Article publié le 11/04/2008 Dernière mise à jour le 11/04/2008 à 01:37 TU
De notre correspondant en Turquie, Jérôme Bastion
Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, devant le Parlement turc.
(Photo : Reuters)
En période de tension extrême entre le parti de gouvernement et l’opposition laïque ou ultranationaliste, l’exercice auquel devait se livrer M. Barroso n’était pas aisé. Apporter un soutien discret au gouvernement de M. Erdogan, de plus en plus isolé et fragilisé par une procédure d’interdiction actuellement instruite par la Cour constitutionnelle, tout en ne paraissant pas prendre parti dans un débat politique interne passionné.
Mais au moment où le Parlement examine un amendement du terrible article 301 du code pénal (punissant lourdement « l’insulte à l’identité turque », dont sont victimes nombre de journalistes et écrivains), cette visite ne pouvait pas mieux tomber pour tenter de sauver la première réforme pro-européenne marquante – et réclamée avec insistance par Bruxelles – qu’entreprend le gouvernement depuis près... de quatre ans !
Modifications mineures
Manque de chance : l’opposition a bloqué la tenue de la réunion de la commission des lois qui devait se réunir ce jeudi pour en débattre, ce qui aurait été une preuve de la bonne foi du Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir. José Manuel Barroso n’a donc pu que se féliciter d’apprendre que « le Parlement travaillerait bientôt sur le sujet ».
Et encore, la révision ne prévoit-elle que des modifications mineures des dispositions actuelles, alors que la Commission européenne comme les défenseurs des droits de l’homme souhaiterait son abrogation pure et simple.
L’opposition parlementaire avait réservé d’autres petites surprises désagréables au « Premier Européen » : pas question de lui ouvrir un bureau pour ses entretiens – et donc de s’y rendre à son invitation – dans le bâtiment du Parlement, ce serait à lui de visiter les différents chefs de partis dans leurs salons respectifs.
Politiquement correcte
Et surtout, le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate) et le Parti de l’action nationaliste (MHP, ultranationaliste) avaient prévenu qu’ils ne tolèreraient pas que l’on évoque la procédure en cours où l’AKP risque d’être interdit et ses dirigeants bannis de politique, au risque pour eux de quitter la séance plénière.
L’adresse de M. Barroso aux députés turcs s’est donc voulue « politiquement correcte », très en retrait par rapport à une interview donnée quelques heures plus tôt où il disait espérer que le verdict de la Cour constitutionnelle « serait un jugement rendu dans le cadre des principes de l'état de droit et de la démocratie », ajoutant que « il n'est pas normal que le parti majoritaire au Parlement, élu par la voie démocratique, soit soumis à un tel processus ».
Devant les députés, puis en tête à tête avec les chefs de partis, il s’est abstenu de toute critique, de toute dénonciation. Car son but était avant tout de remotiver.