par Frank Weil-Rabaud
Article publié le 05/06/2008 Dernière mise à jour le 05/06/2008 à 19:15 TU
S’afficher comme un allié indéfectible d’Israël. En matière de politique au Proche-Orient, voilà la première obligation pour tout candidat à la présidence. Reste que le républicain John McCain et le démocrate Barack Obama sont bien loin de faire la même analyse de la situation dans une région vitale pour les intérêts stratégiques des Etats-Unis.
Le candidat républicain John McCain (g) et le candidat démocrate Barack Obama.
(Photos : Reuters / Montage : RFI)
Un retrait dans les seize mois suivant son arrivée à la Maison Blanche ou une présence militaire américaine pour les cent prochaines années : voila, à grand trait, les options radicalement opposées qu’offrent sur le dossier irakien le désormais candidat démocrate Barack Obama et son rival républicain John McCain.
Pour le sénateur démocrate de l’Illinois, cette guerre n’aurait tout simplement pas dû avoir lieu. En février 2008, en campagne pour la primaire démocrate dans le Wisconsin, il avait rappelé que « des politiciens comme Hillary Clinton et John McCain ont voté pour une guerre en Irak qui n’aurait jamais du être autorisée et menée ». Cette opposition à la guerre, Barack Obama l’appuie également sur des considérations économiques. En rappelant que le conflit en Irak avait couté « des milliers de vies précieuses et des milliards de dollars qui pourraient être utilisés pour les infrastructures, la formation professionnelle ou le système de santé », le candidat démocrate à la présidence espère rallier les votes d’une classe moyenne blanche qui pour l’heure semble lui faire défaut.
Officiellement, comme il l’a lui-même répété, le candidat Obama s’il devient président ordonnera le retrait des troupes américaines afin, dit-il, de « mettre fin à cette guerre en 2009 ». En juillet 2007, des experts réunis par le candidat démocrate avaient estimé que seize mois après l’accession de Barack Obama à la Maison Blanche, les Etats-Unis ne maintiendraient qu’un faible nombre de soldats pour protéger l’ambassade américaine et effectuer si nécessaires des opérations ciblées contre des combattants présumés d’al-Qaïda.
C’est sur la base de cette proposition que son rival pour l’élection de novembre, le sénateur républicain de l’Arizona John McCain, affirme que Barack Obama fait preuve de naïveté et de méconnaissance des enjeux de politique étrangère. Le vétéran de la guerre du Vietnam n’hésite pas à dresser un tableau apocalyptique de la situation qu’engendrerait un retrait militaire américain d’Irak. En mars dernier, il avait ainsi assuré qu’un tel retrait provoquerait « chaos et génocide dans la région ». Selon le sénateur McCain, la présence des Américains en Irak permet d’éviter que les terroristes actifs dans le pays puissent frapper à nouveau sur le sol des Etats-Unis. En filigrane, c’est la capacité éventuelle de Barack Obama à assurer la sécurité de ses concitoyens que le candidat républicain à la succession de George Bush met en cause.
Mettant en avant son expérience de la chose militaire, John McCain s’appuie dans le même temps sur les progrès, réels ou supposés, enregistrés ces derniers mois sur le plan sécuritaire en Irak. « Les choses vont de mieux en mieux en Irak », a répété à plusieurs reprises le sénateur de l’Arizona. Mais cet optimisme l’a conduit à énoncer quelques contre-vérités. Il a ainsi affirmé, avant de reconnaitre son erreur, que le général David Petraeus, commandant en chef des troupes américaines en Irak, pouvait désormais se passer de véhicule blindé pour ses déplacements. En visite à Bagdad, il avait effectué à pied la visite d’un marché de la capitale comme pour prouver que la ville était désormais sûre. Démonstration ruinée par les images montrant qu’il était à ce moment-là escorté par plusieurs dizaines de soldats américains lourdement armés. Plus grave, il avait assuré que des combattants d’al-Qaïda s’entraînaient en Iran avant de devoir admettre qu’il avait confondu ces insurgés sunnites avec les combattants chiites irakiens.
En novembre prochain, le dossier irakien ne sera pas forcément décisif pour départager les deux candidats. Mais la volonté affichée de Barack Obama de ramener chez eux les quelque 130 000 soldats américains déployés en Irak constitue néanmoins un atout à l’heure où de nombreux Américains estiment avoir été trompés par leur gouvernement lors du déclenchement de la guerre en 2003.
A qui sera le plus ferme sur l’Iran
En octobre 2007, dans un entretien au Washington Post, Barack Obama soulignait qu’il était favorable à un dialogue politique au plus haut niveau avec les responsables iraniens. Et d’ajouter qu’un changement d’attitude de la République islamique pourrait être récompensé par un soutien à la candidature iranienne à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ainsi que par des garanties américaines en matière de sécurité. A l’époque, sa concurrente à l’investiture démocrate Hillary Clinton avait affirmé craindre que cette proposition de dialogue ne constitue une victoire diplomatique pour l’un des principaux pays hostiles aux Etats-Unis. Pour le sénateur Obama, il s’agissait surtout de se démarquer face à une classe politique oscillant entre soutien à des sanctions financières accrues contre l’Iran et appel à une intervention militaire limitée visant les installations nucléaires connues.
En ce même mois d’octobre 2007, le débat est exacerbé par la décision du gouvernement d’approuver un amendement déposé quelques mois plus tôt par plusieurs sénateurs dont l’ancien démocrate devenu indépendant Joseph Lieberman et les républicains Jon Kyl et John McCain, tous deux de l’Arizona. Ce texte inclut les Gardiens de la Révolution iraniens et sa branche armée, la brigade al-Qods, sur la liste des organisations terroristes. Selon le sénateur McCain, « le gouvernement américain a apporté la preuve que l’Iran faisait tout pour faire échouer les efforts des Etats-Unis pour ramener la stabilité en Irak ». Selon ses auteurs, l’amendement vise « à faire comprendre à l’Iran et à tout autre Etat dans la région que les tentatives de s’attaquer à nos troupes et à soutenir l’insurrection irakienne ne seront pas tolérées et doivent cesser immédiatement ».
A l’époque, le sénateur Barack Obama refuse de soutenir le texte et c’est Hillary Clinton, favorable au texte, qui se voit accuser de soutenir une éventuelle frappe même limitée contre l’Iran. Depuis, celui qui portera les couleurs démocrates lors de la présidentielle laisse planer le doute sur sa politique envers l’Iran. Les diatribes anti-israéliennes aux relents antisémites du président iranien Mahmoud Ahmadinejad ne plaident guère en faveur d’un dialogue direct avec les Etats-Unis. Mais dans le même temps, l’option militaire semble aujourd’hui écartée tant son efficacité parait sujette à caution. Surtout, le candidat Obama a réalisé à quel point le programme nucléaire iranien était un sujet de préoccupation majeure pour Israël, principal allié des Etats-Unis dans la région. Et quand il s’agit d’Israël, le sénateur de l’Illinois a compris que sa marge de manœuvre était quasiment nulle. Il a d’ailleurs promis que son but en tant que président serait d’éliminer la menace que pourrait représenter un Iran nucléaire.
Apparaître comme le meilleur ami d’Israël
Le hasard a peu à voir dans cette affaire. C’est devant l’AIPAC, le principal lobby pro-israélien aux Etats-Unis que le désormais candidat démocrate à la Maison Blanche a décidé de prononcer son premier discours de politique étrangère. Un discours qu’aucun responsable politique américain n’aurait renié. Après avoir rappelé que « la sécurité d’Israël est sacro-sainte », Barack Obama a reconnu que « les Palestiniens avaient besoin d’un Etat viable » mais que « tout accord avec les Palestiniens devait préserver l’identité juive d’Israël ».
Visiblement conscient qu’il aurait besoin le 4 novembre prochain des voix et plus encore des contributions financières de l’électorat juif, le sénateur de l’Illinois est même allé plus loin en affirmant que « Jérusalem restera la capitale d’Israël et que la ville doit rester indivisible ». Un parti pris immédiatement dénoncé par le président palestinien Mahmoud Abbas qui a rappelé que la partie orientale de Jérusalem était considéré par les Nations unies comme un territoire occupé depuis sa conquête par les troupes israéliennes en 1967.
Mais en la matière, l’heure n’est pas à la nuance. Le sénateur Obama n’est pas sans savoir que le caractère indivisible de Jérusalem est l’un des rares points qui fasse l’objet d’un très large consensus, tant en Israël qu’au sein de la diaspora juive. S’il est élu le 4 novembre prochain, le candidat démocrate qui entend restaurer l’image de son pays à l’étranger sait pourtant qu’il devra infléchir sa position sur le sujet s’il veut reconquérir l’opinion publique arabe pour qui les Etats-Unis ont depuis longtemps perdu leur capacité à jouer les médiateurs dans un conflit où les perspectives de règlement paraissent chaque jour un peu plus lointaines.