par RFI
Article publié le 17/04/2008 Dernière mise à jour le 21/04/2008 à 15:51 TU
Le poète et homme politique martiniquais s’est éteint ce 17 avril 2008 à l’âge de 94 ans. Aimé Césaire s'était retiré de la vie politique depuis quelques années, mais il reste une figure incontournable de l'Histoire martiniquaise et l'un des derniers fondateurs vivants de la pensée de la négritude. Retour sur l’itinéraire de l’un des plus grands poètes du 20e siècle, dont la vision du monde et l’énergie créatrice ont marqué à jamais la littérature antillaise et mondiale.
Son père, instituteur, disait de lui, déjà à l’époque, enfant : « Quand Aimé parle, la grammaire française sourit. » Et c’est auréolé du prix de l’élève le plus méritant qu’il débarque, le bac en poche, à Paris, en 1931, au lycée Louis-le-Grand puis ensuite à l’Ecole normale supérieure.
C’est dans les couloirs du lycée qu’il croise Léopold Sédar Senghor et Léon Gontran Damas. Ensemble, ils vont fonder la revue L’Etudiant Noir en 1934.
Sa rencontre avec Léopold Sédar Senghor
« La présence de Senghor a réveillé en moi le nègre fondamental »
Entretien réalisé en Septembre 1997
Césaire déposera sur un cahier d’écolier les mots de la révolte, de la colère, et de la quête identitaire, donnant ainsi naissance à son œuvre poétique majeure : Le cahier d’un retour au pays natal publié en 1939, un pamphlet à la forme d’un long poème écrit au vitriol, un cri de révolte et de désespoir, un texte qui va accélérer la prise de conscience et les luttes pour les indépendances en Afrique.
Sa définition de la négritude (septembre 1997)
« La négritude, c'était une somme de souffrances... »
Entretien réalisé en Septembre 1997
Il s’engage en politique dans les rangs du Parti communiste français, qu’il quittera en 1956 pour fonder deux ans plus tard le Parti progressiste martiniquais, le PPM. Il sera député de la Martinique et maire de Fort-de-France pendant plus de 50 ans.
« L'engagement. C'est le mot-clé de la vie d'Aimé Césaire. »
Sa pensée se trouve au carrefour de trois influences : la philosophie des Lumières, le panafricanisme et le marxisme. Son combat peut se résumer dans cette phrase, qui est de lui : « Je suis un Martiniquais, un Africain transporté, mais je suis avant tout un homme, et un homme qui veut l’accomplissement de l’humanité de l’homme. »
Une vision du monde et un idéal auxquels il est resté fidèle jusqu’au bout. Et jusqu’au bout il a gardé l’esprit vif, la mémoire alerte, le verbe choisi. Une vie magistrale jusqu’« au bout du petit matin », comme le dit si bien son poème.
Lu par Edouard Maunick
Césaire et la négritude |
Il faut rendre à Césaire ce qui est à Césaire. Nous sommes à la fin des années 20, dans ce quartier du 6e arrondissement de Paris, le quartier latin. Des étudiants noirs originaires d’Afrique, d’Amérique, des Antilles s’y retrouvent pour faire des études ; des jeunes qui souffrent d’un mépris de la part de leurs camarades qui n’ont aucune connaissance des cultures de tous ces Noirs. C’est dans ce contexte plus ou moins hostile de racisme que Senghor rencontre Césaire. Puis, ensemble, ils vont croiser le guyanais Damas, le malgache Rabemanajara. Ils vont prendre l’habitude se voir, de discuter et de consigner leur révolte dans une revue qui s’appelait L’Etudiant noir. C’est dans les colonnes de cette revue qu’est apparu le mot « négritude » pour la 1ère fois sous la plume de Césaire en 1932. Pour lui, négritude signifiait le simple fait d’être noir et d’accepter son destin de colonisé et d’opprimé. Son Cahier d’un retour au pays natal sera le texte fondateur de la négritude, mais c’est le recueil Pigments de Léon Gontran Damas qui est considéré comme l’œuvre du mouvement de la négritude. On pense que c’est Damas qui est le précurseur et que Césaire, et ensuite Senghor, vont s’inspirer de cette contestation circonstancielle pour créer un vrai concept, théorisé par Senghor, qui va utiliser à son tour la négritude comme un néologisme identitaire. La négritude est donc une œuvre collective qui appartient à chacun des trois mousquetaires. Sans l’esprit de tous, le mot n’aurait sans doute jamais germé de la pensée de Césaire. Le feu sacré avait donc plusieurs tisons : la négritude combattive de Damas et Césaire, celle plus humaniste de Senghor, une négritude plus intellectuelle qui concerne tous les peuples. Ce concept en mouvement va d’ailleurs évoluer vers l’arabité, la judaïté, et le métissage universel. |
Retrouvez Aimé Césaire dans les archives sonores en ligne de RFI
(à écouter ou à télécharger)
- Portrait d'Aimé Césaire - Archives d'Afrique par Alain Foka (04/05/2007)
- Senghor, Césaire et Damas, chantés par Bernard Ascal - Cahiers nomades par Sophie Ekoué (23/10/2006)
- La marche du monde en Martinique avec Aimé Césaire, par Valérie Nivelon (04/08/2006)
- Théâtre : « Discours sur le colonialisme » d'Aimé Césaire - Plein Sud par Amobé Mévégué (01/08/2006)
- Culture vive - Spéciale Aimé Césaire par Pascal Paradou (02/01/2006)
Extraits d'Ecrivains francophones d'aujourd'hui, une série réalisée avec la Bibliothèque francophone multimédia de Limoges :
Entretien avec l'écrivain
Avec Romuald Fonkoua, Maryse Condé, Raphaël Confiant et Edouard Maunick
Avec Romuald Fonkoua et Aminata Traoré
Vidéos
Aimé Césaire dans les archives de l'INA
La négritude dans les archives de l'INA (1963)
Bibliographie
Oeuvres principales:
Oeuvres complètes. (1. Poèmes; 2. Théâtre; 3. Oeuvre historique et poétique). Fort-de-France: Desormeaux, 1976.
Essais:
Discours sur le colonialisme. Paris: Présence Africaine, 1955.
Toussaint Louverture; La Révolution française et le problème colonial. Paris: Présence Africaine, 1961/62.
Poésie:
Cahier d'un retour au pays natal. Paris: Présence Africaine, 1939, 1960.
Soleil Cou Coupé. Paris: Éd. K, 1948.
Corps perdu. (gravures de Pablo Picasso) Paris: Éditions Fragrance, 1950.
Ferrements. Paris: Seuil, 1960, 1991.
Cadastre. Paris: Seuil, 1961.
Les Armes miraculeuses. Paris: Gallimard, 1970.
Moi Laminaire. Paris: Seuil, 1982.
La Poésie. Paris: Seuil, 1994.
Théâtre:
Et les Chiens se taisaient, tragédie: arrangement théâtral. Paris: Présence Africaine, 1958, 1997.
La Tragédie du roi Christophe. Paris: Présence Africaine, 1963, 1993.
Une Tempête, d'après La tempête de Shakespeare: adaptation pour un théâtre nègre. Paris: Seuil, 1969, 1997.
Une Saison au Congo. Paris: Seuil, 1966, 2001.
Dossier Langue française
Réactions
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