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Paraguay

Le microcrédit améliore le quotidien

Article publié le 08/05/2008 Dernière mise à jour le 08/05/2008 à 14:46 TU

Le Paraguay, deuxième pays d´Amérique du sud en termes de pauvreté, est sur une voie nouvelle depuis le 20 avril, avec l´évêque Fernando Lugo comme président. L´an dernier, l´extrême pauvreté a augmenté, affectant 20% de la population. La modernisation est très lente, mais de petites initiatives ont permis à des centaines de familles d´améliorer leur quotidien, comme celles qui ont adhéré au microcrédit. Reportage à San Estanislao, dite Santani, à 150 km d´Asunción
De notre envoyée spéciale au Paraguay, Annie Gasnier

Maria del Rosario Mora.(Photo : DR)

Maria del Rosario Mora.
(Photo : DR)

Petite, les cheveux noirs et le sourire facile, Maria del Rosario Mora jette quelques épluchures à la laie qui la suit partout, comme un chien obéissant. Dans son pré, dix-huit vaches aux solides cornes, une quarantaine de poules et canards, et deux chèvres... Derrière, des plantations, de coton, de maïs et de manioc. Maria montre aussi, fièrement, sa maison, de trois chambres et un salon où trône un poste télé. Il n’y a pas si longtemps, les murs étaient en bois et Maria, avec son mari et leurs sept enfants vivaient dans une seule pièce.

« En cinq ans, j’ai utilisé une dizaine de crédits, que j´ai tous remboursés avant échéance, explique cette quadragénaire, rayonnante. Le premier était de 1,2 million de guaranis (200 dollars). Enfin, j´ai dû le demander deux fois, car l´agence de crédit avait rejeté ma première demande ».

Maria a acheté des vaches laitières avec cette somme, et aujourd´hui, elle en a 40. Certaines attendent des veaux. Elle trait 30 litres chaque jour, que son mari vend le matin, en charrette, à Santani, à 5 km de chemin en terre. Bientôt, ils achèteront une camionnette, pour livrer à une future fabrique de fromage le lait du voisinage. Le lait des chèvres, qui rapporte plus, est vendu à part.

« Ça va bien, merci ! »

« Les enfants nous aident, surtout lors des récoltes, mais ils vont à l´école. Je veux continuer à améliorer notre vie, en achetant plus de terre. On est déjà passé de 5 à 15 hectares ».

Alcides Cardozo gère l´agence El Comercio, qui compte 5 000 clients dans la région de Santani. Les prêts accordés sont en moyenne de 1 000 dollars. « Le taux de remboursement atteint 99% » se réjouit-il, en précisant que la campagne sillonnée par ses onze « officiers de crédit », est d´une grande fertilité, facilitant les remboursements. Pour les garantir, la société de crédit prépare tous ses clients à gérer le petit capital emprunté.

Eusebio Insflan Candia, voisin de Maria, reproduit dans son enclos, des  chèvres et des cochons, pour leur lait ou pour leur chair. Sur les six hectares attenants, il cultive du coton, du tabac, du manioc et du sésame. « J’ai suivi tous les cours proposés par la financiera, et ça m´a beaucoup servi. Je veux que mes trois enfants aient ce que je n’ai pu avoir, avant tout de l´instruction. L´aîné a 21 ans, il m´aide mais il étudie l´informatique ».

Eusebio Insflan Candia, voisin de Maria, reproduit dans son enclos, des  chèvres et des cochons, pour leur lait ou pour leur chair.(Photo : DR)

Eusebio Insflan Candia, voisin de Maria, reproduit dans son enclos, des chèvres et des cochons, pour leur lait ou pour leur chair.
(Photo : DR)

Tout le monde y trouve son compte

Dans un pays où un tiers du PIB provient de secteur agricole, El comercio a adapté son offre : « Le micro crédit agricole était comme un tabou, un monde inconnu dans lequel nous nous sommes lancés il y a 20 ans, raconte avec passion Teresa Velilla, vice-présidente de la société. Mais on a aidé nos « micro-patrons » à prospérer, et c´est une opportunité merveilleuse d´aider des gens à sortir de la pauvreté absolue, dans ce pays où tout est à faire ».

Par le biais de 38 agences, et 56 000 clients, « El Comercio » a apporté 50 millions de dollars au microcrédit, 4 millions au seul « crédit d´élevage ». Grand succès : la surface plantée en sésame, parfaitement adapté au climat local, est passée de 200 à 70 000 hectares. La récolte des petits agriculteurs s´exporte entièrement en Asie. « Nous employons 450 personnes, précise Teresa Velilla, et le microcrédit permet à des familles entières de rester dans leur ville ou village, et d´éviter l´exode vers la capitale, ou l´étranger ».

Sa société verse les fameuses remesas, les sommes d´argent envoyées par un parent exilé : 50 000 transferts par mois, car un million et demi de paraguayens travaillent en Argentine, 90 000 en Espagne, 60 000 aux Etats-Unis. L´ensemble des remesas annuelles est évalué à 750 millions de dollars, l’un des premiers postes du PIB.

El Comercio tente de capter les envois, en proposant aux exilés, ou à leurs proches, de faire fructifier « le sacrifice » d´expatriés qui ont fui la pauvreté et le manque d´opportunités. Comme Maria Teresa Lopez, à San Ignacio : deux de ses douze enfants travaillent en Grande Bretagne depuis quatre ans. En attendant leur retour, elle investit l´argent reçu dans une nombreuse basse cour, un potager et agrandit la maison en bois.