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France / Audiovisuel

Incertitudes et menaces sur l’avenir du service public

par Myriam Berber

Article publié le 17/06/2008 Dernière mise à jour le 17/06/2008 à 16:32 TU

Jean-François Copé, le président de la Commission pour la Nouvelle Télévision publique. (Photo : AFP)

Jean-François Copé, le président de la Commission pour la Nouvelle Télévision publique.
(Photo : AFP)

Cinq mois après l’annonce de la suppression de la publicité dans l’audiovisuel public par le président Nicolas Sarkozy et une semaine avant la remise du rapport de la Commission Copé, l’inquiétude grandit. La grève prévue, mercredi 18 juin 2008, à l’appel de l’intersyndicale de l’audiovisuel public devrait être particulièrement bien suivie.

Les salariés de l’audiovisuel public attendent avec une certaine inquiétude le rapport final que doit remettre Jean-François Copé, le 25 juin 2008, à Nicolas Sarkozy. Le document élaboré par la commission du même nom qui a rassemblé des professionnels, notamment des producteurs, et des parlementaires de droite et de gauche va orienter l’avenir de l’audiovisuel public. Il y a dix jours, les six parlementaires socialistes et communistes ont quitté la commission, déplorant que « les arbitrages aient déjà été rendus » par le président Sarkozy. De leur côté, les salariés redoutent de ne pas voir se dessiner un financement pérenne et, à terme, un démantèlement du secteur. Un sérieux dégraissage est attendu. C’est pourquoi l’intersyndicale appelle les salariés à 24 heures de grève mercredi 18 juin 2008, avec une manifestation à 14h, de la place de la Bastille à la place de la République, à Paris. Il s’agira de la deuxième grève dans l’audiovisuel public après celle du 13 février, qui avait été sans précédent depuis l’éclatement de l’ORTF en 1974.

La suppression de la publicité sur le service public audiovisuel (France 2, France 3, France 4, France 5, Arte et Radio France) devrait se faire partiellement, après 20h00 à partir du 1er septembre 2009, et totalement à partir de janvier 2012 pour la télévision. Cette décision entraînera un manque à gagner annuel de 800 millions d’euros de recettes publicitaires. Les syndicats évaluent ce montant à 1,2 milliard d’euros, représentant environ 40% du budget du groupe France Télévisions et 45 millions d’euros pour Radio France.

Plusieurs scénarios pour le financement

Plusieurs pistes ont été évoquées pour compenser la disparition de la manne publicitaire. En premier lieu, l’augmentation de la redevance télévisée que paie chaque foyer et qui s’élève actuellement à 116 euros par an. Cette mesure a été écartée par le chef de l’Etat, mais ce dernier pourrait accepter une indexation sur l’inflation. Autres pistes : taxer l’électronique grand public ou alors taxer le chiffre d’affaires des fournisseurs d’accès internet et des opérateurs de téléphonie mobile, les nouveaux diffuseurs de télévision. Ce scénario qui a la faveur de Jean-François Copé préconise également une affectation de la redevance sur fréquence radio à hauteur de 100 millions d’euros.

Jean-François Copé a également évoqué l’hypothèse de compenser la fin de la publicité en affectant au budget de France Télévisions, la part de la redevance allouée à Radio France Internationale (RFI) et à l’Institut national de l’audiovisuel (Ina), soit au total 140 millions d’euros. Pour RFI, cela représenterait une perte de 60 millions d’euros, soit presque 40% du budget de RFI. Financées par la redevance et une dotation du ministère des Affaires étrangères, les ressources de RFI sont d'environ 130 millions d'euros. Concernant l’Ina, le manque à gagner de 80 millions serait compensé par une taxe sur les recettes publicitaires supplémentaires des chaînes privées.  

« Le démantèlement de l’audiovisuel public »

Au-delà de la question du financement, qui reste suspendue à la décision du président de la République, la Commission Copé appelle à une réorganisation complète de France Télévisions. Des évolutions qui passent par le renforcement de l'identité et du contenu éditorial des cinq chaînes du service public. En première ligne de cette réorganisation, France 3 devrait réduire le nombre de ces rédactions locales à sept contre treize actuellement. Jean François Copé promet qu'il n'y aura aucune suppression de poste.

Pour l’intersyndicale de l’audiovisuel public, la commission Copé « est une opération de camouflage du démantèlement de l’audiovisuel public au profit du secteur privé. Dans un premier temps, le statut de chaîne nationale de France 3 est sacrifié, en attendant le démantèlement de l’ensemble de l’audiovisuel public ». Selon les syndicats, c’est un cadeau au privé, d’autant que parallèlement aux travaux de la Commission, la ministre de la Culture Christine Albanel a proposé plusieurs mesures pour accroître les recettes publicitaires des chaînes privées : nombre de publicités par heure revu à la hausse, deuxième coupure pendant les films.

Un holding pour l’audiovisuel extérieur

En effet, les chaînes de télévision publiques ne sont pas les seules à craindre les effets de cette sérieuse cure d’amaigrissement. L’audiovisuel public extérieur est également concerné. Une grande réforme prévoit, en effet, de regrouper sous un holding tous les médias chargés de diffuser à l’étranger (RFI, France 24, TV5 Monde). Les personnels de Radio France Internationale sont inquiets pour la pérennité de son financement et sur les modalités de rapprochement avec la chaîne de télévision France 24. « Avec quels moyens le grand pôle de l'audiovisuel extérieur sera-t-il financé  », demandent les syndicats, qui exigent le maintien de leur part de redevance, « seule source de financement garantie pour RFI ».

Radio France Internationale détenue à 100% par l'Etat, sous la double tutelle du ministère des Affaires étrangères et de la Culture, pourrait voir son statut également modifié. Dans le cadre du projet de loi de modernisation de l'économie (LME), l’Assemblée nationale vient, en effet, d’adopter un amendement stipulant que l’Etat pourra détenir « indirectement » - et non plus « directement » - la totalité du capital de Radio France Internationale (RFI), conséquence directe du holding. Du côté de la chaîne France 24, reste toujours l’épineuse question du financement. Selon des informations rapportées par le quotidien économique Les Echos en date du 17 juin 2008, aucun accord n’a été trouvé pour la reprise par l’Etat de la participation de TF1 dans France 24. La chaîne du groupe Bouygues qui a investi 17 500 euros pour avoir 50% du capital de la chaîne d’information internationale, veut désormais 90 millions d’euros. Selon Les Echos, le gouvernement aurait proposé entre 15 et 20 millions d’euros. En l’absence d’un accord, France 24 ne peut passer sous la tutelle du holding audiovisuel extérieur de la France.