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Paraguay

L'alternance probable

Article publié le 19/04/2008 Dernière mise à jour le 20/04/2008 à 22:52 TU

Le palais présidentiel à Asunción, capitale du Paraguay.
(Source: Flickr.com)

Le palais présidentiel à Asunción, capitale du Paraguay.
(Source: Flickr.com)

Les Paraguayens ont voté pour choisir des sénateurs, des députés et les gouverneurs de départements mais surtout un nouveau président de la République. L´opposition a une chance inédite de l´emporter. Les sondages sortie des urnes donne la coalition de gauche gagnante.

De notre envoyée spéciale à Asuncion, Annie Gasnier

Les trois candidats à l'élection présidentielle: (de gauche à droite) Fernando Lugo, Blanca Ovelar et Lino Oviedo.(Photo: Reuters)

Les trois candidats à l'élection présidentielle: (de gauche à droite) Fernando Lugo, Blanca Ovelar et Lino Oviedo.
(Photo: Reuters)

Un ex-évêque, une ex-ministre et un ex-général putchiste, se disputent la présidence du Paraguay. En un seul tour. Dans ce petit pays pauvre, enclavé au centre géographique de l´Amérique du Sud, tout semble favoriser le pouvoir en place depuis six décennies, mais l´opposition a dominé la campagne, et pourrait créer la surprise.

« Les jours sont comptés pour les voleurs de la patrie qui ont pris en otage les espoirs du pays », a promis le symbole de l´alternative, Fernando Lugo lors du dernier meeting de l´Alliance patriotique pour le changement, union d´organisations sociales, syndicales, d´extrême gauche et du traditionnel Parti libéral. Charmée par la voix chaude de son candidat, la foule l´acclamait avec ferveur : « Se siente, se siente, Lugo presidente (Il arrive, il arrive, le président Lugo) », slogan traditionnel de la gauche latino-américaine.

Renée Fregosi à propos du candidat de gauche Fernando Lugo

Chercheuse à l'Institut des hautes études sur l'Amérique Latine

« Il apparaît un peu comme un homme providentiel extrêmement populaire [...] il est soutenu par la gauche dans sa plus grande pluralité. »

écouter 1 min 6 sec

19/04/2008 par Michèle Gayral

Attendu sur l´estrade comme un messie, l´ancien évêque portait en écharpe le drapeau paraguayen, comme une étole religieuse. « Dimanche, nous allons ressusciter le peuple », lançait cet homme doué d´un grand charisme, qui a servi l´Eglise pendant 30 ans et semble, à chaque discours, prêcher. Ses adversaires lui reprochent d´avoir trahi son vœu sacerdotal, mais l´ex-Mgr Lugo affirme que l´exercice de son ministère à San Pedro, l´un des départements les plus pauvres du pays, l´a incité à vouloir gouverner pour les défavorisés. Le Vatican n´approuve pas le choix de cet homme de 57 ans, né dans une modeste famille rurale, qui a longtemps étudié la théologie de la libération, « l´option préférencielle pour les pauvres » prônée par des prélats latino-américains.

« Ce sera difficile, mais il faut croire à la victoire, expliquait la quinquagénaire Myriam Chamoro. Je me bats depuis l´âge de 16 ans ; avant, contre la dictature de Stroessner, qui m´a torturée, et maintenant contre cette pseudo-démocratie ».

Les Colorados ont senti le danger, et tout au long de leur campagne, ils n´ont eu de cesse de diaboliser l´ancien évêque, grimé en diable sur leurs affiches placardées dans la capitale. Le président sortant, Nicanor Duarte, a appelé les « âmes Coloradas » à « défendre leur vote comme leur propre vie ». Vêtue de rouge, couleur d´un parti colorado fier de ses 1,5 millions d´adhérents, Blanca Ovelar tentait avec sa grosse voix, d´émouvoir les personnes venues assister au dernier rassemblement de sa campagne.

Usant d´une rhétorique vieillie, « le noble peuple colorado, rencontré sur les chemins poussiéreux de la patrie », et du guarani, la langue des campagnes, Blanca Ovelar s´est dite « certaine d´entrer dans l´histoire, en tant que première femme à occuper le palais Lopez », où siège le chef de l´Etat. Contestée dans son parti aujourd´hui très divisé, Blanca Ovelar souffre d´être vue comme la marionnette d´un président qui n´a guère envie de laisser sa place, mais que la Constitution n´autorisait pas à se représenter.

« Je vais voter pour Blanca, car "mieux vaut un mauvais élu connu qu´un mauvais inconnu", mais le gouvernement doit améliorer la santé et l´éducation », avouait Orlando Vasquez, enveloppé dans son drapeau colorado.

Après cinq ans de pouvoir, Nicanor Duarte est fort peu populaire, mais la santé économique du Paraguay s´est améliorée. Grâce à la hausse internationale des prix des produits agricoles, l´économie rurale a généré une croissance de 6,7% du PIB en 2007. La population n´en a pas profité, la pauvreté affecte la moitié des six millions d´habitants.

Dissident des colorados, l´ex-général Lino Oviedo a montré qu´il est un candidat très populaire, notamment dans le monde paysan. L´homme qui a participé au renversement d´Alfredo Stroessner en 1989, est en liberté provisoire, accusé de l´assassinat du vice-président Argana en 1999. Son passé colorado et son discours contre « le cancer de la corruption » gêne ses deux adversaires, car il empiète sur leurs électorats. Dernier acte de sa campagne, suivi par des milliers de fidèles, une prière à la basilique Notre Dame de Caacupé, la Vierge des miracles.

Des miracles dans les urnes, il y en a au Paraguay depuis 1993, année de la première élection démocratique. Toujours en faveur du Parti colorado. Toujours donné perdant, toujours vainqueur.

Humbert Solente

Président de la chambre de commerce franco-paraguayenne á Asunción

« Les possibilités économiques du pays sont tout à fait réelles. »

écouter 0 min 52 sec

19/04/2008 par Annie Gasnier