par Heike Schmidt
Article publié le 08/05/2008 Dernière mise à jour le 15/03/2009 à 18:01 TU
Avril 1968. Manifestation à Francfort-sur-le-Main (Allemagne).
© Institut für Stadtgeschichte, Frankfurt am Main.
Le 2 juin 1967, le shah d'Iran est reçu en grande pompe par l'Allemagne. La visite enflamme Berlin. Des milliers d'étudiants protestent contre sa venue. Ce jour-là, Benno Ohnesorg, un jeune manifestant meurt sous les balles d'un policier. Sa mort crée un effet poudrière.
La contestation couve depuis des années. Dans les universités, les étudiants se révoltent contre les structures trop rigides. « Sous la toge, 1000 ans de moisissure ! » lancent-ils.
L'opposition contre la Grande coalition entre conservateurs (CDU) et socio-démocrates (SPD) se fait entendre dans la rue puisqu'elle n'a plus de voix au Bundestag.
La rupture avec l'Allemagne nazie
« La génération d'après-guerre a dit, "nous avons une autre conception de la vie" », explique Daniel Cohn-Bendit, l'ancien leader du Mouvement du 22 mars de Nanterre. « En Allemagne, c'est contre le fait de ne pas avoir vidé l'abcès de la responsabilité du nazisme ». Jusqu'ici tabou, le passé nazi refait surface. Qu'avez-vous contre le National-socialisme ? Cette question embarrasse, bon nombre de parents.
« La plupart de mes amis allemands à ce moment-là étaient en rupture avec leurs parents. Ces derniers avaient d'une certaine manière trempé dans le nazisme, d'une façon passive ou active », se souvient Jean-Marcel Bouguereau, à l'époque membre du Mouvement d'action universitaire, en France.
Le 7 novembre 1968, une jeune Allemande flanque une gifle au chancelier Kurt-Georg Kiesinger, en lui criant Nazi, démissionne !» C'est Beate Klarsfeld. Aujourd'hui, elle a 69 ans et ne regrette rien : « c'est un geste symbolique. J'ai vu que j'ai réuni autour de moi beaucoup de jeunes Allemands. C'est grâce à eux aussi, que nous avons réussi à changer ce climat politique. C'était la rupture avec l'Allemagne nazie. Pour la première fois en France, mais surtout en Allemagne, le sens critique de la jeunesse s'est révélé et il est resté pour toujours ».
« Vous n'avez qu'à aller à l'Est ! »
Contrairement à la France, les ouvriers allemands, marqués par la construction du Mur de Berlin, très anti-communistes, n'ont pas rejoint la révolte des étudiants.
L'Allemagne de l'Ouest des années 60 est dans le camp américain. Elle accueille des bases de l'armée des États-Unis, d'où partent les avions pour le Viet Nam.
« Quand les étudiants allemands disaient cela n'allait pas en Allemagne de l'Ouest, on leur disait : allez à l'Est, si vous n'êtes pas contents. C'était l'argument des gens simples, notamment chez les ouvriers », rapporte Jean-Marcel Bouguereau.
Face à une intervention musclée de la police et à une presse de droite qui tire à boulets rouges contre les étudiants, le mouvement se radicalise. Quelques uns, comme Ulrike Meinhof prenne les armes. Elle sera la tête pensante de la Fraction Armée Rouge, le groupe terroriste d'extrême gauche qui commettra des attentats sanglants dans les années 70.