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Energies

Biocarburants : Morales et Garcia s'opposent à Lula

par Michèle Gayral

Article publié le 22/04/2008 Dernière mise à jour le 22/04/2008 à 15:16 TU

Le président péruvien, Alan Garcia (haut g), et ses homologues le bolivien Evo Morales (haut d) et le brésilien Lula da Silva (bas c).(Photo : Reuters)

Le président péruvien, Alan Garcia (haut g), et ses homologues le bolivien Evo Morales (haut d) et le brésilien Lula da Silva (bas c).
(Photo : Reuters)

En ouvrant lundi à New York la 7ème session du Forum permanent des Nations unies sur les questions autochtones, Evo Morales n'a pas fait dans la nuance. A en croire cet Indien de l'ethnie andine Aymara, pour « sauver la terre, il faut exterminer le système capitaliste ! ». Le président bolivien s'est aussi élevé contre les agrocombustibles, que défend son homologue brésilien Lula. Au même moment, au Pérou, le président Alan Garcia s'en prenait lui aussi aux carburants d'origine végétale. De nouvelles contributions à ce débat ouvert par les émeutes de la faim.

Evo Morales n'a pas précisément cité le Brésil et son président Luiz Inacio Lula da Silva. Il a plus largement mis en cause « certains présidents sud-américains qui parlent des biocarburants sans comprendre de quoi il s'agit ». Mais l'allusion est transparente : le Brésil est, avec les Etats-Unis, le plus grand producteur mondial de ces carburants d'origine agricole. Et le géant de l'Amérique latine devrait fabriquer à partir de la canne à sucre quelque 20 milliards de litres d'éthanol cette année, destinés principalement au marché intérieur.

A la tribune des Nations unies, le président bolivien a estimé que l'utilisation croissante de terres pour la production d'agrocarburants avait fait grimper les prix des denrées alimentaires, en particulier du blé. La Bolivie compte parmi les victimes d'une situation qui « n'est pas un problème interne : c'est un problème externe ». Evo Morales s'est plaint que « les voitures de luxe passent avant les êtres humains », en réclamant plus de considération pour « notre mère la Terre », qui « n'est pas une marchandise ».

Ce lundi toujours, à Lima cette fois, le président péruvien a tenu un discours très comparable. Alan Garcia connaît actuellement une chute de popularité liée à l'inflation qui frappe le blé, le maïs et le soja, et qui s'est répercutée sur les produits de base, respectivement le pain, le poulet et l'huile. Et là encore le chef de l'Etat s'est exonéré de toute responsabilité dans la hausse brutale des prix des aliments. Ce qui a au contraire occasionné ces augmentations, selon Alan Garcia, c'est l'attitude de beaucoup d'autres pays « qui, pour combattre le prix du pétrole, ont commencé à destiner un nombre élevé d'hectares agricoles à la fabrication de biodiesel à partir de produits végétaux ». Le président péruvien a appelé les gouvernements à rechercher des alternatives énergétiques qui n'impliquent pas de « sacrifier l'agriculture », et il se propose de porter ce problème devant le sommet Amérique latine - Union européenne prévu à Lima les 16 et 17 mai prochain.

Les subventions mises en cause

C'est précisément dans les enceintes internationales que la polémique a été lancée. Le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, avait évoqué un « vrai problème moral » à propos de la fabrication d'agrocarburants en pleine crise alimentaire. Une déclaration saluée au passage par Evo Morales qui se dit « pour la première fois » en accord avec le Fonds. Jean Ziegler, le rapporteur spécial de l'ONU pour le droit à l'alimentation, était pour sa part allé jusqu'à parler de « crime contre l'humanité ».

Mais le Brésil s'est défendu, notamment devant la 30ème conférence régionale de la FAO, à Brasilia à la mi-avril, où il a plaidé la compatibilité entre les deux types de productions. D'après Lula, le « vrai crime contre l'humanité » est de laisser les pays les plus pauvres, « étranglés à la fois par le manque d'aliments et d'énergie, dans la dépendance et l'insécurité ». Une déclaration rapidement illustrée par la signature d'un accord entre le Brésil et le Ghana pour la construction dans ce pays d'Afrique de l'Ouest d'une usine de production d'éthanol à partir de la canne à sucre.

Les membres du gouvernement brésilien ont développé d'autres arguments encore, pour nier que le développement de l'éthanol, moins cher et moins polluant que l'essence, soit responsable de l'envolée des prix alimentaires. Ils ont notamment incriminé avant tout les subventions à l'agriculture en Europe et aux Etats-Unis, qui devraient être « éliminées totalement ». Et fait valoir que les nouvelles zones de culture de canne à sucre au Brésil occupent des terres destinées à l'élevage et non aux cultures vivrières.