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Campagne électorale américaine

En Caroline du Nord : l'enthousiasme pour Obama

par Catherine Frammery

Article publié le 04/05/2008 Dernière mise à jour le 22/11/2008 à 07:41 TU

(Photo : C. Frammery / RFI)

(Photo : C. Frammery / RFI)

L’épuisant marathon électoral continue pour les démocrates, avec deux primaires clé ce mardi, dans l’Indiana et en Caroline du Nord. Dans cet Etat du sud, malgré son nom, Barack Obama est donné vainqueur, mais Hillary Clinton le talonne désormais. Reportage dans cette ancienne terre de tabac et de textile, reconvertie avec succès dans les industries de la santé et du high-tech.

Dans la famille F. je demande la mère : Susan est pour Hillary Clinton, comme sa fille Natalie, 8 ans ; mais Albert, le père, est un partisan de Barack Obama, tout comme Becky, la fille aînée de la famille, 12 ans.

(Photo : C. Frammery / RFI)

(Photo : C. Frammery / RFI)

Rien de grave chez les F. , où c’est dans la bonne humeur qu’on compare les qualités supposées de chaque candidat. Les enfants jouent même au jeu de la course aux jardins : c’est à laquelle comptera chaque jour le plus de panneaux pour son candidat (les Américains n’hésitent pas à revendiquer haut et fort leurs préférences en plantant des panneaux électoraux sur leurs pelouses) ; mais au sein de la vraie famille démocrate, la bataille est bien plus âpre, et les sourires beaucoup plus rares. La compétition Obama/Clinton inquiète, et chaque camp redoute de plus en plus les traces que ne manqueront pas de laisser plus de 18 mois d’affrontements de moins en moins feutrés.

« Si se puede »

« On aurait préféré que tout soit réglé bien avant le Congrès, c’est certain. Mais c’est bien la première fois que nous pouvons peser dans le débat national malgré des primaires aussi tardives ! ». Rencontré au siège de campagne des « Obamistes » à Chapel Hill, qui abrite la plus ancienne université publique américaine, David se veut confiant. Ce jeune bénévole de 22 ans s’est fortement impliqué dans la campagne, et s’est trouvé contraint de délaisser un peu, provisoirement, ses études : « Je ne pensais pas qu’en mai, on en serait encore là. Peut-être aurais-je hésité si j’avais su… ». Mais pour lui le parti saura retrouver son unité, dès que l’heureux élu(e) aura été choisi(e). Est-il prêt à voter Hillary ? « Bien sûr ! ». Lui ne croit pas que des électeurs démocrates déçus du choix final du parti pourraient réellement voter pour John McCain, pour montrer leur mécontentement, comme l’indiquent certains sondages. « Vous savez, ici on a même aussi eu John Edwards comme candidat ! » L’ex-candidat à l’investiture démocrate est aussi en effet l’ancien sénateur de l’Etat, poste dont il avait démissionné pour se consacrer à sa candidature. Il a gardé une maison à Chapel Hill, où selon certains, il aurait secrètement rencontré Hillary Clinton, après s’être retiré de la course ; mais il s’est bien gardé jusqu’ici de prendre parti entre les deux candidats restants.

Si se puede (Yes we can : Oui, nous le pouvons).(Photo : C. Frammery / RFI)

Si se puede (Yes we can : Oui, nous le pouvons).
(Photo : C. Frammery / RFI)

Depuis des semaines, le but de David est de faire élire le mieux possible son candidat lors des primaires du 6 mai. Cela passe par le « early vote », la possibilité de voter en avance, une procédure qui vise à diminuer l’abstention, traditionnellement importante aux Etats-Unis. De grands panneaux dans la vitrine invitent les passants à entrer dans le local pour en savoir plus, des panneaux en anglais – et en espagnol, la communauté hispanique étant très importante en Caroline du Nord. C’est même l’Etat où la proportion d’hispanisants a le plus progressé ces dernières années, selon les chiffres du bureau du gouverneur de l’Etat, Michael Easley, courtisé super-délégué de son Etat, qui a finalement décidé d'apporter son soutien… à Hillary Clinton.

La stratégie d'Hillary décriée

Toutes les enquêtes l’annoncent pourtant, c’est bien Obama qui devrait emporter la majorité des 115 délégués dont dispose la Caroline du Nord, notamment grâce à l’importante communauté noire de l’Etat. Mais Clinton a rattrapé beaucoup de terrain, en séduisant par exemple la classe moyenne et les agriculteurs blancs de l’ancien Etat tabacole. Résultat, l’avance du sénateur de l’Illinois, crédité de 70% des votes il y a quelques mois, a fondu : les sondages lui prédisent  certes encore la victoire, mais avec moins de 55% des voix.  

« Hillary n’a pas joué le jeu, elle a utilisé les méthodes des républicains ». Rencontrée au rayon enfants du Barnes et Noble de Chapel Hill, la grande librairie de la petite ville, Ann reprend à son compte l’accusation brandie par Obama lui-même lors de son premier discours à Raleigh, la capitale de la Caroline du Nord, mi-avril. Petites phrases, sous-entendus, attaques frontales, la pilule Hillary ne passe pas chez cette graphiste : « Je ne pourrai jamais voter pour elle ».

(Source : www.huffingtonpost.com)

(Source : www.huffingtonpost.com)

Dans son sac, un petit livre pour enfants consacré à la biographie de son candidat, à destination de son fils de 10 ans : très pédagogiquement, mais aussi très opportunément, à l’occasion des primaires, le libraire a mis en exposition les deux ouvrages consacrés aux deux candidats par leurs état-majors respectifs, tous les deux copiant un peu la série des documentaires DK, très aimés des petits, avec beaucoup d’illustrations : « Une histoire américaine » pour Obama, « Un parcours américain » pour Clinton. Leur enfance, leurs idées, leur combat... A noter que le livre sur Obama mentionne Hillary Clinton, tandis que l’inverse n’est pas vrai…

Un élan nouveau

La journée sera longue pour David mardi, qui a l’intention de se rendre au planetarium de l’Université pour assister au vote. Sur le campus où Michael Jordan a fait ses débuts, les affiches et les stickers ne sont étrangement pas très nombreux - l'année universitaire est presque finie, et les étudiants sont rentrés chez eux.

Les Nord-Caroliniens savent que leurs primaires ne seront pas décisives en termes de délégués, pas plus que celles de l’Indiana d’ailleurs. Mais d'abord, leur vote participera à établir une tendance, un mouvement, indispensable aux super-délégués qui doivent se décider. Surtout, l’ébullition très évidente au bureau de campagne des Obamistes a suscité plus d’un commentaire dans la petite ville universitaire. « C’est la première fois qu’il y a une telle mobilisation, il y a tout le temps du monde, avec beaucoup  de jeunes, qui sont pleins d’idées, pleins d’attentes  » : Pamela, mère de 4 enfants, résume bien le sentiment général. Même si Obama ne l'emportait pas finalement, sa candidature a suscité un élan, un enthousiasme qu'on n'avait pas vu depuis très longtemps. De quoi alimenter la réflexion dans ce petit coin des Etats-Unis qui compte, dit-on, la plus forte proportion de titulaires de doctorat au mètre carré

(Photo : AFP)