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Présidence française de l'UE

Le défi européen de la lutte contre le réchauffement

par  RFI

Article publié le 21/06/2008 Dernière mise à jour le 26/06/2008 à 15:52 TU

(Photo : UE)

(Photo : UE)

La France espère parvenir, avant la fin de sa présidence de l’Union européenne, à définir les modalités concrètes de la politique européenne de lutte contre le changement climatique. Une opération difficile, vu les divergences qui persistent sur le sujet entre les 27 Etats membres.

Le « paquet énergie-climat » : la formule manque singulièrement de charme ; elle est pourtant au cœur de la future politique européenne de lutte contre le réchauffement climatique. Une politique qui constitue l’un des principaux chantiers que la France devra mener à bien durant sa présidence de l’UE.

Retour en arrière. En mars 2007, les 27 adoptent des objectifs ambitieux en matière énergétique et environnementale : réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20 % par rapport à 1990 ; gagner 20 % d’efficacité énergétique (dans les transports, les bâtiments…) ; faire passer la part des énergies renouvelables à 20 % de la consommation de l’Union. Ces trois objectifs devant être atteints d’ici à 2020. En matière de lutte contre le réchauffement, «20» semble être le chiffre magique en Europe. Le 23 janvier 2008, la Commission de Bruxelles présente ce « paquet énergie-climat », à savoir l’ensemble des mesures destinées à atteindre ces objectifs. Les contraintes qu’impose ce plan, ont alors fait ressurgir les égoïsmes nationaux, le lobbying des industriels, les critiques sur le caractère illusoire du projet… Bien loin de la générosité et de l’enthousiasme affichés lors de la définition des objectifs.

60 milliards d’euros contre le réchauffement

Pour faire passer la part des énergies renouvelables de 8,5 % en moyenne aujourd’hui à 20 % de la consommation énergétique européenne en 2020, le paquet énergie-climat impose à chaque Etat membre une hausse de 5,75 % des énergies renouvelables, puis module le restant en fonction du PIB de chaque pays, selon le principe de solidarité. Ainsi, la France devra arriver à 23 % d’énergies renouvelables contre 10,3 % en 2007, l’Allemagne à 18 % (5,8 % en 2007), la Pologne à 15 % (7,2 % en 2007). La Commission insiste sur les biocarburants qui devront représenter, d’ici à 2020, 10 % de la consommation des véhicules.

Concernant les gaz à effet de serre (GES), le « paquet énergie-climat » réorganise le système des quotas d’émissions de CO2 qui, depuis le 1er janvier 2005, étaient alloués par chaque Etat aux industries les plus polluantes, sur le modèle du Mécanisme de développement propre institué par le protocole de Kyoto. Désormais, ces quotas concerneront tous les GES, et pas seulement le CO2. Ils seront étendus à de nouveaux secteurs industriels, notamment les transports, l’agriculture, le BTP… Surtout, ils ne seront plus distribués gratuitement par les Etats, mais vendus aux enchères par une entité indépendante, afin de responsabiliser les entreprises.

A en croire José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne : « Ce plan coûtera 60 milliards d’euros, soit moins de 0,5 % du PIB européen, soit également trois euros par semaine et par citoyen jusqu’à 2020. C’est un coût certain, mais gérable pour l’UE, et surtout beaucoup moins élevé que si nous n’agissons pas rapidement contre le réchauffement climatique ».

Durant sa présidence de l’UE, la France devra répondre à un double défi : d’abord aplanir les nombreux différends que suscite ce paquet énergie-climat ; et le faire en respectant un calendrier serré. En effet, toutes les mesures devront être approuvées par le Parlement européen avant la fin de l’année, ou au plus tard avant mars 2009 lorsque s’achèvera le mandat des eurodéputés.

L’idée est que l’UE se présente avec une politique concrète devant la conférence de l’Onu sur les changements climatiques, qui se tiendra à Copenhague en décembre 2009. Comme le souligne Sigmar Gabriel, le ministre allemand de l’Environnement : « L’Union européenne est en pointe dans la lutte contre le réchauffement. Si nous n’agissons pas, personne ne le fera » .

Un nouveau conflit Est-Ouest… au sein de l’UE

Durant sa présidence, la France devra donc réussir à définir une politique énergétique acceptable par les 27 pays membres. Aujourd’hui, les réserves sont nombreuses. Emmenés par la Hongrie, sept nouveaux entrants (Hongrie, Pologne, Lettonie, Malte, Lituanie, Estonie et République tchèque) estiment que l’année de référence pour jauger la baisse des GES ne devrait pas être 1990, mais 2005, afin de tenir compte des efforts qu’ont dû mener les anciens pays de l’Est pour moderniser leurs industries héritées de l’époque soviétique. Selon eux, cette exigence revient à stopper net leur croissance et va provoquer une hausse vertigineuse de leur facture énergétique.

Réponse d’un haut-fonctionnaire de la Commission, cité par Le Monde : « On retrouve là l'un des nombreux antagonismes entre anciens et nouveaux entrants, pays occidentaux et ex-membres du bloc de l’Est. Prendre 2005 comme année de référence n’a aucun sens car cela minorerait énormément les efforts exigés des Etats pour réduire leurs émissions de GES. Ce point de friction est mineur ; il sera facilement résolu ».

Les pays les plus industrialisés –au premier rang desquels la France et l’Allemagne– redoutent que les exigences du paquet énergie-climat sur les GES ne menacent la compétitivité des entreprises européennes et ne les incitent à se délocaliser là où la législation anti-pollution est moins stricte. C’est pourquoi Paris, fidèle à son idée d’« Europe protection », propose l’instauration d’une « taxe carbone » qui serait appliquée aux importations venant de pays ne respectant pas le protocole de Kyoto. D’abord regardée avec méfiance, cette idée commence à être acceptée par les instances européennes.

Les biocarburants alimentent également le débat. Présentés, il y a quelques années, comme la solution idéale pour, à la fois, défendre l’environnement et réduire la dépendance à l’égard du pétrole, ils sont aujourd’hui décriés. Leur efficacité énergétique est contestée, le coût revu à la hausse, leur qualité écologique mise en doute. Surtout, ils sont accusés de favoriser l’actuelle flambée des prix des denrées alimentaires. Affamer les pays du Sud pour permettre aux citoyens des pays riches d’utiliser leur voiture est une idée inacceptable. « Un crime contre l’humanité », affirme même Jean Ziegler, chargé du dossier auprès de l’ONU.

Il semble que les dirigeants européens envisagent aujourd’hui de revenir sur cet objectif de 10 % de biocarburants d’ici 2020. Au moins tant que les biocarburants de seconde génération –fabriqués à partir de bois ou de biomasse et non de céréales ou de colza– ne seront pas au point. La France, néanmoins, cultive l’ambiguïté sur ce chapitre. Le ministre de l’Environnement, Jean-Louis Borloo, se dit favorable à une « pause dans les biocarburants », tandis que celui de l’Agriculture, Michel Barnier, estime que « cet objectif de 10 % n’est pas très élevé ». 

La fin du tabou nucléaire

La France a également averti qu’il lui serait difficile d’atteindre l’objectif assigné par la Commission de 23 % d’énergies renouvelables. Le solaire, l’éolien, la biomasse ne sont pas suffisamment performants. Paris estime, en outre, ce chiffre trop élevé dans la mesure où ses émissions de gaz à effet de serre restent modestes. Pour atteindre cet objectif, les autorités françaises ne voient qu’une solution : que le nucléaire soit reconnu comme une énergie renouvelable.

Une hypothèse refusée jusqu’à présent par Bruxelles. Certes, les centrales sont peu polluantes et autorisent une électricité peu chère mais, à long terme, elles posent les problèmes délicats de leur démantèlement et de la gestion des déchets radioactifs.

En évoquant le sujet, Paris brise un tabou. Rapportée à son nombre d’habitants, la France est le pays le plus nucléarisé au monde. Mais ce pays émet aussi 25 % de GES de moins que la moyenne européenne. Pour le président Nicolas Sarkozy, le nucléaire est la solution pour assurer l’indépendance énergétique de l’Europe, a fortiori lorsque le prix du pétrole s’envole, tout en luttant contre le réchauffement.

Après s’être longtemps déclaré « agnostique » en la matière, José Manuel Barroso semble désormais avoir la foi des nouveaux convertis. « L’énergie nucléaire peut apporter une contribution majeure dans la bataille contre le changement climatique. C’est un excellent moyen de protéger l’économie européenne de la volatilité des prix du pétrole », a-t-il déclaré lors du Forum européen de Prague, le 22 mai dernier.

Aujourd’hui, 15 des 27 Etats membres ont recours au nucléaire. L’Italie –qui respectait un moratoire sur l’atome depuis 1987– envisage à nouveau de construire des centrales. Le scénario est le même au Royaume-Uni qui devrait construire deux nouveaux réacteurs d’ici à 2020, après trente ans d’interruption. De son côté, la Finlande a été la première à opter pour le réacteur EPR de troisième génération.

L’élargissement de l’UE a conforté le camp des partisans de l’atome puisque les anciens pays du bloc de l’Est sont soucieux d’indépendance énergétique face à une Russie qui n’hésite pas à utiliser ses hydrocarbures comme arme politique. Seules l’Autriche et l’Allemagne ne partagent pas cet engouement. Et encore, Angela Merkel est, à titre personnel, favorable à l’atome civil, mais elle a déclaré qu’elle respecterait l’engagement de son prédécesseur, Gerhard Schröder, de sortir du nucléaire avant 2020.

Volonté politique des Etats, mais scepticisme des ONG

Les autorités françaises se disent persuadées de pouvoir obtenir l’adoption d’un accord sur le paquet énergie-climat avant la fin de l’année. Un optimisme partagé par Bruxelles. « Un travail considérable a déjà été réalisé depuis la présentation du paquet énergie-climat. En outre, la volonté politique des Etats membres, en particulier de la France, est réelle », veut croire Jos Delbeke, le directeur général de la Commission, en charge de la politique sur le changement climatique.

Les associations de défense de l’environnement oscillent entre espoir et scepticisme. « Le paquet énergie-climat manque d’ambition. L’objectif de réduction des GES aurait dû être fixé à 30 % et non à 20 %. Quant au nucléaire, il ne constitue en aucun cas une solution au problème du réchauffement. La gestion des déchets radioactifs n’est pas résolue. Favoriser le nucléaire entraînera une baisse des efforts de recherche sur les énergies alternatives », s’inquiètent Les Amis de la Terre. « La révision du système des quotas d’émission de GES est positive. Jusqu’à présent, tous les abus étaient permis. Les doutes sur les biocarburants nous rassurent aussi », souligne pour sa part Greenpeace France.

Mais avant même le début de sa présidence de l’UE, la France a déjà fait des concessions à l’Allemagne concernant les émissions de CO2 par les automobiles, Berlin –constructeur de grosses berlines– s’estimant lésé par le projet communautaire. Les deux pays ont maquillé ces concessions en affichant des objectifs plus ambitieux, mais pour beaucoup plus tard, sans calendrier ni mesures précises. Une méthode habituelle dans ce domaine de la protection de l’environnement, qui déçoit les associations écologistes.