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Crise alimentaire mondiale

Les subventions agricoles au banc des accusés

par François Cardona

Article publié le 21/04/2008 Dernière mise à jour le 21/04/2008 à 17:18 TU

Les subventions que versent les pays riches à leurs agriculteurs sont de nouveau au cœur de la polémique. Les Etats-Unis et l’Union européenne ont été accusés par Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, de «pénaliser les pays pauvres et de contribuer à l’urgence actuelle». Après les biocarburants, les subventions agricoles seraient responsables de l’aggravation de la crise alimentaire mondiale.

 Moisson dans la Beauce.(Photo: AFP)

Moisson dans la Beauce.
(Photo: AFP)

« Il est temps pour les nations les plus riches de repenser leurs programmes démodés de subventions agricoles » : l’appel a été lancé par Ban Ki-moon, ce dimanche, depuis Accra, où se tient la 12ème Conférence de l’ONU sur le commerce et le développement (Cnuced). Les Etats-Unis et l’Union européenne sont particulièrement visés par cette attaque, alors que la crise alimentaire enfle et « pose une menace pour la stabilité de nombreux pays en voie de développement », comme l’a souligné le secrétaire général des Nations unies, dès son arrivée dans la capitale ghanéenne.

« Pratiques protectionnistes des pays riches »

Cet argument en faveur d’une suppression des subventions agricoles a été repris à la tribune par Luiz Inacio Lula da Silva, dont le pays milite depuis des années dans ce sens. Ce dimanche, le président brésilien a lancé : « Les principales victimes [des subventions] sont les fermiers les plus pauvres », et il a ajouté « nous devons rester vigilants face à la tentation de pratiques protectionnistes des pays riches ».

Les Etats-Unis et l’Union européenne dépensent en effet de lourdes sommes tous les ans pour soutenir leurs agriculteurs, concurrencés par les producteurs des pays du sud. Les marchés américains et européens se protègent également des importations agricoles et agroalimentaires, en imposant des droits de douanes et des taxes élevés aux produits étrangers. Deux pratiques aujourd’hui mises en cause par les pays du Sud et par l’ONU, qui les accusent d’aggraver la crise alimentaire mondiale.

Subventions et protections douanières

L’Union Européenne consacre environ 40% de son budget à sa Politique agricole commune (PAC), soit environ 50 milliards d’euros, dont une partie est distribuée aux agriculteurs européens sous forme de subventions. De l’autre côté de l’Atlantique, les Etats-Unis consacrent environ 90 milliards d’euros au soutien de leur secteur agricole. UE et Etats-Unis pratiquent également des droits de douane très élevés, afin de décourager les importations sur leurs marchés respectifs. L’Union Européenne impose par exemple des taxes qui peuvent s’élever jusqu’à 430% sur certains produits agroalimentaires.

Ces mesures s’apparentent à de la concurrence déloyale clament les pays du Sud, comme l’Inde et le Brésil. Et au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ils tentent d’obliger les Etats-Unis et l’Union européenne à diminuer leurs aides aux agriculteurs ainsi que leurs barrières douanières.

 Ferme de Wayembam au Sénégal.(Photo : AFP)

Ferme de Wayembam au Sénégal.
(Photo : AFP)

Or les négociations du cycle de Doha, entamées en 2004 et qui doivent théoriquement aboutir à une plus grande libéralisation des marchés agricoles, sont au point mort, précisément en raison d’un affrontement « Nord-Sud » sur cette question.

 UE « puissance agricole forte » ?

Les plaidoiries brésiliennes et onusiennes en faveur d’une baisse, voire d’une suppression, des subventions agricoles, interviennent également alors que l’Union européenne procède actuellement à un « bilan de santé » de sa Politique agricole commune, dont le budget pourrait être sensiblement réduit après 2013. Ce qui ne satisfait pas les grands pays agricoles européens, au premier rang desquels la France (premier producteur agricole de l’UE), dont le ministre de l’Agriculture, Michel Barnier, a de nouveau appelé la semaine dernière à une Europe « puissance agricole forte », à laquelle il propose de « produire plus et mieux ».

Les appels lancés ce dimanche depuis Accra viennent au contraire renforcer la position de la Grande-Bretagne, qui prône depuis longtemps une baisse des subventions agricoles dans l’Union européenne.

Quant à la responsabilité des subventions européenne dans la crise alimentaire mondiale évoquée par Ban Ki-moon et le président Lula, Jean-Dominique Giulani, président de la Fondation Schuman est formel : « Je ne crois pas que la politique européenne contribue à la hausse des prix, au contraire elle contribue à stabiliser le marché ». D’autant, rappelle cet expert, que l’Union européenne distribue 60% de l’aide au développement et 70% de l’aide alimentaire dans le monde.

Mais la crise alimentaire mondiale, et la réunion de la Cnuced à Accra, ont néanmoins permis au Brésilien Lula de défendre les biocarburants, dont le pays s’est fait le champion, et de condamner « les pratiques protectionnistes »  des pays du Nord.