Article publié le 12/05/2008 Dernière mise à jour le 12/05/2008 à 14:42 TU
Les Arabes israéliens réclament une meilleure intégration dans la société israélienne. Soixante ans après la création de l'Etat d’Israël, la minorité arabe qui vit dans l’Etat hébreu se sent discriminée et craint de faire les frais de l’établissement d’un Etat palestinien.
De notre envoyé spécial à Oum el-Fahm (Galilée), Karim Lebhour
Si ce n’était le centre commercial clinquant à l’entrée du village et les quelques enseignes en hébreu, Oum el-Fahm, pourrait tout aussi bien se trouver de l’autre côté de la ligne verte, en Cisjordanie : mêmes rues au bitume fatigué, mêmes maisons accrochées à flanc de collines, autour de la mosquée... Les bus de la compagnie israélienne Egged ne s’arrêtent pas dans ce village, planté au cœur du triangle arabe du nord d’Israël. « Même la compagnie de téléphone ne vient pas jusqu’ici. S’il y a un problème, on doit attendre des mois qu’ils envoient un employé arabe », peste un commerçant.
Arabes et Israéliens, les habitants d’Oum el-Fahm ont le sentiment d’être des « citoyens de seconde zone ». L’expression revient régulièrement. Les permis de construire sont accordés au compte-gouttes. « Leur stratégie c’est de planter un kibboutz entre chaque village arabe, pour empêcher qu’on ne s’étende », accuse Mamdouh Agbariya, président de l’Union des étudiants arabes. Ce natif d’Oum el-Fahm, étudiant à Haïfa, revendique son identité palestinienne : « Ce n’est pas moi qui suis allé à Israël, c’est Israël qui est venu à moi. Ce drapeau n’est pas le mien ».
Jarar Farah, le directeur de l’ONG Mossawa qui milite pour les droits des Palestiniens d’Israël pointe un double système : « démocratique pour les Juifs, discriminatoire pour les autres. L’Etat n’alloue que 5% du budget à la communauté arabe. Notre mortalité infantile est double de celle des Juifs. Nous avons besoin de 6.000 classes dans le système éducatif. Si je veux acheter une maison ou une terre, 93% des terres d’Etat sont allouées à la population juive et la population arabe se concentre sur seulement 3% des terres ».
Les indésirables
Les 1,3 millions d’Arabes israéliens, 20% de la population, se sentent indésirables. Leur loyauté à l'Etat hébreu est régulièrement mise en doute. « Deux israéliens juifs sur trois ne mettent jamais le pied dans un quartier ou un village arabe », rappelle Sammy Smooha, sociologue à l’université de Haïfa, qui observe une détérioration dans les relations entre Juifs et Arabes. Les roquettes du Hezbollah qui se sont abattus sur le nord d’Israël à l’été 2006 ont laissé des traces dans les esprits. «Les Arabes se sont clairement rangés du côté du Hezbollah, alors que cette fois, la guerre n’était pas dirigée contre les Palestiniens, mais contre un mouvement fondamentaliste. Les Juifs n’ont pas compris cette attitude », analyse l’universitaire.
Les thèses d’Avigdor Lieberman, le chef de file du parti d'extrême droite Israël Beitenou (Notre Maison Israël), vice-Premier ministre du gouvernement d’Ehud Olmert, qui préconise des échanges territoriaux et de populations entre Israël et l'Autorité palestinienne, « pour créer deux Etats ethniquement homogènes », gagnent du terrain. L’idée recueille jusqu’à 75% d’opinions favorables dans les sondages d’opinion. « Il ne faut pas donner trop d'importance à ces chiffres, tempère Sammy Smooha. Personne n’envisage de déportation par la force, mais si vous demandez aux Israéliens juifs s’il faut encourager les Arabes à partir pour conserver une claire majorité juive, ils répondent positivement ».
La différence importe peu à Jarar Farah qui s’insurge : « Ouvrir son poste de radio le matin et s’entendre qualifier par des membres du gouvernement de menace démographique, de cancer ou de cinquième colonne, crée beaucoup de colère parmi les Palestiniens qui vivent en Israël ». Conscients des changements que pourrait créer la création d’un Etat palestinien aux côtés d’Israël, les Arabes israéliens rejettent massivement toute idée d’un rattachement à l’Autorité palestinienne.
« Ce que nous demandons, c’est d’avoir le même accès aux ressources que le reste de la population et d’être traités sur un pied d’égalité, poursuit Jarar Farah. Si les cinq millions de Juifs qui vivent en Israël peuvent comprendre le potentiel de vivre avec 1,3 millions de Palestiniens et si cet exemple de cohabitation est un succès, alors les Israéliens auront de bien meilleures chances de vivre avec 250 millions d’Arabes dans la région. S’ils échouent à vivre avec nous, quelle chance peuvent-ils avoir de vivre entourés d’Arabes ? ».