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Otages en Colombie

Alvaro Uribe joue à quitte ou double avec les FARC

par Grégory Plesse

Article publié le 28/03/2008 Dernière mise à jour le 29/03/2008 à 01:02 TU

Le Haut commissaire colombien pour la paix Luis Carlos Restrepo à Bogota le 27 mars 2008.(Photo : Reuters)

Le Haut commissaire colombien pour la paix Luis Carlos Restrepo à Bogota le 27 mars 2008.
(Photo : Reuters)

La révélation de l’état de santé « très délicat » d’Ingrid Betancourt a contraint le gouvernement colombien à reprendre l’initiative pour tenter d’obtenir la libération des otages. Luis Carlos Restrepo, Haut commissaire colombien pour la paix, a annoncé jeudi soir qu’il était prêt à libérer un nombre indéterminé mais conséquent (on parle de plusieurs centaines) d’ex-guérilleros, en échange des 39 otages « politiques » encore retenus par la guérilla marxiste. Il est même allé plus loin en précisant que la libération d’Ingrid Betancourt « serait suffisante pour que nous considérions que l’échange humanitaire est en cours ».

Un décret autorisant la libération d’anciens militants des Forces armées révolutionnaires colombiennes (FARC) a été signé dès jeudi soir par le président Alvaro Uribe. Son offre est a priori généreuse : les autorités colombiennes ont « réduit au minimum » leurs exigences pour libérer les ex-guérilleros emprisonnés. Ceux-ci doivent « s’engager à rentrer dans le droit chemin », selon les termes du décret.

Quelles que soient les peines ou les crimes commis, tous les guérilleros en prison pourront retrouver leur liberté si les FARC acceptent le marché gouvernemental.

Rien n’est moins sûr, puisque les FARC souhaitent avant tout bénéficier d’une reconnaissance politique dans la région et d’une légitimité internationale. La guérilla marxiste est toujours considérée comme une organisation terroriste par les Etats-Unis et l’Union européenne. La « narco-guérilla » est fortement impliquée dans le trafic de drogue et le racket systématique des populations vivant dans les zones qu’elle contrôle. « L’impôt révolutionnaire » et surtout le trafic de drogue représentent, loin devant les rapts, la principale source de financement des FARC. Mais la guérilla pourrait aussi bien choisir de remettre Ingrid Betancourt aux autorités colombiennes vu son état de santé très préoccupant. Si jamais l’otage franco-colombienne venait à mourir dans la jungle, les FARC perdraient toute chance de négocier avec les autorités colombiennes ou internationales.

Frédéric Desagneaux

Porte-parole adjoint du ministère français des Affaires étrangères

« Nous pensons qu'il s'agit d'un geste qui va dans le bon sens et nous appellons instamment les FARC à saisir cette opportunité sans délai. »

écouter 0 min 33 sec

28/03/2008 par Stefanie Schüler

L’offre du gouvernement Uribe est cependant assez floue. Elle ne détaille ni le nombre, ni les conditions de libération des ex-guérilleros. Selon Fabrice Delloye, l’ancien mari d’Ingrid Betancourt et père de ses enfants, cette offre n’est qu’un « effet d’annonce » de la part de la présidence colombienne.

Fabrice Delloye

Ex-mari d'Ingrid Betancourt

« Cette proposition peut être prise au sérieux si le gouvernement colombien devient plus spécifique; ce n'est pas à travers un décret que les FARC vont accepter un accord humanitaire. »

écouter 0 min 46 sec

28/03/2008 par Stefanie Schüler


La difficile question du lieu de l’échange :

L’accord humanitaire pourrait buter sur un détail important : le lieu où s’effectuerait l’échange.

Les FARC exigent qu’il se déroule dans les zones de Pradera et de Florida, un espace de 780 km², qu’ils veulent exempt de toute présence militaire et policière. Située à quelques kilomètres au sud de Cali, la zone revendiquée par les FARC représente un enjeu stratégique essentiel.

La région de Pradera et Florida se trouve au pied des trois cordillères qui traversent le continent et permet d’accéder aux points de passage poreux des frontières avec l’Equateur et le Brésil.

Le précédent président, Andres Pastrana, avait accordé aux FARC une zone démilitarisée de 32 000 km², censé être un premier pas vers la paix. Au cours de cette période (1998-2002), la guérilla s’était renforcée militairement, avait accru son implication dans le trafic de stupéfiants et poursuivi les kidnappings.

C’est pourquoi Alvaro Uribe refuse tout compromis, même dans le cadre d’une démilitarisation temporaire. Il a proposé la démilitarisation d’une zone de 50 km², le temps de l’échange. Offre immédiatement rejetée par les FARC.


La surprenante offre du gouvernement colombien intervient trois semaines après l’offensive de l’armée en territoire équatorien.

Le bombardement, qui a conduit à la mort de Raul Reyes, numéro deux des FARC, a encore isolé davantage Manuel Marulanda (chef historique de la guérilla) et ses affidés.

« Nous avons perdu tout contact », a indiqué le président vénézuélien, Hugo Chavez, au cours d’un entretien accordé la semaine dernière à la presse étrangère. Celui dont la médiation controversée (il est accusé d’avoir versé 300 millions de dollars à la guérilla) a permis la libération de six otages en janvier ajoute que depuis la mort de Reyes « la probabilité de rétablir le contact est proche de zéro ».  

L’offre d’Alvaro Uribe a un triple objectif : sauver les otages, priver ainsi la guérilla de sa principale arme « politique » et retirer un avantage politique sur la scène internationale. Largement décrié par ses voisins vénézuéliens et équatoriens, le président colombien, pourtant très populaire dans son pays, passe pour le suppôt des néoconservateurs américains en Amérique du Sud et est régulièrement accusé de saboter toutes les tentatives de négociations avec la guérilla marxiste.

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