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Canada

Excuses historiques du gouvernement envers les autochtones

Article publié le 12/06/2008 Dernière mise à jour le 12/06/2008 à 13:53 TU

Le Premier ministre canadien, Stephen Harper (à gauche), est en compagnie du chef de l'Assemblée des Premières Nations, Phil Fontaine, qui a lui-même passé dix ans dans un pensionnat.(Photo : Reuters)

Le Premier ministre canadien, Stephen Harper (à gauche), est en compagnie du chef de l'Assemblée des Premières Nations, Phil Fontaine, qui a lui-même passé dix ans dans un pensionnat.
(Photo : Reuters)

Lors d'une cérémonie au Parlement, le Premier ministre Stephen Harper a pris la parole pour présenter ses excuses aux dizaines de milliers d’autochtones qui ont fréquenté le système de pensionnats mis en place par l’Etat canadien dès la fin du XIXe siècle. Ces excuses ont lieu trois ans environ après les ententes judiciaires conclues entre les anciens pensionnaires et le gouvernement canadien qui leur a  versé près d’un milliard d’euros à titre de réparation. Dans son allocution, qui se déroulait devant une dizaine d’anciens pensionnaires et le grand chef de l’Assemblée des Premières Nations, le Premier ministre a demandé pardon à ceux et à celles qui ont subi cette politique d’assimilation. Il a aussi déploré les sévices physiques et sexuels subis à l’époque par des enfants sans défense.

De notre correspondante à Québec, Pascale Guéricolas

L’émotion était palpable durant la cérémonie, en particulier sur le visage des anciens pensionnaires placés à quelques pas du Premier ministre, ou chez les autochtones qui suivaient l’événement en direct depuis leurs communautés. « Certains cherchaient à tuer l’Indien en l’enfant », a rappelé Stephen Harper en expliquant que l’Etat voulait isoler les enfants de leur culture et de leur famille pour mieux les intégrer à la majorité dominante.

Dans son discours, le chef du parti conservateur a levé le voile sur ce triste chapitre de l’histoire canadienne où les pensionnaires n’avaient pas le droit de parler leur langue et se retrouvaient sans défense, loin de leurs parents. « En plus d’un siècle, les pensionnats indiens ont séparé plus de 150 000 enfants autochtones de leur famille et de leur communauté. (…) Au nom du gouvernement du Canada et de tous les Canadiens et Canadiennes, je me lève devant vous pour présenter nos excuses aux peuples autochtones pour le rôle joué par le Canada dans les pensionnats pour Indiens », a déclaré solennellement Stephen Harper.

Albertine Germain a passé une grande partie de son enfance dans un pensionnat loin de ses parents, dans le Nord du Québec. Elle montre le cliché d'un de ses petits frères.(Photo : Pascale Guéricolas/RFI)

Albertine Germain a passé une grande partie de son enfance dans un pensionnat loin de ses parents, dans le Nord du Québec. Elle montre le cliché d'un de ses petits frères.
(Photo : Pascale Guéricolas/RFI)


Albertine Germain, une Innue du Québec, a subi ce système dans les années cinquante. À sept ans, un curé est venu la chercher dans la forêt où elle vivait avec ses parents d’août à juin. Il l’a emmenée d’abord en train, puis en bateau, jusqu’à un pensionnat situé dans le Nord, à des centaines de kilomètres de ses parents. Deux ans se sont écoulés avant qu’elle ne les revoie. « Je pense que les curés n’avaient pas d’argent pour payer le transport », laisse tomber la sexagénaire, résignée.

Roméo Saganash, un Cri de 46 ans, a découvert, lui, le pensionnat de nuit, après un long voyage. « J’avais six ans, mais je me souviens parfaitement de l’odeur dès que nous avons franchi la porte, des couleurs, et du sentiment que cela n’allait pas bien », confie-t-il d’une voix douce. En révolte contre les autorités religieuses qui lui refusent le droit de se rendre à l’enterrement de son père, décédé lors de sa première année de séjour, il ne leur adresse pas la parole pendant deux ans.

Remédier aux terribles inégalités

 

Gilles Duceppe, le chef du Bloc québécois [indépendantiste], a  évoqué la triste histoire de la famille Saganash lors de son discours d’excuses qui succédait à ceux de Stephen Harper et des autres dirigeants politiques. Le timbre sourd, il a raconté qu’un enfant avait trouvé la mort au pensionnat sans que jamais les parents ne connaissent la raison de ce décès, ni le lieu de sa sépulture. À ses yeux, les 90 000 autochtones qui ont réussi à sortir des pensionnats sont des survivants puisqu’il y a déjà plus de 100 ans, un rapport révélait un taux de mortalité de plus de 25% dans ces pensionnats. Ce taux atteignait même 47% dans un pensionnat, en Alberta.

Dès lors faut-il tourner la page sur ces douloureux événements ou tourner une page en reprenant le dialogue avec les Premières Nations ? C’est ce qu’ont laissé entendre les chefs du Bloc québécois et du Nouveau Parti démocratique (NPD) en demandant au gouvernement canadien de signer enfin la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. À entendre le chef du NPD, Jack Layton : « pour corriger les terribles inégalités dans les communautés, il faut restaurer une relation d’Etat à Etat. »

Une partie des autochtones s’interrogent aujourd’hui sur la réelle portée de ces excuses. Vont-elles permettre d’instaurer un dialogue entre le gouvernement et les premiers habitants du Canada dans un esprit de réconciliation ? C’est ce que laissait entendre le grand chef de l’Assemblée des Premières Nations, Phil Fontaine, dans son discours devant les députés et le Premier ministre. Pour sa part, le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador semblait en douter.

Dans une conférence de presse qui a suivi la cérémonie, à la Chambre des communes, Ghislain Picard a déploré le manque de mesures concrètes pour sortir les autochtones de leur sous-développement chronique. Rappelant lui aussi le fait que le Canada n’ait pas ratifié la déclaration des droits autochtones, il a dénoncé le manque d’investissement dans l’éducation et dans les services sociaux autochtones. Du coup, un grand nombre d’enfants se retrouvent à nouveau placés à l’extérieur de leur communauté. « Le Canada occupe le quatrième rang pour l’indice de développement humain, [tandis que] nos Premières Nations se situent au 68ème rang, a fait remarquer le chef régional. Est-ce que le Premier ministre s’excuse aussi pour cette situation ? »

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 Stephen Harper, Premier ministre canadien.(Photo : AFP)

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