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Europe

Le poulet américain sent le chlore !

par Patrick Adam

Article publié le 28/05/2008 Dernière mise à jour le 28/05/2008 à 21:39 TU

(Source : www.flickr.com)

(Source : www.flickr.com)

La Commission milite pour la réintroduction en Europe de poulets américains «au chlore». Mais, la majorité des Etats membres est contre. Ces volailles, baptisées «poulets à la javel» par leurs détracteurs, sont interdites en Europe depuis 1997. Bruxelles souhaiterait autoriser les importations afin de séduire Washington.

Qui l’emportera, de l’enthousiasme du commissaire à l’Industrie Günter Verheugen, ou des réserves de son homologue Androulla Vassiliou en charge de la santé ?

Le premier imagine déjà les poulets américains revenir dans les assiettes européennes dans les prochains mois, tandis que la seconde, consciente du risque face à l’opinion, promet d’ériger un mur de conditions et fait profil bas dans les couloirs bruxellois.

A l’origine de cette affaire, un poulet. D’origine américaine. Pour tuer ou au moins réduire le nombre de bactéries susceptibles d’apparaître dans la volaille, les Américains la trempe dans une solution antimicrobienne juste avant la consommation, une sorte de bain chimique désinfectant. Radicale, la méthode entend chasser toute trace de salmonelles et de campylobacters (bactéries à l’origine d’infections).

Tous ou presque, contre la Commission

Le projet paraissait bien avancé, le commissaire Verheugen espérait tenir sa promesse faite aux Américains en novembre dernier. C’était compter sans le tir de barrage des ministres de l’Agriculture de l’Union dont vingt-et-un sur vingt-sept se sont clairement prononcés contre le retour des poulets « à la javel » sur le vieux continent. Les autres n’ont pas tranché.

Désavouant la Commission, la France a pris la tête de la contestation. « C’est une question assez symbolique », a commenté le ministre de l’Agriculture Michel Barnier , « les Etats-Unis peuvent faire ce qu’ils veulent chez eux mais les consommateurs européens ont d’autres exigences….ils veulent des contrôles d’hygiène tout au long de la chaîne de production et pas une désinfection brutale en bout de chaîne ». L’Allemagne, elle aussi, renâcle, son ministre de l’Agriculture Horst Seehofer s’interroge : « Comment voulez-vous que j’explique cela à mes paysans » soumis à une réglementation d’hygiène très stricte. Mardi, unions de consommateurs, d’agriculteurs et de défenseurs de l’environnement européens se sont fendus d’une lettre commune de protestation adressée à la Commission.

Oui à « la javel », mais sous conditions

Le projet de la Commission prévoit donc le retour de ces poulets « au chlore » bannis depuis 1997, de quoi stimuler l’optimisme du conseiller de Georges Bush aux affaires économiques qui, à l’issue d’un forum UE-USA début mai, annonçait crânement que « les exportations américaines de poulet  allaient affluer à l’automne en Europe ».

Mais ce come-back serait assorti de lourdes conditions. Les Américains devront rincer à l’eau potable les poulets, et l’efficacité de ce rinçage sera vérifiée en permanence. De même l’utilisation de quatre substances chimiques (dioxyde de chlore, chlorure de sodium acidifié, phosphate trisodique, acides peroxydés) sera soumise à contraintes.

Par ailleurs, les produits devront être clairement étiquetés et les restaurants informer leurs clients de la manière dont leurs poulets ont été traités. Ce qui permet au porte-parole de la Commission Johannes Laitenberger de dire que « ce sera au consommateur de choisir ». Enfin l’arrivée des poulets « à la javel » serait décidée pour une période test de deux ans.

Un texte mort-né ?

Le projet de la Commission sera bientôt soumis à l’avis d’un comité permanent de la sécurité alimentaire et de la santé animale que préside la Commission. Il ne s’agit pas de ministres, mais son vote devrait refléter les choix politiques des différents pays.  Cela devrait être fait assez vite, en tout cas avant le sommet UE-USA prévu le 10 juin en Slovénie.

La Commission aimerait bien y arriver avec un feu vert pour les importations de poulets désinfectés. Mais rien n’est moins sûr. Car si pour Bruxelles il s’agit d’éviter les critiques de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour entrave au commerce, - en clair concilier des normes de traitement différentes dans une économie mondialisée -, les Etats membres n’entendent pas se laisser faire et risquent bien de la retoquer.  Le poulet « à la javel » deviendra-t-il l’équivalent du bœuf aux hormones de croissance, tel que les élèvent les Américains mais dont les importations sont interdites en Europe, ce qui vaut aux vingt-sept de lourdes sanctions commerciales ?