par Frédérique Misslin
Article publié le 08/04/2008 Dernière mise à jour le 09/04/2008 à 10:57 TU
Saddam Hussein à été capturé le 13 décembre 2003 dans le nord de l’Irak, près de son fief, Tikrit.
(Phot : AFP)
Des GI’s pénétrant dans de somptueux palais vides, une capitale livrée aux chars américains, une armée irakienne en déroute et des scènes de pillage, le 9 avril 2003 le règne de Saddam Hussein s’achevait. Les forces de la coalition atteignaient le cœur de Bagdad. Juste avant de disparaître, le dictateur irakien s’était accordé un ultime bain de foule. Cette courte apparition, pour l’honneur, avait été filmée par la télévision d’Etat et avait signé la fin de l’ère Saddam. Quelques heures plus tard, des Irakiens en liesse s’attaquaient à la statue de bronze du raïs, place Ferdaous. Le monument avait été déboulonné, piétiné devant les caméras du monde entier. La cavale de Saddam Hussein s’achève en décembre 2003, le dictateur sera pendu 3 ans plus tard.
L’offensive contre le régime irakien n’aura duré que 3 semaines. Les soldats américains se souviennent avoir été accueillis avec des fleurs et des chants de joie par la population. 5 ans plus tard, ce sont des cris de haine qui résonnent contre l’occupant. La plus puissante armée du monde semble piégée, sa victoire éclair s’est transformée en bataille quotidienne contre les insurgés sunnites, les milices chiites et les combattants d’al-Qaïda.
Evaluation prudente
Près de 160 000 soldats américains sont toujours déployés en Irak et l’idée d’un retrait à courte échéance ne semble pas à l’ordre du jour. La situation sécuritaire s’est légèrement améliorée ces derniers mois grâce à l’opération « Surge » (La Déferlante) consistant à envoyer des renforts de troupes. Ces hommes seront maintenus sur place. C’est ce qu’ont préconisé devant le Congrès, à Washington, le commandant en chef des forces américaines en Irak et l’ambassadeur américain à Bagdad. Ryan Crocker et le général David Petraeus pointent du doigt l’Iran, qui selon eux jouerait un « rôle destructeur en Irak ». Ils préconisent également une pause de 45 jours, à partir du mois de juillet, dans la réduction des effectifs militaires car « les progrès en Irak sont fragiles et réversibles ». Effectivement, sur le terrain, la situation n’incite guère à l’optimisme. Les experts s’accordent à dire que les progrès politiques sont irréguliers et superficiels. L’Institut de la paix américain (USIP) estime par exemple que « l’Irak souffre aujourd’hui d’un gouvernement central faible et divisé qui a finalement peu de capacité à gouverner ».
Combats à Sadr City
Le gouvernement irakien est engagé depuis fin mars dans un bras de fer avec le mouvement de Moqtada Sadr et ses miliciens de l’Armée du Mahdi. De violents combats ont opposé les forces régulières irakiennes, appuyées par l’armée américaine, aux hommes du leader radical chiite. Les affrontements ont eu lieu à Bassorah mais aussi à Bagdad dans l’immense quartier chiite de Sadr City. L’ONU a dénombré 700 morts. Appelé par le gouvernement à démanteler sa milice qui respectait une trêve depuis l’été dernier, Moqtada Sadr a annoncé qu’il allait réfléchir, prendre conseil auprès des principaux responsables du clergé chiite (le grand ayatollah Ali Sistani et les mollahs iraniens de Qom). Moqtada Sadr affirme qu’il se conformera à la décision de ces religieux. Mais le Premier ministre Nouri al-Maliki laisse peu de choix aux sadristes. Il menace de les exclure du jeu politique à 6 mois d’élections provinciales importantes. Or le mouvement de Moqtada Sadr compte bien participer à ce scrutin crucial puisqu’il a de bonnes chances de battre les autres formations chiites, notamment dans le sud de l’Irak.
Perspectives politiques incertaines
Des combattants de l'Armée du Mahdi de Moqtada Sadr lèvent leurs armes et dansent, le temps d'une pause entre deux combats, à Bassorah, à 550 km au sud de Bagdad, le 28 mars 2008.
(Photo : Reuters)
Cette volonté d’écarter des milliers de partisans du jeune imam chiite de la vie politique accentue les divisions au sein de la majorité chiite. Moqtada Sadr a annulé une grande manifestation prévue ce mercredi à l’occasion du 5eme anniversaire de l’entrée des troupes américaines dans la capitale irakienne. « J’invite les Irakiens bien aimés qui souhaitent manifester contre l’occupation à reporter cette marche car je crains pour eux et me soucie d’épargner leur sang », a fait savoir le jeune chef religieux qui menace par ailleurs de reprendre les armes. Moqtada Sadr a formé l’Armée du Madhi juste après l’invasion de l’Irak en 2003. Sa milice s’est soulevée à deux reprises en 2004 mais avait ensuite soutenu l’accession au pouvoir de Nouri al-Maliki avant de claquer la porte du gouvernement. Les sadristes réclamaient notamment qu’un calendrier de retrait des troupes américaines soit fixé. Les récents affrontements montrent que l’Armée du Madhi n’a pas l’intention de plier, que la réconciliation entre factions irakiennes n’est pas encore à l’ordre du jour et que l’ombre de la partition menace toujours l’Irak.
A écouter
« Les Américains ont décidé de s’appuyer sur une milice sunnite, la milice du réveil (…) qu’ils ont décidée d’armer, de payer et cela a permis, dans certaines régions de revenir à une situation à peu près calme ».
09/04/2008 par Lucas Menget
« Notre objectif, mon objectif, c'est que l'Irak n'ait plus besoin des troupes américaines.»
08/04/2008 par Congrès américain
A lire
09/04/2008 à 06:55 TU