouvernement andalou (Espagne) et le Maroc, il participe à la promotion du dialogue religieux et culturel dans la région méditerranéenne.

André Azoulay est interrogé par Pierre Ganz et Jean-Michel Demetz, de l'Express dans L'Invité de la semaine (29 mars 2008).

L'Express : Dans son projet initial, le président français, Nicolas Sarkozy parlait d'Union de la Méditerranée, depuis l'accord européen des 27, on parle d'une Union pour la Méditerranée. Ce glissement sémantique change-t-il quelque chose ?

André Azoulay :
Ce que je retiens, c'est que le mot « Union » demeure et c'est le plus important. Pour beaucoup d'entre nous, « Union » signifie quelque chose. Dans le paysage euro-méditerranéen, il n'y avait rien qui portait jusque là cette volonté d'« Union ». L'Union, qu'elle soit « pour » ou « de » la Méditerranée, exprime quelque chose pour demain qui sera à la fois un peu plus et quelque chose de différent que ce qui fait aujourd'hui l'essentiel de la relation euro-méditerranéenne, c'est-à-dire, une relation économique, marchande, culturelle, institutionnelle. On est à la recherche d'un espace qui n'est pas, qui ne sera pas de l'adhésion, mais qui sera, un jour, un peu plus et un peu mieux que ce que nous avons aujourd'hui. Cette « Union » nous fait avancer vers un horizon nouveau et attendu par beaucoup d'entre nous.

L'Express : ... justement, en élargissant le cadre paneuropéen de cette Union pour la Méditerranée, ne craignez-vous pas une dilution des engagements ? Nos partenaires baltes ou de l'Europe scandinave n'ont pas la même conscience de l'urgence de ce rapprochement que la France, l'Italie ou l'Espagne.

A. A. : Il est clair qu'au sein de l'Union européenne, les sensibilités sont différentes et les proximités ne sont pas les mêmes, mais je fais confiance à la dynamique. Côté sud, quand l'Europe s'est éleargi par cercles concentriques susccessifs, nous étions très heureux. Plus l'Europe est large, plus elle s'agrandit, plus elle est puissante, plus elle est prospère et mieux nous nous portons.

RFI : Vous faites allusion à l'aide que l'Europe peut apporter aux pays méditerranéens, dans le cadre du processus de Barcelone, mais les nouveaux pays européens ont aussi besoin d'aide !

A. A. : Nous ne sommes pas candidats à l'aide ! Nous sommes des partenaires à part entière. Il ne s'agit pas de charité et ce n'est pas de la coopération comme celle qui existait il y a quelques dizaines d'années ! Nous avons nos exigences. Nous avons nos ambitions. Nous avons nos moyens et nous avons aussi cet appétit d'un partenariat ambitieux et multiforme !

RFI : Le fait de travailler ensemble au sein de l'Union pour la Méditerranée permettra-t-il à certains pays du Maghreb de trouver plus facilement des solutions à leurs désaccords, comme ceux qui existent entre le Maroc et l'Algérie à propos du Sahara occidental ?

A. A. : Je crois beaucoup aux vertus de cette dynamique que nous allons créer. Cet ensemble va se construire avec une légitimité politique et avec l'adhésion des sociétés civiles dans un vaste mouvement. Je ne vois pas ce qui peut empêcher le Maroc et l'Algérie de parler de ce problème particulier puisqu'on en parle déjà aux Nations unies ! S'il y a demain des espaces qui peuvent aider à la solution... pourquoi pas ? Le Maroc a fait la preuve de sa créativité et de son imagination : il a proposé ce statut d'autonomie qui est discuté dans toutes les enceintes et qui est, à mon avis, la véritable perspective pour une solution à ce dossier. Il n'y en a pas d'autres.

L'Express : Il est prévu de nommer à la tête de l'Union pour la Méditerranée, deux co-présidents, l'un pour les pays du sud et l'autre pour l'Europe. Quel est le profil de ces co-présidents selon vous ?

A. A. : À ce stade, je pense que nous avons besoin d'une personnalité politique plutôt qu'un haut fonctionnaire.

RFI : Le 13 juillet prochain, il y aura un sommet à Paris, réunissant les chefs d'État de la Méditerranée et de l'Union européenne. Vous pensez que ce type de dialogue est la réponse à ce que certains nomment le choc des civilisations voire la guerre des civilisations ?

A. A. : J'appartiens à l'école de ceux qui récusent cette thèse du choc des civilisations, une thèse que je qualifierai de « scélérate » ! Je viens d'un pays qui est le pays de la synthèse, de l'altérité, de la rencontre. Quelque soit sa religion, quelque soit l'espace d'où l'on vient, on y est bienvenu. On y est écouté. On y est respecté. Vouloir introduire par effraction dans le bréviaire des relations internationales la notion de « choc des civilisations » est une pure imposture ! La communauté internationale a été pendant trop longtemps complaisante, passive, un peu irresponsable d'intégrer dans sa propre dialectique des relations internationales, cette notion profondément régressive. La civilisation est synonyme de modernité, d'ouverture et n'a rien à voir avec le choc ! Le moment est venu de réajuster nos débats.

(...)

RFI : Un réseau terroriste dont certaines personnes arrêtées se présentent comme le mouvement al-Qaïda au Maghreb a été récemment démantelé au Maroc. La menace terroriste est-elle l'un des problèmes qu'aura à traiter l'Union pour la Méditerranée.

A. A. : Les problèmes de la sécurité sont sur l'agenda euro-méditerranée. Ensemble, nous apprenions à apporter la bonne réponse à cette menace.

RFI : ... la réponse, c'est le développement, la répression ?

A. A. : Vous parlez de développement parce que très vouvent, surtout du côté occidental, on a la tentation de vouloir expliquer cette situation par des phénomènes de paupérisation ou par des phénomènes socio-économiques. Le problème est à la fois idéologique et surtout politique. C'est un projet de société contre un autre projet de société. Bien sûr que la paupérisation, l'inégalité sociale peuvent contribuer à aggraver le score, mais la pauvreté n'est pas un facteur causal.

RFI : Le conflit israëlo-palestinien est au coeur de l'Union pour la Méditerranée. Il a d'ailleurs fait capoter le processus de Barcelone. La nouvelle entité pourra-t-elle faire avancer le dossier ?

A. A. : La centralité du problème palestinien, de la paix entre la Palestine et Israël s'impose à nous tous...

RFI : ... y compris le problème du terrorisme ?

A. A. : Il faut être plus nuancé et ne pas verser dans la caricature. Tout ce qui se passe en matière de sécurité, en matière de terrorisme n'a pas pour origine le dossier palestinien. L'appréciation des défis auxquels nous sommes confrontés doit être plus globale. Il y a tellement eu des occasions de paix ratées entre Israël et la Palestine, tellement d'opportunités manquées. Encore aujourd'hui, alors que la communauté internationale d'est en ouest, du nord au sud, est consensuelle pour aboutir à une solution dans ce dossier et on n'y arrive pas ! 

 

                 Écoutez l'intégralité de l'entretien sur le site de l'émission >ici