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Europe

Immigration : la directive «retour»

par Patrick Adam

Article publié le 05/06/2008 Dernière mise à jour le 05/06/2008 à 20:35 TU

Réunis à Luxembourg jeudi, les ministres de l’Intérieur de l’Union européenne se sont accordés sur des règles communes concernant l’expulsion des sans-papiers. Il s’agit d’harmoniser des législations nationales souvent très différentes avec à terme le souhait de forger une politique européenne en matière d’immigration. Le compromis auquel sont parvenus les ministres, sera soumis au vote des eurodéputés, la bataille promet d’être rude. A Bruxelles, on appelle ce texte la « directive retour », les défenseurs des droits de l’homme l’ont rebaptisé « la directive de la honte. » De quoi s’agit-il ?

Grille de rétention administrative d'Arenc à Marseille.(Photo : AFP)

Grille de rétention administrative d'Arenc à Marseille.
(Photo : AFP)

A l’heure actuelle, les étrangers non communautaires, on estime le nombre de clandestins à douze millions dans l’ensemble de l’Union, peuvent circuler d’un pays à l’autre sans contrôle. Mais les conditions de leur reconduite à la frontière peuvent sensiblement varier d’un Etat à l’autre. Depuis plusieurs années, la Commission œuvre pour un rapprochement des législations, mais se heurte à de fortes réticences des Etats jaloux de leurs prérogatives, et hostiles à toute dilution de leur pouvoir sur un thème, celui de l’immigration, très sensible politiquement et donc électoralement.

Avec ce projet de directive, chaque pays devra choisir entre légaliser le séjour des sans-papiers ou les expulser. Les textes préfèrent parler d’éloignement plutôt que d’expulsion, mais si le départ n’est pas volontaire alors cet « éloignement forcé » sera accompagné d’une interdiction de revenir, un bannissement du territoire de l’Union pendant cinq ans. Les organisations de défense des droits de l’Homme condamnent notamment le fait que ces mesures s’appliqueront aux enfants.

La rétention administrative

Ce qui fait aujourd’hui débat concerne la durée de rétention administrative, à savoir le temps écoulé entre l’interpellation d’un clandestin, et sa reconduite effective. En France, elle ne doit pas dépasser trente deux jours, mais elle est de dix-huit mois en Allemagne, vingt mois en Lituanie, et illimitée dans plusieurs Etats membres comme le Royaume-Uni et le Danemark. Un temps mis à profit pour établir les documents nécessaires et parfois obtenir la collaboration du pays d’origine. Mais pour certains Etats, ce temps de la rétention est déjà compris comme faisant partie de la sanction.

Avec ce projet de directive, la durée administrative de rétention serait portée à six mois maximum, avec toutefois la possibilité de l’allonger à dix-huit mois. Pour bon nombre d’Etats c’est une limitation, mais pour d’autres comme la France, c’est la porte ouverte à un allongement des procédures, même s’il est clair qu’il s’agit de fixer un maximum et non pas une norme.

La directive de la honte

Pour les défenseurs des droits de l’Homme cette « directive retour » n’est rien d’autre qu’une « directive de la honte. » Interrogé par RFI, Laurent Giovannoni secrétaire général de la Cimade, estime que ce texte est « excessif dans son contenu » dès lors qu’il concerne des personnes qui n’ont commis « aucun délit sinon d’être en situation irrégulière. » Le risque dit-il est de « généraliser un système qui enfermerait par principe les étrangers. » Avec d’autres organisations la Cimade participera le 14 juin à une journée de mobilisation contre ce texte, et le 17 juin sera organisé devant le Parlement européen à Strasbourg un « cercle du silence », c’est en effet durant cette session que les eurodéputés seront appelés à se prononcer sur cette directive. Et le débat promet d’être animé.

Pour tenter de désamorcer la contestation notamment des partis de gauche qui jugent le texte trop répressif, les vingt-sept ont passé un accord avec les représentants des principaux groupes. Le vote de la directive contre l’introduction d’une assistance judiciaire aux personnes expulsées. Berlin souhaitait qu’elle soit facultative, les eurodéputés ont obtenu qu’elle soit obligatoire, au moins sur le papier.