par Sophie Malibeaux
Article publié le 29/04/2008 Dernière mise à jour le 29/04/2008 à 17:22 TU
Un activiste tibétain brûle un drapeau chinois, lors d'une manifestation pour l'indépendance du Tibet, à Lhassa, le 14 mars 2008.
(Photo : Reuters)
Le verdict est tombé à l’issue d’une session dite « publique », à laquelle ont pu assister près de deux cent personnes « de toutes les strates de la société », à en croire les médias officiels chinois. Les trente accusés montrés à la télévision nationale ont été envoyés en prison pour avoir participé aux événements qui ont coûté la vie à 18 civils et un policier. Les accusés sont également condamnés pour avoir incendié des écoles, des hôpitaux et des magasins, pour un montant évalué à 22 millions d’euros.
Bilans contradictoires
Les émeutes de Lhassa avaient duré plusieurs jours, avant l’intervention des forces de l’ordre le 14 mars dernier. Les jours qui ont suivi, les autorités de Pékin reconnaissaient l’arrestation de 400 personnes. Partis de Lhassa, les troubles devaient s’étendre à d’autres régions du Tibet historique, peuplées de minorités tibétaines. Pékin a déploré la mort de 19 innocents mais n’a jamais reconnu avoir tiré sur les émeutiers. Un bilan contesté par les Tibétains en exil, qui avancent désormais le chiffre de 203 morts, et 5 175 arrestations, d’après Thubten Samphel, le porte-parole du gouvernement en exil à Dharamsala, en Inde.
La répression de ces émeutes allait ensuite provoquer un mouvement de protestations internationales, sur le passage de la flamme olympique, avec un appel au boycott de la cérémonie d’ouverture des Jeux, relayé par les autorités de certains pays. Les pressions se sont multipliées vis-à-vis de Pékin, jusqu’à l’annonce d’une rencontre prochaine avec un représentant privé du Dalaï Lama. Les déclarations d’ouverture au dialogue sont intervenues vendredi 25 avril, mais le calendrier n’a pas encore été fixé. Mardi 29 avril, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères Jiang Yu a affirmé que les détails de la consultation devaient encore être discutés.
Invitation à «dialoguer» sous forme d’injonction
Toutefois, les termes de l’invitation adressée au représentant du Dalaï Lama ne montrent aucune évolution de la position chinoise sur le fond du dossier.
En affirmant le souhait des autorités de voir le Dalaï Lama « chérir cette opportunité », il est également demandé qu’il « reconnaisse les faits et change sa position en prenant des mesures concrètes pour mettre fin aux actes de violence et tentatives de saboter les Jeux olympiques ».
Résultat, l’offre de dialogue du gouvernement chinois est considérée avec la plus grande circonspection par les proches du Dalaï Lama. Ceux-ci relèvent que depuis les événements, le Dalaï Lama n’a cessé d’appeler à la fin des violences, mettant sa démission dans la balance, au risque de se couper des avocats de la cause tibétaine les plus jeunes et les plus radicaux. Ces proches rappellent également que cela fait quinze ans qu’il n’est plus question « d’indépendance » dans les propos du leader tibétain.
Accusations mutuelles
Accusé sans relâche de séparatisme par le gouvernement chinois, le 28 mars dernier, le Dalaï Lama signait une longue lettre pour dissiper les allégations de complot. Dans cet « appel au peuple chinois », le chef spirituel et politique des Tibétains affirme également qu’il a « toujours soutenu l’idée que Beijing puisse accueillir les Jeux » et que sa position n’a pas changé.
Le porte-parole du gouvernement en exil Thubten Samphel l’a répété ce mardi 29 avril, lors d’un point de presse à Dharamsala, tout en retournant les accusations chinoises contre leurs auteurs : « Nous ne sabotons pas les Jeux », a-t-il affirmé, « si quelqu’un le fait, c’est la Chine elle-même par ses mesures répressives au Tibet. Nous demandons aux autorités chinoises de permettre à des organisations internationales respectées de découvrir qui est derrière les troubles ».
Ces échanges par porte-paroles interposé augurent mal d’une reprise du dialogue.
Le fait est que depuis 2002, six sessions de discussions se sont tenues entre le gouvernement chinois et des représentants du gouvernement tibétain en exil, sans que cela ne débouche sur la moindre ébauche de solution.
Les partisans du Dalaï Lama, revendiquent la fin du génocide culturel contre le peuple tibétain et souhaitent des discussions « sérieuses » mais ils craignent que la reprise des pourparlers ne se limite à une opération de communication destinée à amadouer la communauté internationale afin de ne pas gâcher la fête du 8 août prochain.
« Appel au peuple chinois de Sa Sainteté le 14ème Dalaï Lama» |
…« J’espérais que la déclaration récente du président Hu Jintao, selon laquelle la stabilité et la sécurité du Tibet concernent la stabilité et la sécurité du pays, annoncerait l’avènement d’une ère nouvelle pour le règlement du problème du Tibet. Malheureusement, en dépit des efforts sincères que j’ai déployés pour ne pas séparer le Tibet de la Chine, les dirigeants de la République populaire de Chine m’accusent d’être un « séparatiste ». De même, lorsque des Tibétains, à Lhassa et dans de nombreuses autres régions, ont protesté de manière spontanée pour exprimer un ressentiment profondément ancré, les autorités chinoises m’ont immédiatement accusé d’avoir orchestré ces manifestations. J’ai demandé que cette allégation fasse l’objet d’une enquête minutieuse, menée par un organe respecté ». Tenzin Gyatso, Dalaï Lama, le 28 mars 2008 |