par Stefanie Schüler
Article publié le 09/06/2008 Dernière mise à jour le 09/06/2008 à 15:26 TU
Cela pourrait être le tournant dans l'affaire Omar Khadr, ce jeune Canadien de 22 ans, détenu à Guantanamo parce que les Américains le soupçonnent d'appartenir au réseau al-Qaïda. Son avocat militaire a lancé, ce dimanche, de graves accusations contre le gouvernement américain. Selon lui, le Pentagone a ordonné la destruction de documents qui auraient pu innocenter son client.
On ignore encore comment le manuel d'instructions est parvenu aux mains des avocats d'Omar Khadr. Mais on sait qu'il pourrait avoir d'importantes implications pour leur client.
Le document contient des ordres du ministère américain de la Défense : le Pentagone exige des militaires américains, chargés des interrogatoires à Guantanamo, qu'ils détruisent leurs notes manuscrites. Est également mentionné dans le manuel le but de cette opération : pour le gouvernement américain il s’agit de toute évidence de minimiser le nombre de documents susceptibles d'être produits en cas de procès. La destruction de ces notes « peut atténuer certains problèmes de droit » peut-on lire dans les explications du Pentagone.
Seulement voilà, si la plupart des notes manuscrites des interrogatoires à Guantanamo ont probablement été détruites, le manuel donnant cet ordre ne l’a pas été. Et ses auteurs du Pentagone ne s’attendaient certainement pas à ce qu’il se retrouve aux mains du lieutenant William Kuebler, l’avocat militaire d’Omar Khadr, l’un des détenus de Guantanamo.
Preuves clés
« Si des notes manuscrites ont été détruites, le gouvernement américain a intentionnellement privé les avocats d'Omar Khadr de preuves clés. Des preuves qui auraient permis de contester l'authenticité de ses aveux », a estimé William Kuebler dans un communiqué.
Le contenu de ce manuel d'instructions du Pentagone prend en effet une importance particulière pour Omar Khadr. Car, selon ses avocats, l’accusation se base presqu’exclusivement sur des déclarations que ses interrogateurs ont réussi à lui soustirer tant à Guantanamo que dans une prison secrète américaine en Afghanistan. Après les révélations de ce week-end, le lieutenant Kuebler est déterminé à réclamer un abandon total de charges à l'encontre de son client. La destruction de preuves constitue une violation apparente des lois fédérales et militaires aux Etats-Unis.
Omar Khadr est accusé par Washington d'avoir lancé une grenade qui a tué un soldat américain en Afghanistan, en 2003. Récemment, la production de nouveaux documents a soulevé des doutes sur l'identité de la personne qui a lancé la grenade. Le cas d’Omar Khadr est également contesté car l’accusé n’avait que 15 ans au moment des faits qui lui sont reprochés. Pour ses avocats il était donc un enfant-soldat et en conséquence ne devrait pas être jugé devant un tribunal militaire.
Le lieutenant Kuebler a de plus annoncé qu'il déposera le manuel d'instructions du Pentagone devant la Cour suprême américaine. La plus haute instance juridique des Etats-Unis doit en effet se prononcer d'ici la fin du mois sur les conditions de détention à Guantanamo. Elle pourrait décider que les détenus peuvent porter leur détention en appel devant un tribunal civil américain. Une décision par laquelle la Cour suprême mettra pour la deuxième fois en cause la légalité même des tribunaux militaires d’exception, créés après les attentats du 11 septembre 2001 pour juger les accusés de terrorisme.