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Otages en Colombie

La mission humanitaire française face à un mur

par Jean-Pierre Boris

Article publié le 07/04/2008 Dernière mise à jour le 07/04/2008 à 14:27 TU

Le Falcon 50 français est stationné à l'aéroport militaire de Catam à Bogota depuis le 2 avril.(Photo : Reuters)

Le Falcon 50 français est stationné à l'aéroport militaire de Catam à Bogota depuis le 2 avril.
(Photo : Reuters)

Les chances de succès de la mission humanitaire française en Colombie semblent de plus en plus minces. Cette mission se trouve en Colombie depuis mercredi 2 avril 2008 pour tenter de porter assistance à Ingrid Betancourt, détenue depuis plus de six ans par la guérilla des FARC. Deux médecins et deux diplomates, un Français et un Suisse, sont arrivés à bord d’un avion Falcon 50. Depuis leur arrivée, ils rongent leur frein…

Lundi 7 avril au matin, interrogé sur la chaine de télévision française LCI, le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, affirmait « avoir le sentiment » qu’Ingrid Betancourt était « en vie » et qu’elle se portait « mieux qu’on ne l’avait dit ». Le chef de la diplomatie française se refusait à donner l’origine de cette information qui pourrait donner à croire que le gouvernement français a réussi à rétablir le contact avec le secrétariat des FARC. Et il s’empressait de préciser qu’il « pouvait se tromper ». Les informations de Bernard Kouchner ne sont donc pas sûres. Il n’est d’ailleurs pas exagéré de dire que l’action humanitaire française se déroule dans un brouillard total.

Depuis que le Falcon 50 s’est posé sur le tarmac de l’aéroport militaire de Bogota, mercredi 2 avril, aucune information n’a pu être obtenue sur l’état de santé ou la localisation de l’ancienne candidate à la présidence de la Colombie. Malgré les affirmations de sa famille parisienne, son ex-mari Fabrice Delloye, son fils Lorenzo, il n’est pas certain qu’Ingrid Betancourt soit à l’article de la mort. S’il est patent que la prisonnière est atteinte d’une hépatite B contractée avant son enlèvement et que ses conditions de vie ne peuvent que favoriser une aggravation de son état, si les témoignages d’anciens otages l’ayant cotoyée récemment et ayant témoigné de sa faiblesse chronique ne peuvent être mis en doute, aucune information médicale fiable n’est sortie de la jungle colombienne.

Les FARC se taisent obstinément

Ce silence témoigne du refus des FARC d’engager le moindre dialogue avec qui que ce soit. La guérilla colombienne considère avoir fait un gros effort en libérant unilatéralement six otages au cours des mois passés. Elle n’ira pas plus loin. Dans un texte publié dimanche 6 avril sur le site internet de l’Agence de presse bolivarienne, proche des FARC, on peut ainsi lire que « plutôt que des hélicoptères pour préparer le transfert des otages et s’occuper de leur santé, ils (les Français) devraient faire les efforts nécessaires pour que les gouvernements de Bogota et de Washington consentent à libérer sans préalable les guérilleros et les politiques de gauche détenus en Colombie comme aux Etats-Unis ». « Sarkozy doit utiliser ses bons contacts avec les Américains » poursuit ce texte « …..pour qu’ils cessent de s’opposer au retour chez eux des politiques et des militaires aux mains des FARC comme ceux détenus dans les prisons du régime ».

En clair, la guérilla colombienne considère que la balle est dans le camp des gouvernements français, colombien et américain. Les FARC n’ont pas renoncé à leur exigence d’une négociation politique avant toute nouvelle libération. Négociation politique qui passe par la « démilitarisation » de la zone de Pradra, au cœur des Andes colombiennes, mesure qu’Alvaro Uribe refuse depuis toujours.

Chavez refuse d’intervenir

La mission humanitaire française se heurte donc à un mur. Pire encore, les médiateurs habituels refusent de s’en mêler. Le président vénézuélien Hugo Chavez, contacté par Nicolas Sarkozy, s’est dit prêt à jouer les entremetteurs. Mais c’était aussitôt pour  préciser qu’il ne voulait pas mettre en danger les négociateurs des FARC et qu’il ne prendrait donc pas contact avec eux. Sans contact, pas de négociation possible ! Cette prudence vénézuélienne s’explique par les circonstances de la mort du numéro deux de la guérilla Raul Reyes. Celui-ci a été tué lors d’un bombardement par l’aviation colombienne, du camp dans lequel il se trouvait, en territoire équatorien.

Selon le texte publié par l’Agence de presse bolivienne ce lundi 7 avril 2008, « Raul Reyes s’était déplacé en Equateur, à la recherche des meilleures conditions pour recevoir une mission du gouvernement français qui souhaitait entrer en contact le secrétariat des FARC pour obtenir la libération d’Ingrid Betancourt ». Or, selon certaines informations, Raul Reyes aurait été localisé parce qu’il était au téléphone avec un émissaire français. Les Américains auraient détecté la conversation téléphonique et fourni les coordonnées de Reyes aux militaires colombiens qui n’auraient eu qu’à ajuster le tir. Hugo Chavez ne veut pas renouveler l’expérience avec un autre dirigeant de la guérilla des FARC.

Uribe tient le cap

Le président vénézuélien a de plus ajouté qu’il ne s’entremettrait qu’avec le feu vert du chef de l’Etat colombien Alvaro Uribe. C’est donc une très diplomatique fin de non recevoir qu’il a opposé à la demande d’intervention qui lui était adressée par le président de la République française. La même position a été adoptée, grosso modo, par la sénatrice colombienne Piedad Cordoba qui ne jouera aucun rôle sans l’autorisation du président Uribe. Comme pour souligner qu’elle était sans contact avec les FARC, la sénatrice a précisé, samedi 5 avril, qu’elle n’avait aucune nouvelle de la situation dans laquelle se trouvait précisément Ingrid Betancourt.

Malgré ces camouflets en série, la diplomatie française persiste et signe. Le ministère des Affaires étrangères précisait, lundi 7 avril, que la mission humanitaire restait en Colombie et que la France restait pleinement mobilisée pour la libération d’Ingrid Betancourt et des autres otages.

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