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Justice internationale

Le procès de Thomas Lubanga devant la CPI est suspendu

par Stéphanie Maupas

Article publié le 14/06/2008 Dernière mise à jour le 14/06/2008 à 15:52 TU

Le premier procès de la Cour pénale internationale, qui devait s’ouvrir le 23 juin, a été suspendu. Thomas Lubanga, ancien chef de milice de l’est de la République démocratique du Congo, est poursuivi pour avoir enrôlé des enfants dans ses troupes. La décision des juges repose sur le refus des Nations unies de lever la confidentialité sur des pièces du dossier. La cour devrait tenir une nouvelle audience le 24 juin pour décider de la remise en liberté de l’accusé.

Thomas Lubanga est le premier accusé de la Cour pénale internationale (CPI) à répondre de crimes de guerre en RDC ; La Haye le 20 mars 2006.(Photo : AFP)

Thomas Lubanga est le premier accusé de la Cour pénale internationale (CPI) à répondre de crimes de guerre en RDC ; La Haye le 20 mars 2006.
(Photo : AFP)

Incarcéré depuis mars 2006 dans une cellule du centre pénitentiaire de la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye, l’ancien chef de l’Union des patriotes congolais (UPC), Thomas Lubanga, pourrait être bientôt remis en liberté. Accusé de crimes de guerre pour avoir enrôlé des enfants dans ses troupes, actives dans l’Est de la république démocratique du Congo (RDC), le procès de Thomas Lubanga, qui est aussi le premier procès organisé par cette Cour érigée en juillet 2002, devait débuter le 23 juin. Mais dans une décision rendue le 13 juin, les juges de la Cour ont suspendu la procédure. Pour les magistrats, l’accusé ne pourrait pas avoir un procès « juste ».

Jugement impossible en l’absence de toutes les pièces

La décision des juges est motivée par le refus des Nations unies de lever la confidentialité sur 156 pièces du dossier de Thomas Lubanga. Or ces pièces comporteraient des éléments susceptibles de disculper l’accusé ou d’alléger sa responsabilité et pourraient « avoir de l’impact » sur « la culpabilité ou l’innocence de l’accusé » écrivent les magistrats dans une décision de 44 pages. Ces pièces pourraient démontrer que « des enfants ont volontairement rejoint » les forces de Thomas Lubanga, « ou ont été envoyés par leurs parents », que l’accusé aurait par ailleurs participé à « la démobilisation des enfants soldats » au cours du conflit. D’autres éléments montreraient qu’il aurait été « intoxiqué » ce qui pourrait avoir « altéré sa capacité de contrôle ou de compréhension du caractère illégal de sa conduite ».

Les Nations unies bloquent la procédure

Ces pièces essentielles pour le dossier Lubanga ont été obtenues par le procureur suite à plusieurs accords de confidentialité passés avec les Nations unies, et notamment la Mission des Nations unies au Congo (Monuc). Le procureur avait expliqué aux juges qu’il n’aurait « pas été en mesure d’ouvrir une enquête en République démocratique du Congo sans les informations fournies par l’ONU en vertu d’un accord de confidentialité ». Or selon la procédure de la cour, qui prévoit une multitude de garde-fous en faveur des Etats, le procureur ne peut lever la confidentialité d’un document qu’avec l’accord du « fournisseur ». Mais en refusant de donner son aval, l’organisation des Nations unies bloque de facto le procès de Thomas Lubanga.

La raison d’Etat

Au cours d’une audience de procédure, tenue le 10 juin à La Haye, Jean-Marie Biju-Duval, l’un des avocats de Thomas Lubanga, avait estimé que « les archives des Nations unies devraient être ouvertes à tous. Le véritable scandale n’est pas du côté du procureur, arguait-il, mais du côté des Nations unies qui font obstacle à ce que des informations destinées à la vérité judiciaire parviennent aux juges et à la défense. Pourquoi du côté des Nations unies veut-on priver monsieur Lubanga de sa défense ? interrogeait-il. Qui veut-on protéger ? Quelles sont les puissances, les intérêts qui font dire aux Nations unies : nous ne voulons pas que des éléments soient divulgués à la défense. On ne peut pas faire valoir la raison d’Etat internationale sur les intérêts de la justice. Il n’y a qu’une seule solution : constater que le procès est impossible ».

Les juges ont retenu les arguments. A moins que les Nations unies décident finalement de lever la confidentialité sur ces pièces, ou que le procureur fasse appel de la décision, une nouvelle audience devrait se tenir le 24 juin pour débattre de la remise en liberté de l’accusé.