par Piotr Moszynski
Article publié le 19/06/2008 Dernière mise à jour le 19/06/2008 à 21:42 TU
Le président géorgien Mikheïl Saakachvili (g) et Javier Solana, haut représentant de l’UE pour la politique étrangère, au Conseil de l'Europe à Bruxelles, le 19 juin 2008.
(Photo : Reuters)
Un sommet UE-Russie est prévu fin juin en Sibérie. Il est précédé, entre autres, par une série de consultations intenses entre les Occidentaux d’un côté et les Géorgiens et les Ukrainiens de l’autre. Le secrétaire général de l’Otan vient de se rendre à Kiev, Ioulia Timochenko et Mikheïl Saakachvili viennent de s’entretenir avec Javier Solana à Bruxelles, le président géorgien est attendu à Berlin le 24 juin. Et pour cause…
La Géorgie, qui a beaucoup gagné en stabilité politique depuis les récentes élections gagnées par le camp du président Mikheïl Saakachvili, est confrontée à de graves problèmes intérieurs et extérieurs, avec la Russie en toile de fond. Comme dans le cas de l’Ukraine, Moscou a du mal d’admettre qu’un pays faisant jadis partie de son empire – désigné à présent par un euphémisme « l’étranger proche » - puisse vraiment vivre sa propre vie et prendre des décisions pleinement autonomes sur son avenir et ses alliances. En conséquence, les autorités russes profitent de chaque prétexte pour faire pression sur Tbilissi.
« Conséquences sanglantes »
Les pressions étaient d’abord économiques. Faute de résultats tangibles, elles se sont transformées en pressions militaires, les Russes ayant considérablement augmenté leur contingent « de maintien de la paix » dans les régions sécessionnistes géorgiennes de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud. Chaque incident à la frontière de ces régions donne lieu à des échanges virulents au plus haut niveau des deux Etats. Le dernier en date : près de la frontière abkhaze, les policiers géorgiens trouvent des armes acheminées sans autorisation par un convoi militaire russe et arrêtent quatre soldats, pour les libérer après interrogatoire, en confisquant toutefois les armes transportées, jusqu’à ce que leur présence soit expliquée officiellement du côté russe. Réponse du Kremlin : le président Medvedev parle d’une « inacceptable provocation » géorgienne et prévient son homologue Mikheïl Saakachvili que Moscou ne tolérera plus un tel traitement infligé à ses soldats. Et le chef adjoint d’état-major russe, le général Alexandre Bouratine, menace carrément de « conséquences extrêmement graves, tout simplement sanglantes ».
Ioulia Timochenko, redevenue chef du gouvernement ukrainien en décembre 2007, deux ans après sa spectaculaire rupture politique avec le président Viktor Iouchtchenko, affronte, elle, des problèmes de stabilité intérieure. Bien qu’alliés dans le cadre d’une coalition gouvernementale, le chef de l’Etat et sa Première ministre entretiennent toujours de relations conflictuelles. De surcroît, la coalition vient de perdre, début juin, sa très courte majorité d’une seule voix au parlement. Deux députés sont partis pour rejoindre le Parti des Régions prorusse, la principale formation de l’opposition.
Quatrièmes élections en quatre ans ?
Pour l’instant, Viktor Iouchtchenko assure que « la majorité parlementaire est capable d’agir », mais si aucune solution n’est trouvée dans le délai constitutionnel d’un mois et demi, le président pourrait dissoudre le parlement et annoncer, une nouvelle fois, des législatives anticipées. Il s'agirait des quatrièmes élections législatives en Ukraine depuis la Révolution orange il y a quatre ans. Et dans ce cas, le parti de Viktor Iouchtchenko pourrait être tenté de renouveler l’expérience d’une coalition gouvernementale avec le Parti des Régions du prorusse Viktor Ianoukovitch. Ce qui atténuerait peut-être les tensions actuelles avec la Russie – très opposée au rapprochement de l’Ukraine avec l’UE et l’Otan – et qui rendrait, automatiquement, plus difficile ce rapprochement lui-même. Moscou usera sans aucun doute de toute son influence, basée surtout sur le soutien de la moitié orientale russophone de l’Ukraine, pour garder le pays dans son giron. Si la Russie le juge nécessaire, elle n’hésitera pas non plus à revenir aux pressions économiques, en profitant surtout de la dépendance de l’Ukraine en matières premières énergétiques russes.
La Russie modérée ?
Pour les dirigeants de Tbilissi et de Kiev, le sommet de Sibérie doit être, comme disait récemment la ministre géorgienne des Affaires étrangères Ekaterine Tkechelachvili, « une première occasion de vérifier s’il est réaliste d’attendre de la Russie » qu’elle modère sa politique, en particulier à l’égard des deux anciennes républiques soviétiques qui osent vouloir prendre le chemin de l’Occident. Il sera intéressant de voir si – et comment – ce dernier compte les aider à progresser dans ce sens.