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Birmanie

L'aide internationale s'organise face aux bilans qui s'alourdissent

par Stéphane Lagarde

Article publié le 05/05/2008 Dernière mise à jour le 06/05/2008 à 07:16 TU

Un enfant est amené par son père vers l'hôpital de Rangoon ce dimanche 4 mai.(Photo : Reuters)

Un enfant est amené par son père vers l'hôpital de Rangoon ce dimanche 4 mai.
(Photo : Reuters)

La Birmanie en état de choc. Selon un dernier bilan officiel, communiqué mardi matin, le passage du cyclone Nargis a fait plus de 15 000 morts. Face à l’ampleur du désastre, une réunion des organisations humanitaires internationales s’est tenue lundi à Bangkok et la junte militaire au pouvoir a donné son feu vert aux Nations unies pour la distribution d’une aide d’urgence.

La Birmanie manque de tout, à commencer par l’eau potable. Les pluies diluviennes contaminent généralement les nappes phréatiques et les points d’eau, elles ont commencé par couper les canalisations dans les principales agglomérations. Après avoir tenté de dégager les rues, barrées par les arbres et les toits de tôles arrachés par les vents, les habitants de Rangoon ont patienté, un seau à la main, devant robinets et fontaines encore en activité.

Plongée dans le noir toute la nuit, la plus grande ville du pays est d’ailleurs toujours sans électricité. La plupart des connexions téléphoniques et internet sont également coupées malgré la mobilisation de l’armée qui, selon la junte, fait tout pour rétablir les communications et les principaux axes routiers.

Bilan de la catastrophe humanitaire par notre envoyé spécial à Rangoon

« Dans certaines localités, les trois quart des habitations ont été soufflées dans la nuit de vendredi à samedi.»

écouter 0 min 59 sec

06/05/2008 par Rémy Favre

Lundi dans la soirée, la radio et la télévision d’Etat parlaient de 10 000 morts et plus de 3 000 sans abris. Un bilan à prendre avec précaution et probablement en dessous de la réalité selon les observateurs internationaux. « Nous savons qu’il y a plusieurs centaines de milliers de personnes qui ont besoin d’un abri et d’eau potable, mais nous ne savons pas exactement combien » estime ainsi Richard Horsey, un haut responsable des Nations unies.

Quarante huit heures après le passage du cyclone, des équipes s’efforcent d’évaluer les besoins dans les cinq régions touchées par la tempête tropicale, où vivent près de la moitié des 53 millions de Birmans. « Cinq experts de l’ONU sont prêts à se rendre dans le pays à tout moment » a confirmé à RFI Elisabeth Byrs, porte-parole du bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies à Genève. Mais il faut encore pour cela (outre le feu vert accordé par la Junte), que la piste de l’aéroport de Rangoon fonctionne à plein. « Les dégâts et les problèmes logistiques sont pour l’instant notre pire ennemi » reconnait à Genève l’ONU qui dispose d’un bureau dans le pays.

Risque de flambée des prix

Comme un malheur ne vient jamais seul, c’est bien évidement les régions les plus difficiles d’accès qui sont les plus affectées et particulièrement le sud-ouest du pays. Le delta du fleuve Irrawaddy compte parmi les zones les plus sinistrées. Dans cette région relativement marécageuse et éloignée des routes d’accès, 1 600 000 résidents sont coupés de tout. Toujours selon la télévision d’Etat, plusieurs villages côtiers ont été entièrement rasés. Les toits du bidonville de Labutta ont été soufflés par des vents atteignant 200 km/h et 75% des bâtiments se sont effondrés. Sans compter les près de 100 000 personnes qui étaient encore sans abri lundi matin, sur l’île de Haing Gyi ou se trouve une base navale.

Ce spectacle de désolation n’épargne pas les grandes villes. A Rangoon, le cyclone tropical a détruit les unités de cardiologie et de cancérologie de l’hôpital général. Les soins comme les transports sont désorganisés faute de carburant. Et bientôt, le pays pourrait se retrouver confronté à une flambée du prix de l’essence et des produits de première nécessité.

Depuis plusieurs semaines déjà, la Birmanie fait face, comme d’autres pays de la région, à la pénurie de riz. Le gouvernement a fait appel aux pays voisins et notamment au Pakistan pour augmenter ses importations, mais pour l’instant la demande est restée sans réponse. « La question est de savoir si les récoltes à venir ont été touchées ou non par le cyclone, s’interroge Thomas Gonnet, d’Action contre la faim. Cela, ajouté à toutes les difficultés pour acheminer l’aide jusqu’à Rangoon, fait qu’on pourrait se retrouver confronté à des risques de pénurie alimentaire dans les prochaines semaines ».

Aide régionale

Même son de cloche du côté de la Croix-Rouge birmane qui a dépêché cinq équipes dans les zones les plus touchées : « Dès hier la croix rouge birmane a commencé à distribuer des bâches, des moustiquaires imprégnées d’insecticide pour prévenir des flambées de paludisme, ainsi que des tablettes pour purifier l’eau, affirme Marie Françoise Borel, porte-parole à la Croix-Rouge internationale, les premiers rapports qui nous ont été envoyés de la région du delta (sud ouest) font état de 95 % des habitations qui ont été détruites ».

D’autres matériels et secours pourraient encore venir des entrepôts de la Fédération internationale des sociétés du Croissant rouge, basée à Kuala Lumpur et à Dubaï. Car aujourd’hui toute la région est concernée. Une aide régionale pourrait se mettre en place dans les prochains jours, conformément au vœu du secrétaire général de l'Asean, Association des nations du sud-est asiatique, qui a appelé lundi les pays membres de l’organisation régionale à fournir une aide d’urgence. Une aide, a-t-il précisé, qui serait « adaptée à l’esprit » de l’accord régional pour une réponse aux catastrophes, signé en 2005, et non encore en application.

Référendum constitutionnel maintenu samedi

Malgré la catastrophe, le calendrier électoral est maintenu, et, selon le quotidien officiel anglophone, New Light of Myanmar, la population attend le scrutin « avec impatience ». Aussi caricatural qu'il soit, le propos a au moins le mérite de montrer que, pour le régime, rien ne doit empêcher la tenue du referendum. En d'autres termes, c'est bien l'intêret de la junte qui prime.

D'abord, parce que cette réforme est censée parachever la feuille de route vers la démocratie, agitée par les militaires depuis 3 ans. Les militaires ne cessent de marteler qu'une fois adoptée, la nouvelle constitution du « Myanmar » ouvrira la voie au rétablissement, en 2010, d'un pouvoir civil élu.

Ensuite parce que la nouvelle loi fondamentale va consacrer le rôle primordial de l'armée. Elle lui garantit notamment un quart des sièges dans les deux chambres de l'Assemblée ainsi que plusieurs ministères-clés, dont celui de l'Intérieur.

Et manifestement, il est urgent pour la dictature de sceller constitutionnellement sa mainmise sur le pays, où les disparitions et les destructions causées par la tempête pourraient relancer, sous peu, les manifestations et favoriser les partisans d'Aung san Suu Kyi, qui appelle à voter non.

Alain Renon

A écouter

Laura Bush demande le report du référendum constitutionnel en Birmanie

«La réaction à ce cyclone n’est que le dernier exemple en date de la manière dont la junte manque aux besoins fondamentaux de son peuple».

06/05/2008 par Donaig Ledu