Article publié le 04/04/2008 Dernière mise à jour le 05/04/2008 à 08:06 TU
Notre correspondante à Atlanta, Anne Toulouse, a rencontré en exclusivité Martin Luther King III, fils ainé du pasteur assassiné il y a 40 ans.
Martin Luther King III, le fils ainé de Martin Luther King, interviewé par Anne Toulouse à Atlanta.
(Photo : Anne Toulouse/RFI)
RFI : Vous aviez 11 ans quand votre père est mort ; qu’est ce qui vous manque le plus dans le fait d’avoir grandi sans lui ?
MLK : Ce que j’aurais le plus aimé, c’est avoir une conversation d’adulte avec mon père, ce qui de toute évidence n’a pas été possible… C’est une première chose et la deuxième chose que j’aurais voulu, c’est que lui et ma mère soient là lorsque l’enfant que ma femme Andrea et moi attendons naîtra, aux environs du 25 mai. Ce sont les deux choses que je réaliserais si j’avais une baguette magique.
Ceci étant, je pense que mon père serait très fier de beaucoup de choses qui se passent en ce moment dans notre pays. Il serait certainement fier qu’un noir et une femme soient des candidats qui aient des chances de devenir président, mais il serait triste de savoir que 36 millions de personnes vivent encore en dessous du seuil de pauvreté en 2008. Il y en avait 25 millions au moment de sa mort. 12 millions parmi les 36 millions que nous avons aujourd’hui sont des enfants. C’est une chose qui le tourmenterait.
RFI : Est-ce-que vous avez un souvenir très présent du jour de sa mort ?
MLK : Je m’en souviens d’une manière très fragmentaire. Le 4 avril, nous étions à la maison, nous regardions les informations à la télévision. Malheureusement, c’est en regardant la télévision que nous avons appris qu’il était mort… ou plutôt qu’on lui avait tiré dessus. Nous ne savions pas qu’il était mort. Nous sommes allés trouver notre mère qui était dans sa chambre, pour qu’elle nous explique ce qui s’était passé. Elle était en train de se préparer à partir à Memphis pour être à ses cotés, car elle avait reçu un coup de téléphone d’Andrew Young et de Jesse Jackson, et elle savait que cela n’allait pas bien du tout. Je ne me rappelle pas grand-chose d’autre de cette nuit là.
Mais plus tard, elle nous a dit : « Vous savez, papa est parti vivre dans la maison de Dieu et, quand vous le verrez, il ne pourra pas vous prendre dans ses bras et vous donner des baisers, mais Dieu récompense ceux qui le servent » .Elle essayait de nous faire comprendre que cette mort était venue très tôt, mais que comme il avait très bien servi Dieu, Dieu avait voulu qu’il vienne se reposer dans sa maison. Elle nous a dit que quand nous le verrions, il ne nous embrasserait pas comme il avait l’habitude de le faire et qu’il aurait l’air de dormir, mais qu’un jour nous le retrouverions.
RFI : Une dernière question : Nous sommes lus et entendus dans le monde entier, particulièrement en Afrique, et partout le nom de votre père est un symbole très fort. Qu’est ce que cela représente pour vous ?
MLK : Je trouve que c’est fantastique que lui-même et son message soient connus, mais pour moi la chose la plus importante est que la communauté internationale s’engage à continuer son œuvre. Parce que, quand nous voyons ce qui se passe dans le monde et pas seulement aux Etats-Unis, en matière de pauvreté, il ne s’agit plus de 36 millions mais de plusieurs milliards de personnes. Cette planète est assez grande et pleine de ressources pour qu’au cours des 25 ou 30 prochaines années nous puissions éradiquer la pauvreté.
S’il y’avait ce genre d’engagement de la communauté internationale, cela serait un extraordinaire hommage à la mémoire de Martin Luther King : éradiquer la pauvreté et certaines maladie et protéger notre environnement ! Une des façons d’y arriver et que beaucoup de gens fassent un petit quelque chose. Nous n’avons pas assez de gens qui en font assez. Il y’en a quelques uns qui font des choses formidables, mais il faut qu’il y’en ait énormément qui fassent un peu pour que les choses changent dans le monde.