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Crise alimentaire mondiale

La Mauritanie annonce un plan d’urgence face à la hausse du coût de la vie

Article publié le 16/04/2008 Dernière mise à jour le 16/04/2008 à 10:19 TU

Le centre ville de Nouakchott avec ses boutiques et ses charettes tirées par des ânes.(Photo : M. Rivière/RFI)

Le centre ville de Nouakchott avec ses boutiques et ses charettes tirées par des ânes.
(Photo : M. Rivière/RFI)

Subvention des prix de l’électricité et du gaz, suppression des taxes douanières sur le riz, création de banques de céréales, voici quelques-unes des mesures phares annoncées le 6 avril dernier par le chef de l’Etat mauritanien. Sidi Mohamed ould Cheikh Abdallahi a décidé de lancer un vaste plan d’urgence pour faire face à l’insécurité alimentaire qui menace le pays.

De notre correspondante à Nouakchott, Manon Rivière

« C’est très dur ! Tout a augmenté ! », lâche Fatimata, une bouteille de gaz vissée sur le haut de la tête. Cette mère de cinq enfants assume seule les fonctions de chef de famille et habite dans une petite maison du quartier populaire de Médina 3, à Nouakchott. « Avant, poursuit-elle, le kilo de lait en poudre coûtait 1000 ouguiyas (2,60 euros). Désormais, il faut débourser 1500 ouguiyas (4 euros) ! Depuis que le président Sidi est arrivé au pouvoir, tout est devenu très cher. Et nos salaires, eux, n’ont pas augmenté ».

Phénomène mondial

Comme tous les pays d’Afrique dépendant des importations, la Mauritanie a connu de vertigineuses hausses de prix ces derniers mois. Selon les chiffres officiels, la tonne de riz a augmenté de 78% en un an, tandis que le prix de la tonne de blé a quasiment doublé. « Ce phénomène s’explique par plusieurs facteurs, détaille un cadre du ministère des Finances. D’abord bien sûr, la hausse du prix du baril de pétrole pèse sur les importations. A cela s’ajoute la rareté des ressources au niveau mondial : les terres utilisées autrefois pour faire pousser le riz ou le blé sont de plus en plus destinées aux cultures de agrocarburants. Sans oublier que le marché devient de plus en plus vaste et qu’il n’y a pas assez de réserve pour tout le monde, surtout quand les Chinois se mettent à devenir friands de pain, ou que les Indiens taxent leurs exportations de riz ! Ce qui se passe actuellement en Mauritanie est un phénomène mondial ».

Problème du logement

Si les produits de première nécessité augmentent, les revenus des ménages peinent à suivre. Ainsi, lundi dernier, le syndicat national de l’enseignement supérieur a entamé un vaste mouvement de grève pour réclamer –entre autres- des hausses de salaires. « Nous voulons aussi que le gouvernement aide les professeurs à accéder au logement, par exemple par le biais de crédits garantis », explique Diagana Yacouba, enseignant à la faculté de sciences et techniques. A Nouakchott, le logement est en effet devenu problématique pour certaines catégories de population. « Moi, je gagne 25.000 ouguiyas par mois (66 euros) en tant que jardinier, mais je dépense pas moins de 9000 ouguiyas (24 euros) pour mon loyer », raconte Moussa, un jeune Mauritanien qui vit dans une petite pièce toute simple du 5ème arrondissement de la capitale. « Ma femme vit au Sénégal chez ses parents. Je ne peux pas la faire venir ici, car je ne gagne pas assez bien ma vie », déplore-t-il.

Les étrangers, notamment les Sénégalais et les Maliens, qui avaient l’habitude de faire du commerce en Mauritanie, ressentent également la crise. « A cause du terrorisme, les touristes ne viennent plus ici, déplore Djibril, un de ces jeunes vendeurs qui parcourt la ville du matin au soir, les bras chargés de chemises et pantalons colorés. Je n’ai pas vendu un seul article depuis trois jours, du coup, je n’ai rien à manger ».

Mesures d’urgence

Le 23 mars, le Programme alimentaire mondial avait lancé un cri d’alarme concernant la situation en Mauritanie. A l’issue d’une étude, réalisée conjointement avec le gouvernement mauritanien, le PAM a révélé qu’entre juillet 2007 et mars 2008, le nombre de familles frappées par l’insécurité alimentaire s’était accru de 15%. Gian Carlo Cirri, le représentant de l’institution onusienne à Nouakchott, a également annoncé que le PAM lui-même souffrait d’un déficit de 6 400 tonnes pour les cinq mois à venir, pour cette délicate période dite « de soudure », qui précède la saison des pluies.

C’est dans ce contexte que le chef de l’Etat mauritanien s’est décidé début avril à engager un vaste plan d’urgence. Détaxe à l’importation du riz, stabilisation du prix du blé, subvention des tarifs de l‘eau, du gaz et de l’électricité, ou encore ouverture de banques de céréales à l’intérieur du pays… voici quelques-unes des mesures annoncées. « 89 000 tonnes de blé seront mis à la disposition des populations durant les 6 mois que durera ce plan d’urgence », a précisé le directeur général de la Sonimex, la Société nationale d’importation et d’exportation, ajoutant que 1 400 tonnes de blé avaient déjà été acheminées à l’intérieur du pays. D’un montant global de 75 millions d’euros, ce programme sera entièrement financé par les ressources propres de l’Etat.

Disparités

Malgré un discours ambiant très imprégné des questions relatives au coût de la vie, certains Nouakchottois semblent relativement épargnés. Dans sa boutique du centre ville, Sidi avoue qu’il n’est pas le plus à plaindre. Bien situé, à proximité d’un lycée et d’immeubles de bureaux, son magasin récupère en effet une clientèle relativement aisée, qui n’hésite pas à débourser plus, pour éviter d’aller au supermarché. « Les prix, ça augmente, ça baisse, c’est tout le temps fluctuant. Aujourd’hui pas plus qu’hier ! En fait, ça dépend aussi de la qualité des produits. Si les pommes sont belles, c’est normal qu’elles soient chères ! ».

Vente de poisson au port artisanal de Nouakchott. Les pêcheurs ne semblent pas trop souffrir des variations de prix.
(Photo : M. Rivière/RFI)

Vente de poisson au port artisanal de Nouakchott. Les pêcheurs ne semblent pas trop souffrir des variations de prix.
(Photo : M. Rivière/RFI)

Au port artisanal, à quelques kilomètres du centre-ville, l’ambiance est joviale à l’heure de la criée. Malgré le drapeau rouge qui signale le danger, les pêcheurs sont sortis en mer aujourd’hui. « Les prix du poissons varient en fonction du temps, explique Djibi, pêcheur sénégalais. Si tu as un bon vent, tu ramènes plein de poissons et donc le prix n’est pas très élevé. Bien sûr, si la pêche a été mauvaise, le prix monte ». D’un étal à l’autre, le kilo de daurade se négocie aux alentours de 1 euro et il faut compter 1,20 euro pour un kilo de lotte. « Nous faisons un métier difficile, conclut Djibi, mais ça va quand même. Car les gens viendront toujours acheter le poisson, même si c’est cher ! ».