par Stefanie Schüler
Article publié le 15/05/2008 Dernière mise à jour le 15/05/2008 à 19:41 TU
Interpol se prononce, ce jeudi, à Bogota sur les documents retrouvés dans l’ordinateur du numéro 2 des FARC, Raul Reyes. Selon le gouvernement colombien, ces dossiers prouveraient des liens très étroits entre la guérilla et le Venezuela ainsi que l’Equateur. Si les experts d’Interpol jugent les documents authentiques, la crise régionale entre la Colombie et ses voisins menace d’éclater à nouveau.
Le président vénézuélien Hugo Chavez, accuse les Etats-Unis et leur allié colombien Alvaro Uribe de « terrorisme médiatique ».
(Photo : Reuters)
A l’aube du 1er mars, des soldats colombiens arrivent illégalement en territoire équatorien. L’armée de Bogota vient raser un camp des FARC, installé là, à seulement deux kilomètres de la frontière avec la Colombie. Pendant cette attaque, le numéro deux de la guérilla, Raul Reyes, trouve la mort. Non loin de sa dépouille, les Colombiens mettent la main sur ce qui leur semble être une véritable « mine d’or » : deux ordinateurs portables, trois disques durs externes et plusieurs clés USB. 16 000 textes et photos révèlent des informations inédites sur le fonctionnement de la guérilla, ses soutiens, ses alliés.
« Nous savions qu’il y a une coopération entre les FARC et nos pays voisins. Mais nous ignorions l’intensité et l’efficacité de cette coopération », déclare le ministre colombien de la Défense, Juan Manuel Santos. Quelques jours après la découverte des documents, Bogota envoie ceux-ci à son plus proche allié : Washington. L’ambassadeur américain à Bogota, William Brownfield, a admis ce lundi que les dossiers présents dans l’ordinateur de Raul Reyes ont été transmis à son pays « dans le cadre d’une ample et profonde communication ».
Pour couper court à toute accusation de vouloir manipuler le contenu des documents, le président colombien, Alvaro Uribe, demande une enquête à Interpol. Depuis le 11 mars, trois experts de la police internationale ont donc travaillé sur les données. Mais avant même la publication officielle de leur rapport, des fuites sur le contenu des documents ont été divulguées dans la presse internationale. En première ligne de ces informations pour le moins compromettantes se trouve le président vénézuélien, Hugo Chavez.
Révélations compromettantes pour Chavez et Correa
Le président équatorien, Rafael Correa, dénonce une « campagne de discrédit et de calomnie ».
(Photo : Reuters)
Le quotidien américain The Wall Street Journal et le journal espagnol El Pais assurent tous deux avoir eu accès aux fameuses données. Selon ces journaux, le Venezuela aurait non seulement protégé les membres de la guérilla sur son sol, mais lui aurait également fourni une importante aide financière et logistique. Ainsi, Caracas aurait proposé d’armer les FARC en missiles sol-air et d’utiliser un port vénézuélien pour faire transiter ces armes. Hugo Chavez en personne aurait débuté des négociations d’achat d’armement avec un bras droit du président biélorusse Alexandre Loukachenko. The Wall Street Journal parle d’un véritable « plan de sécurité » que le gouvernement vénézuélien comptait mettre en place avec la guérilla marxiste. Le ministre vénézuélien de l’Intérieur aurait même demandé aux FARC d’entraîner les militaires vénézuéliens aux tactiques de la guérilla en cas d’invasion américaine.
Mais Hugo Chavez n’est pas seul sur le banc des suspects. Son allié, le président équatorien Rafael Correa, aurait lui reçu un financement des FARC lors de sa campagne électorale, fin 2006. Des courriels qui figurent parmi les données saisies dans l’ordinateur de Raul Reyes feraient état de 100 000 dollars.
« Campagne de calomnie »
Plus la publication du rapport d’Interpol approche et plus le ton monte dans la région. Sans connaître les conclusions des enquêteurs, Hugo Chavez et Rafael Correa les ont récusées par avance. A leur tour, ils accusent les Etats-Unis et leur allié colombien Alvaro Uribe de « terrorisme médiatique » et de « show de désinformation ».
Ce mardi, Rafael Correa, en visite à Paris, a dénoncé une « campagne de discrédit et de calomnie ». Pendant ce temps, à Caracas, le président vénézuélien a accusé son homologue colombien d’avoir organisé ces « fuites de documents mensongers » avec l’appui des Etats-Unis afin de le déstabiliser. Hugo Chavez, fidèle à son habituelle attitude tonitruante, a même estimé que la Colombie provoquait le Venezuela pour « déclencher une guerre et justifier une intervention des Etats-Unis ».
Nouvelle crise diplomatique en vue ?
Les documents de Raul Reyes (photo), trouvés après sa mort, menacent le calme précaire entre la Colombie, l'Equateur et le Venezuela.
(Photo : AFP)
Une chose est sûre : les 16 000 documents trouvés chez Raul Reyes menacent le calme précaire qui règne entre la Colombie, l’Equateur et le Venezuela. La grave crise diplomatique, provoquée par le raid colombien sur le camp des FARC en Equateur, est en effet toujours d’actualité. Quito n’a pas encore rétabli ses relations diplomatiques avec Bogota. Dans ces conditions, la moindre suspicion ne fait qu’envenimer encore plus les relations entre les pays de la région.
Conscients de ces tensions, des observateurs américains font maintenant valoir que les données en question sont sujettes à caution. Car les noms des dirigeants de la guérilla qui y figurent avaient été changés et codés par Raul Reyes.
Dans un rapport au Sénat américain, le sénateur républicain Richard G. Lugar s’inquiète, cette semaine, de cette polémique en cours qui risque, selon lui, de renforcer encore davantage l’influence d’Hugo Chavez en Amérique latine.